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04/06/2025 | FRANCE | N°52500613

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 juin 2025, 52500613


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 4 juin 2025








Rejet




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 613 F-D


Pourvoi n° C 23-23.623




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025


La société Solocal, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 23-23.623 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2023 par la cour d'appel d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 4 juin 2025

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 613 F-D

Pourvoi n° C 23-23.623

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025

La société Solocal, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 23-23.623 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2023 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant au comité social et économique de la société Solocal, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Solocal, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du comité social et économique de la société Solocal, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 octobre 2023), statuant selon la procédure accélérée au fond, et les pièces de la procédure, la société Solocal (la société), anciennement Pages jaunes, a engagé la consultation annuelle du comité social et économique de la société (le CSE) le 25 octobre 2021 au titre des orientations stratégiques de l'entreprise portant sur la période 2021-2024.

2. Auparavant, le 31 mars 2021, le CSE avait eu recours à un expert, afin de l'assister dans la perspective de cette consultation. Plusieurs réunions ont eu lieu, un premier rapport de l'expert ayant été présenté le 27 janvier 2022 et un rapport complémentaire le 16 mai 2022 en vue d'un avis du CSE.

3. Le 13 mai 2022, sollicitant la communication d'éléments d'information qu'il estimait manquants pour émettre un avis, le CSE a fait assigner la société devant le tribunal judiciaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de lui ordonner de transmettre au CSE les éléments relatifs aux emplois, métiers et compétences et notamment les effectifs détaillés par région, direction et par métier à horizon 2024, de liquider l'astreinte prononcée par le tribunal judiciaire à la somme de 10 000 euros, de la condamner à verser cette somme au CSE, d'assortir l'injonction de communiquer au CSE les éléments relatifs aux emplois, métiers et compétences et notamment les effectifs détaillés par région, direction et par métier à horizon 2024 d'une nouvelle astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé un délai de deux mois après la notification de l'arrêt, pendant une durée de deux mois, et de prolonger le délai de consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise pour l'année 2021 d'un mois à compter de la communication des documents sollicités, alors :

« 1°/ que la nature et le degré de précision des informations que l'employeur est tenu de fournir au comité social et économique, en vue de sa consultation, dépendent de l'objet de cette consultation ; qu'à l'inverse d'une consultation ponctuelle sur un projet déterminé, la consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l'entreprise et ses conséquences, notamment sur l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, qui donne lieu à une discussion prospective sur l'avenir général de l'entreprise, repose nécessairement sur des orientations et des prévisions par nature générales sur les trois années à venir, l'article R. 2312-10 du code travail prévoyant à cet égard que les informations figurant dans la base de données économiques, sociales et environnementales sont présentées sous forme de données chiffrées de l'année en cours et des deux années précédentes ou, à défaut, pour les années suivantes, sous forme de grandes tendances ; qu'il en résulte que si l'employeur est tenu de fournir au comité social et économique des prévisions sur l'évolution des effectifs, des métiers et des compétences en lien avec les orientations stratégiques, il n'est pas tenu de détailler ces informations selon des divisions propres à l'organisation de l'entreprise ou par zone géographique ; qu'en l'espèce, la société soutenait qu'elle n'était pas tenue de fournir au comité social et économique, pour les besoins de la procédure d'information-consultation sur les orientations stratégiques 2021, des données chiffrées précises sur les effectifs détaillés par région, agence, direction et métier à horizon 2024, comme il le réclamait ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir que le comité social et économique était fondé à solliciter les informations précitées, "que la faculté laissée à la direction de présenter les grandes tendances ne l'exonère pas de préciser au niveau le plus décentralisé ces tendances (?)" et que pour que le CSE "puisse user efficacement de ses prérogatives en termes de propositions alternatives, mais aussi dans le domaine de l'anticipation de l'évolution des métiers, il est nécessaire que ces projections soient faites à un niveau pertinent", avant de relever, pour dire que "le niveau pertinent apparaît être ici celui des régions, agences, directions et métiers", que la société présente toujours au comité, lorsqu'elle le consulte sur un projet de réorganisation, l'impact de ce projet sur les effectifs par métier, direction et région et qu'elle a ainsi prévu, dans le cadre de la restructuration de 2018, l'application des critères d'ordre des licenciements par zone d'emploi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à faire ressortir que la communication de prévisions chiffrées d'évolution des effectifs sur les trois années à venir détaillées par région, agence, direction et métier était nécessaire à la consultation du comité social et économique sur les orientations stratégiques de l'entreprise, a violé les articles L. 2312-15, L. 2312-18, L. 2312-24 et R. 2312-10 du code du travail ;

2°/ que la nature et le degré de précision des informations que l'employeur est tenu de fournir au comité social et économique, en vue de sa consultation, dépendent de l'objet de cette consultation ; qu'à défaut d'accord contraire, la consultation récurrente du comité social et économique sur les orientations stratégiques porte notamment sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences ; que pour les besoins de cette consultation, l'employeur doit fournir au comité social et économiques des informations sur les évolutions prévisibles des métiers et compétences, sans être tenu de fournir des informations détaillées par région, agence, direction et métier ; qu'en affirmant néanmoins que la remise de données prévisionnelles chiffrées pour chaque métier référencé, pour chaque direction et pour chaque région "renvoient directement aux dispositions relatives à la GPEC" et sont en conséquence "nécessaires à l'analyse des conséquences des orientations présentées sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, objet de la consultation", la cour d'appel a violé les articles L. 2312-15, L. 2312-18, L. 2312-24 et R. 2312-10 du code du travail ;

4°/ que ni l'expert désigné par le comité social et économique, ni le comité social et économique lui-même ne peuvent exiger la communication de documents ou informations qui n'existent pas et dont l'établissement n'est pas obligatoire ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à la demande du comité social et économique, la société soutenait qu'elle ne dispose pas de données chiffrées précises, par région, relatives aux évolutions des effectifs des différents métiers et directions sur les trois années et qu'aucune disposition légale ne lui impose d'établir de telles données, y compris pour les besoins de la consultation du comité social et économique sur les orientations stratégiques ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter ce moyen, que "le CSE soutient, sans être sérieusement démenti sur ce point, que la demande détaillée des effectifs par filières, métiers et sites correspond à une demande classique qui est fréquemment formulée par les élus ou leur expert dans le cadre du dialogue social", que "les informations dont les élus demandent la communication doivent figurer dans le registre du personnel avec l'indication du métier et de la classification, par établissement, c'est-à-dire par zone territoriale", et que "s'agissant des projections, elles sont exigées aux termes de l'article L. 2312-24 du code du travail, lesquelles commandent que soient présentées des projections à moyens termes de l'impact de la stratégie sur l'emploi", la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser l'existence ou le caractère obligatoire de l'établissement d'informations prospectives sur les effectifs détaillés par région, direction et métier sur les trois années à venir, en violation des articles L. 2312-15, L. 2312-18, L. 2312-24 et R. 2312-10 du code du travail ;

5°/ que l'engagement de l'employeur de fournir au comité social et économique un document ou des informations dont la remise n'est pas obligatoire ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque de sa part ; qu'en l'espèce, la société soutenait qu'elle n'a jamais pris d'engagement de communiquer des projections sur trois ans des effectifs de l'entreprise par région, direction et métier dans le cadre de la consultation du comité social et économique sur les orientations stratégiques, en citant par exemple une réponse apportée aux élus lors d'une réunion du 23 février 2022 aux termes de laquelle elle indiquait n'être "pas capable de fournir des effectifs avec ce degré de précision" et qu'elle ne "fournira pas la répartition des effectifs par centre" ; qu'en se bornant à relever que la société avait indiqué, lors de l'ouverture de la consultation, qu'elle communiquerait le "plan d'adaptation des organisations en cours de construction", puis lors de la réunion du 2 décembre 2021, "l'ensemble des éléments d'information indispensables à l'élaboration du budget pour l'année 2022", une "description de certaines fonctions" ou encore des "éléments pour permettre [aux experts] de rédiger leur rapport d'expertise", la cour d'appel s'est fondée sur des constatations insuffisantes à caractériser un engagement de l'employeur de fournir des données chiffrées détaillées sur les effectifs à horizon 2024 par région, direction et métier, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1104 du code civil, ensemble les articles L. 2312-15, L. 2312-18, L. 2312-24 et R. 2312-10 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 2312-24 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, le comité social et économique est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences. Le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l'entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre.

7. Selon l'article R. 2312-10, 1er alinéa, du code du travail, en l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21 du même code, les informations figurant dans la base de données portent sur l'année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu'elles peuvent être envisagées, sur les trois années suivantes.

8. Aux termes de l'article L. 2315-83 du code du travail, l'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission.

9. Ayant retenu que le niveau pertinent pour opérer des projections s'agissant des orientations stratégiques de l'entreprise était celui des régions, agences, directions et métiers, que ces éléments relevaient des dispositions relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences visée à l'article L. 2312-24 du code du travail et étaient nécessaires à l'analyse des conséquences des orientations présentées sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, objet de la consultation, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Solocal aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Solocal et la condamne à payer au comité social et économique de la société Solocal la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500613
Date de la décision : 04/06/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 octobre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 jui. 2025, pourvoi n°52500613


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500613
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