LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 288 F-B
Pourvoi n° Z 24-14.148
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
La société Vet'amazones, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 24-14.148 contre l'arrêt rendu le 15 février 2024 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [X] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la société Vet'amazones, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt sur compétence attaqué (Montpellier, 15 février 2024), la société à responsabilité limitée Vet'amazones, qui a une activité de vétérinaire, a pour associées Mmes [U] et [R].
2. Mme [U] a été révoquée de ses fonctions de co-gérante.
3. Soutenant que cette révocation était abusive, Mme [U] a assigné la société Vet'amazones devant un tribunal judiciaire en paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice. La société Vet'amazones a soulevé l'incompétence matérielle du tribunal judiciaire au profit du tribunal de commerce.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société Vet'amazones fait grief à l'arrêt de dire le tribunal judiciaire compétent, alors « que le tribunal de commerce est exclusivement compétent pour connaître de la contestation de la révocation de son mandat de gérant soulevée par l'associé d'une société à responsabilité limitée à l'encontre de celle-ci ; qu'en affirmant au contraire, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société Vet'amazones au profit du tribunal de commerce de Rodez, que le tribunal judiciaire était compétent pour statuer sur une telle contestation compte tenu de la nature principalement civile de la profession de vétérinaire exercée par cette société même sous la forme commerciale, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 721-3, 2°, et L. 210-1 du code de commerce :
5. Selon le premier de ces textes, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales. Selon le second, une société à responsabilité limitée est une société commerciale à raison de sa forme, quel que soit son objet.
6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'une contestation relative à une société à responsabilité limitée relève de la compétence exclusive des tribunaux de commerce.
7. Il n'est dérogé à cette compétence exclusive que dans l'hypothèse où ces contestations mettent en cause une personne non commerçante qui est extérieure au pacte social et n'appartient pas aux organes de la société, auquel cas cette personne dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce, ou mettent en cause une société à responsabilité limitée constituée pour l'exercice d'une profession libérale réglementée, auquel cas ces contestations relèvent, en application de l'article L. 721-5 du code de commerce, de la compétence des seuls tribunaux civils.
8. Pour déclarer le tribunal judiciaire compétent, l'arrêt, après avoir relevé que Mme [U], associée de la SARL Vet'amazones, contestait la révocation de son mandat de gérante de cette société, retient que cette dernière, qui exerce une activité de vétérinaire, ne saurait être considérée comme exerçant à titre principal une activité commerciale dans la mesure où les règles gouvernant la profession de vétérinaire rattachent cette dernière à une activité civile et non commerciale. L'arrêt ajoute que Mme [U], vétérinaire, n'est pas commerçante et en déduit qu'elle dispose d'un droit d'option entre la juridiction civile et la juridiction commerciale.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le litige, qui opposait l'associée de la SARL Vet'amazones à cette société, laquelle était constituée sous la forme d'une société commerciale et non sous la forme d'une société d'exercice libéral régie par les dispositions de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, alors applicable, et qui était relatif à la révocation des fonctions de gérante de cette associée, portait sur une contestation relative à une société commerciale et relevait, en conséquence, de la compétence exclusive du tribunal de commerce, peu important que la société ait une activité civile et que la demanderesse à l'action n'ait pas la qualité de commerçant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. Il résulte de ce qui précède que le litige opposant Mme [U] à la SARL Vet'amazones, qui a son siège social à [Localité 2] (Aveyron), et qui concerne la révocation de ses fonctions de gérante de cette société, porte sur une contestation relative à une société commerciale et, qu'en conséquence, le tribunal de commerce de Rodez est compétent pour en connaître.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi
Déclare le tribunal de commerce de Rodez matériellement compétent ;
Renvoie l'affaire au tribunal de commerce de Rodez ;
Condamne Mme [U] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [U] et la condamne à payer à la société Vet'amazones la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.