LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CZ
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 6 mai 2025
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 471 F-D
Pourvoi n° G 24-17.928
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
La société SNF, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 12], a formé le pourvoi n° G 24-17.928 contre le jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités Auvergne Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [N] [H], domicilié [Adresse 2], en qualité de délégué syndical de la CFE-CGC,
3°/ à M. [T] [P], domicilié [Adresse 3], en qualité de délégué syndical de la CFE-CGC,
4°/ à M. [Y] [J], domicilié [Adresse 8], en qualité de délégué syndical de la CGT,
5°/ à M. [W] [C], domicilié [Adresse 10], en qualité de délégué syndical de la CGT,
6°/ à M. [I] [S], domicilié [Adresse 5], en qualité de représentant du syndicat CFTC,
7°/ à M. [E] [M], domicilié [Adresse 6], en qualité de délégué syndical de la CFDT,
8°/ à M. [R] [G], domicilié [Adresse 4], en qualité de délégué syndical de la CFDT,
9°/ à M. [V] [F], domicilié [Adresse 7], en qualité de délégué syndical de l'UNSA,
10°/ à M. [D] [K], domicilié [Adresse 9], en qualité de délégué syndical de l'UNSA,
11°/ à Mme [L] [Z], domiciliée [Adresse 11], en qualité de représentante du syndicat Force ouvrière,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Dieu, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société SNF, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. [J], [C], [M] et [G], après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Dieu, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Saint-Etienne, 9 juillet 2024), par lettre du 11 juillet 2023, la société SNF (la société) a informé les syndicats de l'entreprise (CFE-CGC, CGT, FO, CFDT, UNSA et CFTC) de l'organisation des élections au comité social et économique de la société et les a invités à négocier le protocole préélectoral.
2. En l'absence d'accord, la société a saisi, le 17 août 2023, le Directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités Auvergne-Rhône-Alpes (le Dreets), afin qu'il fixe la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux pour les élections du comité social et économique. Le silence gardé par l'administration sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet.
3. La société a saisi le tribunal judiciaire, le 3 novembre 2023, d'une demande tendant à l'annulation de cette décision et à la fixation de la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief au jugement de confirmer la décision implicite de rejet du Dreets portant sur le protocole d'accord préélectoral en vue de la mise en place de son comité social et économique et sur la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux, et de la renvoyer à négocier le protocole d'accord préélectoral en vue de la mise en place de son comité social et économique, alors :
« 1°/ qu'il appartient au tribunal saisi, faute d'accord préélectoral, en application de l'article L. 2314-13 du code du travail, d'une demande visant à répartir les sièges entre les différentes catégories de personnel et le personnel dans les collèges électoraux, d'effectuer cette répartition en s'appuyant sur les pièces fournies par l'employeur ou, le cas échéant, de demander la production de justificatifs complémentaires ; qu'en rejetant la demande de l'employeur et en le renvoyant à négocier le protocole préélectoral, le tribunal a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil, ensemble les articles L. 2314-13 et R. 2314-3 du code du travail ;
2°/ que chaque partie doit rapporter la preuve de ce qu'elle allègue ; que l'employeur ayant établi qu'il avait invité les syndicats à négocier le protocole préélectoral et la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et du personnel dans les collèges électoraux, que deux réunions s'étaient tenues et qu'aucun accord n'avait pu être trouvé, il revenait aux organisations syndicales d'établir que, comme elles le soutenaient, la négociation n'avait pas été menée loyalement ; qu'en faisant peser sur l'employeur la charge de la "réalité" et de la loyauté de la négociation, le tribunal a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil ;
3°/ que les jugements doivent être motivés ; que les juges doivent viser et analyser les pièces sur lesquelles ils fondent leur décision ; que le tribunal ne pouvait donc affirmer que l'employeur pouvait se voir reprocher des "agissements déloyaux", sans viser ni analyser les éléments de preuve desquels cette constatation était tirée ; qu'il a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article L. 2314-13, alinéas 1 et 3, du code du travail, la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6. Lorsque au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur et que l'accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l'autorité administrative décide de cette répartition entre les collèges électoraux. Pour ce faire, elle se conforme soit aux modalités de répartition prévues par l'accord mentionné à l'article L. 2314-12, soit, à défaut d'accord, à celles prévues à l'article L. 2314-11.
6. Il en résulte que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n'a pu être conclu que l'autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.
7. Ayant constaté que le courrier de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2024 confortait les déclarations des syndicats CGT et CFDT sur les conditions délétères dans lesquelles se tenaient les réunions de négociation du protocole d'accord préélectoral et sur les agissements déloyaux de l'employeur dénoncés par ceux-ci et que l'employeur, s'il versait aux débats une liste du personnel de l'entreprise et une liste du personnel des entreprises extérieures remplissant les conditions fixées par l'article L. 1111-2 du code du travail ainsi qu'un récapitulatif du calcul des effectifs, ne rapportait pas la preuve d'une réelle négociation sur les effectifs et les classifications des salariés, le tribunal, appréciant souverainement les pièces qui lui étaient soumises et sans inverser la charge de la preuve, a pu retenir que l'employeur avait manqué à son obligation de loyauté dans la négociation du protocole d'accord préélectoral, ce dont il a exactement déduit que la décision de rejet implicite de l'autorité administrative devait être confirmée et que la société devait être renvoyée à la négociation du protocole préélectoral.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [G], [M], [C] et [J] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.