LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-85.326 F-D
N° 00625
GM
14 MAI 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MAI 2025
M. [Y] [T], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 juin 2023, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée des chefs de fausse attestation et usage, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et l'a condamné à une amende civile de 3 000 euros.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de M. [Y] [T], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [Y] [T] a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs de fausse attestation et usage.
3. A l'issue de l'information, par ordonnance du 31 mars 2023, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre et a condamné M. [T] à payer une amende civile de 3 000 euros pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire.
4. M. [T] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. Le moyen, en sa deuxième branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre sur sa plainte avec constitution de partie civile, alors :
« 2°/ qu'il résulte de l'article 114 du code de procédure pénale qu'après la première audition ou la première comparution, la partie qui n'a pas d'avocat peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier ; Qu'en l'espèce, en relevant, pour décider que l'attestation délivrée par M. [N] [H] ne constituait pas un faux, que les faits qui y sont relatés sont confirmés par cinq attestations établies respectivement par MM. [W] [D], [G] [P], [N] [M] et par Mmes [J] [A] et [U] [K], sans répondre au chef péremptoire du mémoire de l'exposant, qui faisait valoir qu'il avait vainement sollicité, conformément aux prescriptions du texte susvisé, la communication des copies des attestations litigieuses, de sorte que la juridiction d'instruction ne pouvait fonder sa décision sur des pièces qui n'avaient pas été portées à la connaissance de la partie civile, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
7. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt attaqué que la chambre de l'instruction ait répondu au moyen dont M. [T] l'avait régulièrement saisie, tiré de la violation de l'article 114 du code de procédure pénale, faisant valoir qu'il ne s'était pas vu délivrer la copie des pièces qu'il avait sollicitée auprès du juge d'instruction.
9. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
10. Par conséquent, la cassation est encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [T] à payer une amende civile de 3 000 euros pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire, alors « que la juridiction d'instruction qui prononce une condamnation à une amende civile doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du plaignant ; Qu'en se bornant, pour confirmer l'ordonnance ayant condamné M. [T] à une amende civile de 3 000 ¿ pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire, à énoncer que cette somme correspond au montant de la consignation versée dans le cadre de la présente information et qui n'est pas critiqué par l'appelant, sans s'expliquer sur les ressources et les charges de l'exposant, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 177-2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 177-2, 212-2 et 593 du code de procédure pénale :
12. Il se déduit des deux premiers de ces textes que la juridiction d'instruction qui prononce une condamnation à une amende civile doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges de la partie civile.
13. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
14. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction condamnant M. [T] à une amende civile de 3 000 euros, l'arrêt énonce que ce montant correspond à celui de la consignation versée dans le cadre de la présente information et qu'il n'est pas critiqué par l'appelant.
15. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur les ressources et les charges de la partie civile, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
16. Par conséquent, la cassation est de nouveau encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 juin 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille vingt-cinq.