LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 25-81.585 F-D
V 25-81.584
N° 00786
RB5
14 MAI 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MAI 2025
M. [C] [R] a formé des pourvois :
- contre l'arrêt n° 241 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 31 décembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'assassinat aggravé et association de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur la publicité des débats (pourvoi n° 25-81.585) ;
- contre l'arrêt n° 242 de ladite chambre de l'instruction, en date du même jour, qui, dans la même information, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire (pourvoi n° 25-81.584).
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [C] [R], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre,et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 8 décembre 2024, M. [C] [R] a été mis en examen des chefs susvisés.
3. Par ordonnance du même jour, le juge des libertés et de la détention l'a placé en détention provisoire.
4. M. [R] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt n° 241
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait droit à l'opposition du ministère public relativement à la publicité des débats sur l'appel de l'ordonnance l'ayant placé en détention provisoire et ordonné que les débats se poursuivront en chambre du conseil, alors « qu'en matière de détention provisoire, si la personne mise en examen est majeure, les débats devant la chambre de l'instruction se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique ; que toutefois, le ministère public, notamment, peut avant l'ouverture des débats, s'opposer à cette publicité si celle-ci est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction, à porter atteinte à la présomption d'innocence ou à la sérénité des débats ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers, ou si l'enquête porte sur des faits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 ; que la décision qui fait droit à cette opposition doit être motivée concrètement en se référant aux circonstances de l'affaire, cette motivation ne pouvant être constituée par la seule reproduction littérale des termes de la loi ; que la chambre de l'instruction, qui s'est bornée à énoncer que « la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction », sans aucune précision ni sur la nature de ces investigations ni sur les raisons pour lesquels la publicité des débats pourrait les entraver, n'a pas motivé sa décision et ainsi méconnu les articles 5 et 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 199, alinéa 2, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Pour faire droit à l'opposition du ministère public à la publicité des débats, l'arrêt, qui relève que la personne mise en examen et son avocat ont déclaré s'en rapporter, énonce que la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction.
7. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a fait droit à la requête du ministère public en en adoptant les motifs, dès lors que la personne mise en examen et son avocat ont déclaré s'en rapporter sans émettre aucune objection à la tenue des débats en chambre du conseil, de sorte qu'aucun grief ne peut être retenu, a justifié sa décision.
8. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt n° 242
Sur le moyen, pris en sa première branche
9. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande de renvoi et confirmé l'ordonnance qui l'avait placé en détention provisoire et sous mandat de dépôt, alors :
« 2°/ que si la chambre de l'instruction est avisée que des pièces sont manquantes, elle renvoie l'audience à une date ultérieure s'il lui apparaît que la connaissance de ces pièces est indispensable à l'examen de la requête ou de l'appel qui lui est soumis ; qu'en vertu du principe de l'égalité des armes, tout élément à décharge est indispensable à l'examen de la requête, et que toute pièce qui présente un lien avec les faits objet de l'instruction est susceptible de constituer un élément à décharge ; que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, doit donc renvoyer l'audience à une date ultérieure lorsqu'il apparait que des pièces en lien avec les faits objet de l'instruction sont manquantes ; que dès lors, la chambre de l'instruction, ayant relevé que les indices retenus contre M. [R] résultaient des déclarations faites lors de quatre auditions, par M. [S], lequel mettait également en cause un certain nombre d'autres protagonistes sardes interpellés en même temps que M. [R], et que manquaient au dossier les pièces relatives à une cinquième audition de M. [S] ainsi que celles relatives à l'interpellation des protagonistes sardes « quand bien même les déclarations des personnes sardes interpellées tendraient à contredire les déclarations de [O] [S], ce qui n'est à ce stade qu'une supposition », ne pouvait rejeter la demande de renvoi ; qu'elle a ainsi violé les articles 5 et 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 144, 197, alinéa 4, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
11. Pour rejeter le moyen tiré de l'absence à la procédure de pièces citées par la défense et confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant M. [R] en détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'apparaît pas que la connaissance de ces pièces est indispensable à l'examen de l'appel et en particulier à l'examen des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de l'intéressé aux faits qui lui sont reprochés, tels que les conteste sa défense.
12. Les juges relèvent notamment qu'il a été mis en cause par plusieurs personnes, dont M. [O] [S] qui s'est lui-même incriminé et que l'audition de ce dernier le 18 mai 2024, à laquelle ne se réfèrent expressément ni les réquisitions du ministère public, ni l'ordonnance du juge d'instruction aux fins de saisine du juge des libertés et de la détention, ni l'ordonnance de placement en détention provisoire, n'est pas essentielle à l'examen de l'appel.
13. Ils retiennent aussi que le contenu du renseignement anonyme retranscrit par le parquet général et retenu dans ses réquisitions est rédigé en termes généraux, ne met pas spécifiquement en cause M. [R] et ne permet pas d'orienter l'enquête du fait même de sa nature.
14. Ils ajoutent que, s'agissant des déclarations d'autres personnes interpellées et de la téléphonie de l'un des protagonistes, ni le ministère public, ni le juge d'instruction, ni le juge des libertés et de la détention n'y font référence pour motiver la nécessité du placement en détention provisoire de l'intéressé.
15. En se déterminant ainsi, par des motifs suffisants et exempts de contradiction, la chambre de l'instruction, qui s'est assurée que la connaissance des pièces manquantes n'était pas indispensable à l'examen de l'appel, a fait l'exacte application de l'article 197 du code de procédure pénale.
16. Dès lors, le moyen doit être rejeté.
17. Par ailleurs, les arrêts sont réguliers en la forme et s'agissant de l'arrêt n° 242, au regard des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille vingt-cinq.