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06/05/2025 | FRANCE | N°52500458

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mai 2025, 52500458


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 6 mai 2025








Cassation




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 458 F-D


Pourvoi n° K 23-19.214








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
______________

___________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025


La société [J] assurances, société à responsabilité limitée à associé unique, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-19.214 contre l'ar...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 6 mai 2025

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 458 F-D

Pourvoi n° K 23-19.214

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

La société [J] assurances, société à responsabilité limitée à associé unique, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-19.214 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2023 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [C] [S], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Maman-Capron, avocat de la société [J] assurances, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 5 mai 2023), Mme [S] a été engagée en qualité de collaboratrice d'agence, à compter du 10 décembre 2010, par son époux, M. [J], agent d'assurances. Son contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2018 à la société [J] assurances (la société).

2. Licenciée pour faute grave par lettre du 11 juin 2020, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de juger le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner en conséquence à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui ordonner, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée à la suite de son licenciement, dans la limite de trois mois et de lui remettre, dans un délai de trente jours à compter de sa signification, un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes, alors :

« 1°/ que si la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur, la datation, dans la lettre de licenciement, des faits invoqués par l'employeur pour justifier le licenciement n'est pas nécessaire pour que la lettre de licenciement satisfasse à l'exigence de motivation posée par la loi ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et pour, en conséquence, condamner la société [J] assurances à lui payer diverses sommes et à remettre différents documents à la salariée et lui ordonner de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée, que les faits reprochés à celle-ci dans la lettre de licenciement n'étaient pas datés, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2°/ que la lettre de licenciement satisfait à l'exigence de motivation posée par la loi dès lors qu'elle comporte l'énoncé de motifs matériellement vérifiables et suffisamment précis pour être discutés devant les juges du fond ; qu'en énonçant, dès lors, pour dire le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse et pour, en conséquence, condamner la société [J] assurances à lui payer diverses sommes et à remettre différents documents à la salariée et lui ordonner de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée, que les faits reprochés à celle-ci dans la lettre de licenciement n'étaient ni précis, ni circonstanciés, dès lors que la lettre de licenciement était rédigée en des termes particulièrement vagues, de sorte qu'ils n'étaient pas matériellement vérifiables, quand elle retenait que la société [J] assurances avait reproché à la salariée, dans la lettre de licenciement, d'avoir dénigré régulièrement la société [J] assurances ainsi que son gérant, d'avoir demandé à l'une de ses collègues de mentir sur son heure d'arrivée au travail, d'avoir contesté régulièrement avec agressivité les décisions prises par son employeur, notamment lorsqu'elle avait été placée en chômage partiel et n'avait pas participé à une formation, de s'être à ces occasions violemment emportée et d'avoir adopté un comportement agressif et contestataire et quand il en résultait que la lettre de licenciement énonçait des griefs matériellement vérifiables et suffisamment précis pour être discutés devant les juges du fond et satisfaisait à l'exigence de motivation posée par la loi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail ;

3°/ que la lettre de licenciement satisfait à l'exigence de motivation posée par la loi dès lors qu'elle comporte l'énoncé de motifs matériellement vérifiables et suffisamment précis pour être discutés devant les juges du fond ; que, dans un tel cas, l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait permettant de justifier les motifs énoncés dans la lettre de licenciement et il incombe au juge de se prononcer sur les éléments avancés par l'employeur pour justifier ces motifs ; qu'en énonçant, pour dire que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse et pour, en conséquence, condamner la société [J] assurances à lui payer diverses sommes et à remettre différents documents à la salariée et lui ordonner de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée, que le fait pour celle-ci d'avoir contesté l'application du dispositif de chômage partiel relevait de l'exercice de son droit d'expression dont seul un usage abusif pouvait être sanctionné et que les termes agressifs avec lesquels la salariée aurait critiqué l'application à son égard de ce dispositif n'étant pas même mentionnés dans la lettre de licenciement, aucun manquement ne se trouvait caractérisé, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par la société [J] assurances, si la salariée n'avait pas contesté avec agressivité son placement en chômage partiel en raison de la crise sanitaire, en écrivant, dans un message électronique en date du 20 mars 2020 qu'elle avait adressé à son employeur : ''je pense sérieusement à faire un blog de femme désespérée mise en chômage technique par son futur ex-mari entourée d'ados drogués ? je pense que je vais avoir du succès et ça sera mieux que de tourner en rond dans TA maison'', quand il lui appartenait de procéder à cette recherche, dès lors qu'elle relevait que, dans la lettre de licenciement, la société [J] assurances avait formulé le grief, qui était suffisamment précis et matériellement vérifiable, d'avoir contesté avec agressivité la décision prise par son employeur de la placer en chômage partiel, peu important que les propos tenus par la salariée n'eussent pas été mentionnés dans la lettre de licenciement, et dès lors que la société [J] assurances avançaient ces éléments pour justifier ce motif de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail :

4. Il résulte de ce texte que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n'est pas nécessaire et l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.

5. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate, d'abord, que la lettre de licenciement fait état de griefs tirés du dénigrement de l'entreprise et de son dirigeant de façon régulière par l'intéressée, du fait que celle-ci avait demandé à une collègue de travail de mentir sur ses heures d'arrivée au bureau, de sa contestation agressive des décisions de l'employeur, notamment lorsqu'il lui avait indiqué qu'elle était placée en chômage partiel en raison de la crise sanitaire et que, à la différence d'une autre collaboratrice, elle ne bénéficierait pas d'une formation.

6. Il retient, ensuite, que ces faits n'étaient pas datés ni circonstanciés, étaient formulés en termes particulièrement vagues et ne constituaient pas des motifs précis et matériellement vérifiables de licenciement.

7. Il ajoute, enfin, que la contestation du dispositif de chômage partiel relevait de l'exercice par la salariée de son droit d'expression dont seul un usage abusif pouvait être sanctionné et que les termes agressifs qu'il lui était reproché d'avoir employés à cette occasion n'étaient pas mentionnés dans la lettre de licenciement.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement énonçait des griefs précis et matériellement vérifiables pouvant être discutés devant les juges du fond, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de vérifier le caractère réel et sérieux du licenciement, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne Mme [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500458
Date de la décision : 06/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 05 mai 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mai. 2025, pourvoi n°52500458


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SAS Boucard-Capron-Maman

Origine de la décision
Date de l'import : 13/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500458
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