La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2025 | FRANCE | N°52500421

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 avril 2025, 52500421


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 9 avril 2025








Cassation




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 421 FS-B


Pourvoi n° K 24-11.053








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
______________

___________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 AVRIL 2025


Mme [M] [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 24-11.053 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 9 avril 2025

Cassation

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 421 FS-B

Pourvoi n° K 24-11.053

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 AVRIL 2025

Mme [M] [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 24-11.053 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Naval Group, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [C], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Naval Group, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 novembre 2023), Mme [C] a été engagée en qualité d'ouvrière de l'Etat, le 6 septembre 1982, par la direction des constructions navales, service de compétence nationale rattaché au ministère de la défense ayant pour mission la construction des navires destinés à l'armée française (DCN SCN).

2. En application de la loi de finances rectificative n° 2001-1276 du 28 décembre 2001, la direction des constructions navales est devenue une entreprise nationale, puis, le 1er juin 2003, une entreprise de droit privé dénommée DCN, aux droits de laquelle est venue la société DCNS, puis la société Naval Group.

3. Le décret n° 2002-832 du 3 mai 2002 relatif à la situation des personnels de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale prévue à l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 précitée comporte des dispositions
leur permettant de conclure un contrat de travail de droit privé avec la société DCN.

4. Mme [C] a signé un tel contrat le 21 janvier 2013 avec la société DCNS, en qualité d'acheteuse, niveau 15 indice 92, coefficient ajouté à la position I (cadres débutants) par l'accord national du 29 janvier 2000 portant révision provisoire des classifications dans la métallurgie, avec reprise de son ancienneté au 6 septembre 1982.

5. Contestant la rémunération qui lui a été versée à compter de la signature de son contrat, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à faire juger que sa rémunération devait être déterminée par application de la grille de salaire conventionnel « Personnels issus de la DCN/SCN/Contrats- convention collective » et de ses demandes subséquentes en rappels de salaire et congés payés afférents et en fixation de son salaire mensuel brut, alors :

« 1°/ que les juges doivent appliquer les dispositions claires et précises des accords d'entreprise ; qu'en raison de son caractère normatif, l'accord collectif doit être considéré du point de vue de son interprétation comme une loi ; qu'il est interdit d'ajouter à la loi un mot qu'elle ne comporte pas ; que l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN opère, dans des termes clairs et précis, une classification de statut et de rémunération entre les salariés non issus de la société DCN SCN (article 3.1.1) et ceux qui en sont issus (article 3.1.2) sans y ajouter aucune autre condition quant à l'application dans le temps de la grille dénommée Transposition-Personnels issus de DCN/SCN/contrats Convention Collective" figurant à l'annexe 2 de l'accord ; qu'en affirmant, pour débouter les salariés de leurs demandes, que ladite grille renvoie aux propositions de contrat faites en application du décret du 3 mai 2002 qui ne prévoyait l'obligation pour la société de proposer, dans le délai de 9 mois, un contrat que pour les fonctionnaires et les agents contractuels, de sorte que cette grille avait une durée provisoire calquée sur le délai maximum fixé par la loi du 28 décembre 2001 à 2 ans, la cour d'appel a, par adjonction à leur contenu, violé les dispositions de l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN ;

2°/ que l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN opère, dans des termes clairs et précis, une classification de statut et de rémunération entre les salariés non issus de la société DCN SCN (article 3.1.1) et ceux qui en sont issus (article 3.1.2) sans y ajouter aucune autre condition interdisant le passage d'un statut de non cadre au sein de la DCN SCN à celui de cadre de la société DCNS pour l'application de la grille dénommée Transposition-Personnels issus de DCN/ SCN/contrats Convention Collective" figurant à l'annexe 2 de l'accord ; qu'en affirmant, pour débouter les salariés de leurs demandes, que les salariés ne peuvent revendiquer utilement l'application de cette grille à l'occasion de leur passage au statut cadre qui résulte, non pas de l'emploi occupé au sein de DCN SCN, mais de leur évolution depuis leur engagement intervenu au sein de la société DCN à l'occasion duquel ils ont bénéficié de la grille, la cour d'appel a, par adjonction à leur contenu, violé les dispositions de l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN ;

3°/ que les juges doivent appliquer les dispositions claires et précises des conventions sans pouvoir invoquer, pour s'en écarter, l'esprit du texte ou l'intention des parties ; que l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN opère, dans des termes clairs et précis, une classification de statut et de rémunération entre les salariés non issus de la société DCN SCN (article 3.1.1) et ceux qui en sont issus (article 3.1.2) sans y ajouter aucune autre condition quant à l'application dans le temps des grilles annexées à l'accord ; qu'en retenant, pour débouter les salariés de leurs demandes, que pour l'application des grilles annexées à l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN, la volonté de la société a été de conserver les compétences acquises par les personnels ayant bénéficié du statut cadre avant leur mise à disposition et, non à la suite de l'évolution ultérieure de leur carrière au sein de la société, la cour d'appel, qui s'est fondée sur l'intention de l'employeur pour écarter l'application des dispositions claires et précises de l'accord, a violé les dispositions de l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3.1.2.1 « principes applicables à la classification des personnels issus de DCN SCN » et 3.1.2.1.1 « personnel à statut ouvrier d'Etat » de l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN :

7. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

8. Aux termes du premier des textes susvisés, le positionnement des personnels de droit public mis à la disposition de DCN dans la grille de classification adoptée par DCN doit permettre à ces personnels de situer le niveau de leur poste au sein de DCN. Dans le cadre de son système de gestion des ressources humaines, DCN adopte une méthodologie de gestion des emplois basée sur les principes suivants : l'analyse du travail par la « description de poste », les « familles ou domaines professionnels » d'emplois, « l'évaluation des postes » et « le positionnement des postes ». Le positionnement pour chacun des personnels prend en considération l'emploi occupé pour déterminer le niveau convention collective de la métallurgie minimum dans lequel il serait intégré et les principes définis dans l'annexe 1 « propositions de contrat pour les personnels issus de DCN SCN ».
Cependant certaines personnes ont obtenu dans le passé des diplômes nécessaires à l'entreprise. S'ils le souhaitent l'entreprise leur proposera, au regard de la convention collective et du présent accord, un emploi conforme à leur qualification.
Les personnels qui bénéficiaient d'une classification convention collective de la métallurgie (position, coefficient...) au sein de DCN SCN verront celle-ci au moins conservée par DCN.

Si lors de la proposition de contrat, la cotation du poste occupé par le salarié (niveau convention collective de la métallurgie) révèle que le niveau du poste est inférieur à la classification et à la rémunération qui est reconnue au salarié, DCN s'efforcera de proposer au salarié, en accord avec celui-ci, un poste correspondant effectivement à sa classification et à sa rémunération.
Les personnels issus de DCN SCN devant opter, conformément au décret du 3 mai 2002, et/ou souhaitant intégrer DCN pourront bénéficier d'un « bilan d'appréciation ou d'orientation » permettant d'examiner dans quelles conditions ils pourront évoluer dans l'entreprise : pendant la période de mise à la disposition et avant la signature d'un contrat lorsqu'il est proposé aux intéressés un changement de travail effectif conduisant à leur affectation dans une nouvelle filière professionnelle ou nouvelle famille d'emploi, de façon concomitante à l'acceptation de leur contrat, dans les 24 mois suivant la signature de leur contrat.

9. Selon le second, sur la base du système de gestion des ressources humaines rappelé ci-dessus et des engagements pris par la direction, les personnels à statut ouvrier d'Etat mis à la disposition de DCN, qui souhaiteraient signer un contrat de travail avec DCN, pourront se voir proposer, au regard des fonctions effectivement occupées, des niveaux minimum de classification convention collective de la métallurgie se positionnant entre les niveaux 6 et 9. A partir du niveau 15, les techniciens à statut ouvrier pourront choisir le statut de Tam coefficient 365 ou le statut de cadre coefficient 92.

10. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire, l'arrêt relève que la grille dénommée « transposition-personnels issus de DCN/SCN/contrats convention collective » renvoie aux propositions de contrat faites en application du décret du 3 mai 2002 qui ne prévoyait l'obligation pour la société de proposer, dans le délai de neuf mois, un contrat que pour les fonctionnaires (article 6 du décret du 3 mai 2002) et les agents contractuels (article 8). Il retient que cette grille avait donc nécessairement une durée provisoire calquée sur le délai maximum fixé par la loi du 28 décembre 2001 à deux ans, à l'issue duquel les personnels concernés devaient se prononcer sur cette proposition en concluant le cas échéant un contrat de droit privé avec la société ou, à défaut, devaient retourner dans leur corps d'origine.

11. Il précise que pour les ouvriers d'Etat, pour lesquels la possibilité de conclure un contrat de travail n'était enfermée dans aucun délai, aucune obligation de proposition d'emploi n'a été prévue ni par la loi ni par le décret, seul l'article 3.2.1.1 de l'accord envisageant « la possibilité d'une proposition de contrat », cette possibilité ne constituant pas une obligation au regard ni des dispositions légales et réglementaires ni même des termes de l'accord. Il ajoute que la seule mise à jour de ces grilles rendue nécessaire par le fait que les salariés ayant conclu un contrat de travail dans le délai visé ci-dessus, continuent à en relever, n'est pas la démonstration de leur application aux personnels concluant un contrat de travail au-delà du 1er juin 2005.

12. L'arrêt relève encore que les grilles de transposition concernaient à la fois les OETAM et les ingénieurs et cadres (distinguant pour ceux-ci les modalités applicables à leur durée de travail) et que l'examen de ces grilles démontre que c'est seulement pour les ingénieurs et cadres qu'ont été prévus des seuils d'appointement plus élevés que ceux consentis aux « nouveaux embauchés » à niveau de classification équivalent, aucune différence n'existant pour les OETAM, ce qui traduit la volonté de la société de conserver les compétences acquises par les personnels ayant bénéficié du statut cadre avant leur mise à disposition et, non à la suite de l'évolution ultérieure de leur carrière au sein de la société, le passage au statut cadre de Mme [C] ayant fait suite à une formation consentie par l'entreprise, conformément aux engagements pris par celle-ci dans le cadre de l'accord du 11 mai 2004.

13. L'arrêt relève que si les pièces versées aux débats par la salariée permettent de retenir qu'elle n'occupait pas un emploi de cadre avant sa mise à disposition au sein de la société DCN, aucune de ces mêmes pièces ne permet de considérer qu'elle occupait un emploi de cette catégorie lorsqu'elle a signé son contrat de travail de droit privé.

14. En statuant ainsi, alors que l'accord d'entreprise ne limitait pas dans le temps l'application de la grille dénommée « transposition-personnels issus de DCN/SCN/contrats Convention Collective » figurant dans son annexe 2, ni ne prévoyait que cette grille n'était applicable qu'aux seuls salariés issus de DCN SCN disposant déjà du statut de cadre avant la signature d'un contrat de droit privé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société Naval Group aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Naval Group et la condamne à payer à Mme [C] la somme de 1 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le neuf avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500421
Date de la décision : 09/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 29 novembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 avr. 2025, pourvoi n°52500421


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500421
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award