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09/04/2025 | FRANCE | N°52500422

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 avril 2025, 52500422


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 9 avril 2025








Cassation




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 422 FS-B




Pourvois n°
M 24-11.054
N 24-11.055
P 24-11.056 JONCTION












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


___________

______________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 AVRIL 2025


1°/ M. [T] [R], domicilié [Adresse 3],


2°/ M. [U] [F], domicilié [Adresse 1],


3°/ M. [P] [G], domicil...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 9 avril 2025

Cassation

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 422 FS-B

Pourvois n°
M 24-11.054
N 24-11.055
P 24-11.056 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 AVRIL 2025

1°/ M. [T] [R], domicilié [Adresse 3],

2°/ M. [U] [F], domicilié [Adresse 1],

3°/ M. [P] [G], domicilié [Adresse 2],

ont formé respectivement les pourvois n° M 24-11.054, N 24-11.055 et P 24-11.056 contre trois arrêts rendus le 29 novembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans les litiges les opposant à la société Naval Group, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs aux pourvois n° M 24-11.054, N 24-11.055 et P 24-11.056 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen commun de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. [R], [F] et [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Naval Group, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° M 24-11.054, N 24-11.055 et P 24-11.056 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 29 novembre 2023), MM. [R], [F] et [G] ont été engagés en qualité d'agent contractuel de droit public non titulaire, respectivement les 3 juin 2002, 1er avril 1999 et 19 novembre 2001 par la direction des constructions navales, service de compétence nationale rattaché au ministère de la défense ayant pour mission la construction des navires destinés à l'armée française (DCN SCN).

3. En application de la loi de finances rectificative n° 2001-1276 du 28 décembre 2001, la direction des constructions navales est devenue une entreprise nationale, puis, le 1er juin 2003, une entreprise de droit privé dénommée DCN, aux droits de laquelle est venue la société DCNS, puis la société Naval Group (la société).

4. Le décret n° 2002-832 du 3 mai 2002 relatif à la situation des personnels de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale prévue à l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 précitée comporte des dispositions leur permettant de conclure un contrat de travail de droit privé avec la société DCN.

5. M. [R] a signé, le 28 avril 2004, avec la société DCN un tel contrat de travail, à effet au 1er juillet 2004, en qualité de technicien d'études informatiques, niveau 13, coefficient 305. Par avenant signé le 8 juillet 2013 à effet au 1er juillet 2013, il a été promu responsable développement logiciel, catégorie cadre, position II, coefficient 108.

6. M. [F] a signé, le 25 avril 2005, avec la société DCN un contrat de travail de droit privé, à effet au 1er juillet 2004, en qualité de technicien d'études informatiques, niveau 13, coefficient 305. Par avenant conclu le 1er décembre 2014, il a été promu ingénieur logiciel, statut cadre, position II, coefficient 108.

7. M. [G] a signé, le 9 février 2004, avec la société DCN un contrat de travail de droit privé, à effet au 15 avril 2004, en qualité d'expert réseau courant fort, niveau 15, coefficient 92, coefficient ajouté à la position I (cadres débutants). Par avenant daté du 2 janvier 2006, à effet au 1er janvier 2007, il a été nommé responsable du groupe Réseaux Electriques, niveau 17, coefficient 108, position 2. Il a fait valoir ses droits à la retraite le 30 septembre 2022.

8. Contestant la rémunération qui leur a été versée, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

9. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à faire juger que leur rémunération devait être déterminée par application de la grille de salaire conventionnel « Personnels issus de la DCN/SCN/Contrats-convention collective » et de leurs demandes subséquentes en rappels de salaire et congés payés afférents et en fixation de leur salaire mensuel brut, alors :

« 1°/ que les juges doivent appliquer les dispositions claires et précises des accords d'entreprise ; qu'en raison de son caractère normatif, l'accord collectif doit être considéré du point de vue de son interprétation comme une loi ; qu'il est interdit d'ajouter à la loi un mot qu'elle ne comporte pas ; que l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN opère, dans des termes clairs et précis, une classification de statut et de rémunération entre les salariés non issus de la société DCN SCN (article 3.1.1) et ceux qui en sont issus (article 3.1.2) sans y ajouter aucune autre condition quant à l'application dans le temps de la grille dénommée ''Transposition-Personnels issus de DCN/SCN/contrats Convention Collective'' figurant à l'annexe 2 de l'accord ; qu'en affirmant, pour débouter les salariés de leurs demandes, que ladite grille renvoie aux propositions de contrat faites en application du décret du 3 mai 2002 qui ne prévoyait l'obligation pour la société de proposer, dans le délai de 9 mois, un contrat que pour les fonctionnaires et les agents contractuels, de sorte que cette grille avait une durée provisoire calquée sur le délai maximum fixé par la loi du 28 décembre 2001 à 2 ans, la cour d'appel a, par adjonction à leur contenu, violé les dispositions de l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN ;

2°/ que l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN opère, dans des termes clairs et précis, une classification de statut et de rémunération entre les salariés non issus de la société DCN SCN (article 3.1.1) et ceux qui en sont issus (article 3.1.2) sans y ajouter aucune autre condition interdisant le passage d'un statut de non-cadre au sein de la DCN SCN à celui de cadre de la société DCNS pour l'application de la grille dénommée ''Transposition-Personnels issus de DCN/SCN/contrats Convention Collective'' figurant à l'annexe 2 de l'accord ; qu'en affirmant, pour débouter les exposants de leurs demandes, que les salariés ne peuvent revendiquer utilement l'application de cette grille à l'occasion de leur passage au statut cadre qui résulte, non pas de l'emploi occupé au sein de DCN SCN, mais de leur évolution depuis leur engagement intervenu au sein de la société DCN à l'occasion duquel ils ont bénéficié de la grille, la cour d'appel a, par adjonction à leur contenu, violé les dispositions de l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN ;

3°/ que les juges doivent appliquer les dispositions claires et précises des conventions sans pouvoir invoquer, pour s'en écarter, l'esprit du texte ou l'intention des parties ; que l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN opère, dans des termes clairs et précis, une classification de statut et de rémunération entre les salariés non issus de la société DCN SCN (article 3.1.1) et ceux qui en sont issus (article 3.1.2) sans y ajouter aucune autre condition quant à l'application dans le temps des grilles annexées à l'accord ; qu'en retenant, pour débouter les exposants de leurs demandes, que pour l'application des grilles annexées à l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN, la volonté de la société a été de conserver les compétences acquises par les personnels ayant bénéficié du statut cadre avant leur mise à disposition et, non à la suite de l'évolution ultérieure de leur carrière au sein de la société, la cour d'appel, qui s'est fondée sur l'intention de l'employeur pour écarter l'application des dispositions claires et précises de l'accord, a violé les dispositions de l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3.1.2.1 « principes applicables à la classification des personnels issus de DCN SCN » et 3.1.2.1.3 « personnel contractuel » de l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 portant statut collectif du personnel de la société DCN :
10. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

11. Aux termes du premier de ces textes, le positionnement des personnels de droit public mis à la disposition de DCN dans la grille de classification adoptée par DCN doit permettre à ces personnels de situer le niveau de leur poste au sein de DCN. Dans le cadre de son système de gestion des ressources humaines, DCN adopte une méthodologie de gestion des emplois basée sur les principes suivants : l'analyse du travail par la « description de poste », les « familles ou domaines professionnels » d'emplois, « l'évaluation des postes » et « le positionnement des postes ». Le positionnement pour chacun des personnels prend en considération l'emploi occupé pour déterminer le niveau convention collective de la métallurgie minimum dans lequel il serait intégré et les principes définis dans l'annexe 1 « propositions de contrat pour les personnels issus de DCN SCN ».
Cependant certaines personnes ont obtenu dans le passé des diplômes nécessaires à l'entreprise. S'ils le souhaitent l'entreprise leur proposera, au regard de la convention collective et du présent accord, un emploi conforme à leur qualification.
Les personnels qui bénéficiaient d'une classification convention collective de la métallurgie (position, coefficient...) au sein de DCN SCN verront celle-ci au moins conservée par DCN.
Si lors de la proposition de contrat, la cotation du poste occupé par le salarié (niveau convention collective de la métallurgie) révèle que le niveau du poste est inférieur à la classification et à la rémunération qui est reconnue au salarié, DCN s'efforcera de proposer au salarié, en accord avec celui-ci, un poste correspondant effectivement à sa classification et à sa rémunération.
Les personnels issus de DCN SCN devant opter, conformément au décret du 3 mai 2002, et/ou souhaitant intégrer DCN pourront bénéficier d'un « bilan d'appréciation ou d'orientation » permettant d'examiner dans quelles conditions ils pourront évoluer dans l'entreprise : pendant la période de mise à la disposition et avant la signature d'un contrat lorsqu'il est proposé aux intéressés un changement de travail effectif conduisant à leur affectation dans une nouvelle filière professionnelle ou nouvelle famille d'emploi, de façon concomitante à l'acceptation de leur contrat, dans les 24 mois suivant la signature de leur contrat.

12. Selon le second, sur la base du système de gestion des ressources humaines rappelé ci-dessus et des engagements pris par la direction, les personnels contractuels de DCN qui souhaiteraient signer un contrat de travail avec DCN se verront proposer, au regard des fonctions effectivement occupées, des niveaux minimum de classification convention collective de la métallurgie se positionnant entre les niveaux 6 à 16.
13. Pour débouter les salariés de leur demande en paiement d'un rappel de salaire, les arrêts relèvent que la grille dénommée « transposition-personnels issus de DCN/SCN/contrats convention collective » fait expressément renvoi aux propositions de contrat faites en application du décret du 3 mai 2002 qui ne prévoyait l'obligation pour la société de proposer, dans le délai de neuf mois, un contrat que pour les fonctionnaires (article 6 du décret du 3 mai 2002) et les agents contractuels (article 8). Ils retiennent que cette grille avait donc nécessairement une durée provisoire calquée sur le délai maximum fixé par la loi du 28 décembre 2001 à deux ans, à l'issue duquel les personnels concernés devaient se prononcer sur cette proposition en concluant le cas échéant un contrat de droit privé avec la société ou, à défaut, devaient retourner dans leur corps d'origine. Ils ajoutent que la seule mise à jour de ces grilles rendue nécessaire par le fait que les salariés ayant conclu un contrat de travail dans le délai visé ci-dessus continuent à en relever, n'est pas la démonstration de leur application aux personnels concluant un contrat de travail au-delà du 1er juin 2005.

14. Les arrêts relèvent, ensuite, que les grilles de transposition concernaient à la fois les OETAM et les ingénieurs et cadres (distinguant pour ceux-ci les modalités applicables à leur durée de travail) et que leur examen démontre que c'est seulement pour les ingénieurs et cadres qu'ont été prévus des seuils d'appointement plus élevés que ceux consentis aux « nouveaux embauchés » à niveau de classification équivalent, aucune différence n'existant pour les OETAM, ce qui traduit la volonté de la société de conserver les compétences acquises par les personnels ayant bénéficié du statut cadre avant leur mise à disposition et, non à la suite de l'évolution ultérieure de leur carrière au sein de la société.

15. Ils retiennent, enfin, que les salariés ayant conclu un contrat de travail de droit privé avec la société DCN respectivement les 28 avril 2004, 25 avril 2005 et 9 février 2004, ils avaient déjà bénéficié de la grille de transposition résultant de l'accord et ne pouvaient donc revendiquer une nouvelle application de celle-ci à compter de leur passage au statut de cadre.

16. En statuant ainsi, alors que l'accord d'entreprise ne limitait pas dans le temps l'application de la grille dénommée « transposition-personnels issus de DCN/SCN/contrats Convention Collective » figurant dans son annexe 2, ni ne prévoyait que cette grille n'était applicable qu'aux seuls salariés issus de DCN SCN disposant déjà du statut de cadre avant la signature d'un contrat de droit privé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 29 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société Naval Group aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Naval Group et la condamne à payer à MM. [R], [F] et [G] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le neuf avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500422
Date de la décision : 09/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 29 novembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 avr. 2025, pourvoi n°52500422


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500422
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