LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 449 F-D
Pourvoi n° X 23-18.052
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 JUIN 2025
La société Eco environnement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-18.052 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2023 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [R] [O], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la société Cofidis, société anonyme, venant aux droits de la société Sofemo financement, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société Franfinance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La société Franfinance a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Peyregne-Wable, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Eco environnement, de Me Occhipinti, avocat de Mme [O], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Franfinance, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Peyregne-Wable, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 avril 2023), par bon de commande du 13 septembre 2016, Mme [O] (l'acquéreure) a conclu avec la société Eco environnement (le vendeur), dans le cadre d'un démarchage à domicile, un contrat de fourniture et pose d'une installation aérovoltaïque moyennant le prix de 24 500 euros, financé par un crédit affecté du même montant souscrit le même jour par celle-ci auprès de la société Franfinance.
2. Selon bon de commande du 8 novembre 2016, à la suite d'une seconde opération de démarchage à domicile, l'acquéreure a conclu avec le vendeur un contrat de fourniture et pose d'une installation photovoltaïque et d'un ballon thermodynamique, moyennant le prix de 27 500 euros, financé par un crédit affecté du même montant souscrit le même jour par celle-ci auprès de la société Cofidis.
3. Les 9, 10 et 13 mai 2019, l'acquéreure, invoquant le caractère irrégulier des bons de commande et l'absence de raccordement de l'installation photovoltaïque au réseau électrique, a assigné le vendeur, les sociétés Franfinance et Cofidis, en annulation des contrats de vente et de crédits affectés.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. Le vendeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des contrats conclus entre lui et l'acquéreure les 13 septembre et 8 novembre 2016, de le condamner à payer à l'acquéreure la somme de 27 500 euros au titre de la restitution du prix correspondant au contrat du 8 novembre 2016 et de le condamner à reprendre à ses frais les matériels installés au domicile de l'acquéreure au titre des deux contrats de vente et prestation de services annulés dans un délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt, alors :
« 1°/ que le contrat portant sur la livraison de biens ainsi que sur une prestation de service d'installation et de mise en service est un contrat de vente pour lequel le délai de rétractation de quatorze jours court à compter de la réception des biens ; que pour juger que les bordereaux de rétractation des deux bons de commandes n'étaient pas conformes au modèle de l'article R. 221-1 en ce qu'ils reprenaient les formules des dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation qui n'était plus applicable à la date des contrats litigieux et qu'ils auraient dû au contraire faire figurer les mentions de l'article L. 221-18 du code de la consommation, tout en constatant que les bordereaux de rétractation mentionnaient que le consommateur disposait d'un délai de quatorze jours commençant à courir à compter de la réception du bien pour les contrats de vente ce qui constitue le droit applicable au contrat litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'imposaient, et violé ainsi les articles L. 221-5, L. 221-9 et L. 221-18 du code de la consommation ;
2°/ qu'en ne répondant pas au moyen soutenu par le vendeur selon lequel toute erreur dans les informations relatives au droit de rétractation données au consommateur entraîne la prolongation du délai de rétractation de douze mois à compter de l'expiration du délai initial de sorte que la sanction d'une éventuelle erreur devrait être trouvée dans une telle prolongation et non dans la nullité du bon de commande, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que s'il résulte des articles L. 221-5, L. 221-9 et L. 111-1 du code de la consommation dans leur version applicable en la cause que les contrats conclus hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat écrit daté comportant notamment, à peine de nullité, la mention de la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, aucune disposition réglementaire ou légale n'exige que la mention des coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétent dont le professionnel relève ne soit précisée ; qu'en jugeant au contraire que les bons de commande étaient nuls au motif qu'ils ne comprenaient pas les mentions des coordonnées du ou des médiateurs de la consommation, la cour d'appel a ajouté aux textes une condition, violant ainsi les articles L. 221-5, L. 221-9, L. 111-1 et L. 616-1 du code de la consommation . »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de la combinaison des articles L. 242-1, L. 221-9, et L. 221-5, 1°, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, L. 111-1, 6°, du même code, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et R. 111-1, 6°, de ce code, dans sa version antérieure à celle issue du décret n° 2022-946 du 29 juin 2022, qu'un contrat de vente conclu hors établissement doit comporter, à peine de nullité, une mention relative à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI du code de la consommation, ainsi que les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l'article L. 616-1 du même code.
7. La cour d'appel ayant relevé que ni les bons de commande, ni les conditions générales de vente qui leur étaient annexées, ne mentionnaient les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents, en violation des dispositions des articles R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur au jour des contrats, en a exactement déduit que ceux-ci étaient nuls.
8. Le moyen, inopérant en ses première et deuxième branches, n'est donc pas fondé pour le surplus.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
9. Le vendeur fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ que si la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions, il importe peu que les dispositions reproduites ne soient plus celles en vigueur au moment de la conclusion du contrat dès lors que les versions successives des articles prévoient un régime identique ; que pour juger que l'acquéreure n'avait pas pu avoir connaissance de la prétendue violation du formalisme imposé par le code de la consommation au motif que les dispositions relatives aux modalités d'exercice du droit de rétractation reproduites dans les conditions générales étaient celles de l'ancien article L. 121-21 du code de la consommation en vigueur entre le 8 août 2015 et le 1er juillet 2016 et donc abrogé au moment de la conclusion des contrats, quand ces modalités d'exercice du droit de rétractation étaient identiques à celles prévues par l'article L. 221-18, applicable aux contrats litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1182 du code civil
3°/ que les articles du code de la consommation qui doivent être reproduits dans le bon de commande afin de fournir au consommateur les informations légalement exigées et de garantir qu'il a eu connaissance des vices dont l'acte pourrait être entaché sont uniquement ceux dont les mentions sont prescrites à peine de nullité ; qu'en jugeant que la connaissance des vices par la consommatrice ne pouvait pas être retenue dès lors que les articles R. 111-[1] et R. 111-2 n'avaient pas été reproduits dans le bon de commande, quand ces articles ne prescrivent pas des informations à peine de nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1182 du code civil. »
Réponse de la Cour
10. Selon l'article 1182, alinéa 3 du code civil, l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.
11. Il résulte de ce texte que la reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du code civil.
12. Il résulte par ailleurs des articles L. 242-1, L. 221-9, et L. 221-5, 1°, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, L. 111-1, 6°, du même code, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et R. 111-1, 6°, de ce code, dans sa version antérieure à celle issue du décret n° 2022-946 du 29 juin 2022 qu'un contrat de vente conclu hors établissement doit comporter, à peine de nullité, une mention relative à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI du code de la consommation, ainsi que les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l'article L. 616-1 du même code.
13. L'arrêt constate que les conditions générales des contrats ne reproduisaient pas les dispositions du code de la consommation applicables à la cause relativement aux modalités d'exercice du droit de rétractation, mais les dispositions de l'ancien article L. 121-21 du code de la consommation abrogées au moment de la conclusion des contrats, puis relève que les dispositions des articles R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation en vigueur au jour des contrats n'étaient pas reproduites dans les conditions générales de vente annexées aux bons de commande, rappelant que ceux-ci devaient comporter, à peine de nullité, les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l'article L. 616-1 du code de la consommation, et qu'aucun élément ne démontre que l'acquéreure avait connaissance des vices des bons de commande lorsqu'elle a laissé le vendeur intervenir à son domicile pour y réaliser les travaux d'installation du système aérovoltaïque et des panneaux photovoltaïques.
14.En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
15.Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
16. La société Franfinance fait grief à l'arrêt de constater la nullité du contrat de prêt conclu le 13 septembre 2016 et de rejeter ses demandes, alors « que la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice s'étend aux chefs de dispositif ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif annulé ; que la cour d'appel, après avoir prononcé l'annulation du contrat conclu par Mme [R] [O] avec la société Eco Environnement, a retenu qu' « en raison de l'interdépendance de ces contrats, l'annulation des contrats principaux conclus avec la société Eco emporte donc annulation de plein droit des contrats accessoires de crédit conclus avec les sociétés Franfinance et Cofidis » ; qu'il en résulte que la cassation de l'arrêt attaqué sur le pourvoi principal, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du contrat conclu entre la société Eco environnement et Mme [O] le 13 septembre 2016, entraînera par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt ayant constaté la nullité du contrat de prêt conclu le 13 septembre 2016 entre Mme [R] [O] et la société Franfinance, et débouté la société Franfinance de ses demandes plus amples ou contraires, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
17. Le pourvoi principal étant rejeté, le moyen du pourvoi incident, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ;
Condamne la société Eco environnement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Eco environnement, Franfinance et Cofidis et condamne la société Eco environnement à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.