LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 333 F-D
Pourvoi n° F 23-21.556
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 JUIN 2025
M. [N] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-21.556 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2023 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Nostrum, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [M], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Nostrum, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 29 juin 2023), la société Nostrum a pris une participation dans la société Kitrad, dont M. [M] était le gérant. Le 27 octobre 2015, la société Nostrum a consenti un prêt à M. [M]. Le 7 avril 2016, ce dernier a cédé une partie des parts qu'il détenait dans la société Kitrad.
2. Le 18 juillet 2017, la société Kitrad a été mise en liquidation. Le 14 janvier 2019, la société Nostrum a assigné M. [M] pour obtenir le remboursement du prêt. Le 21 juillet 2021, M. [M] a demandé reconventionnellement la nullité du contrat de cession de parts sociales.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter ses prétentions aux fins de nullité du contrat de cession de parts sociales et de caducité du contrat de prêt, alors :
« 1°/ que M. [M] faisait valoir dans ses dernières conclusions que la demande de nullité du contrat de prêt, formée devant les premiers juges, avait interrompu la prescription de la demande en nullité du contrat de cession de parts sociales, dès lors que les deux demandes tendaient vers un seul et même but ; que l'arrêt attaqué se borne à retenir que la demande de nullité de l'acte de cession du 7 avril 2016 a été présentée par conclusions du 21 juillet 2021, de sorte que la demande se heurte à la prescription quinquennale de l'action ; qu'en statuant par ces seuls motifs, sans répondre au moyen de M. [M] fondé sur l'interruption de la prescription de cette action par la demande de nullité du contrat de prêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que l'interruption de la prescription s'étend d'une action à une autre lorsque les deux actions tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; que tel est le cas de la demande de nullité d'un contrat relevant d'un ensemble contractuel indivisible et de la demande de nullité d'un autre contrat relevant de ce même ensemble, les deux demandes tendant à l'anéantissement de tous les contrats indivisibles dès lors que la nullité de l'un entraîne la caducité de l'autre ; qu'après avoir constaté que le contrat de prêt du 27 octobre 2015 et le contrat de cession de parts sociales du 7 avril 2016 poursuivaient la même finalité et étaient indivisibles, l'arrêt attaqué énonce que la demande de nullité de ce second contrat est prescrite dès lors qu'elle n'a été présentée que le 21 juillet 2021 ; qu'en statuant de la sorte, quand la demande de nullité du contrat de prêt du 27 octobre 2015 formée en première instance avait interrompu la prescription de l'action en nullité du contrat de cession de parts sociales du 7 avril 2016, les deux étant indivisibles, la cour d'appel, qui a refusé de tirer les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 2241 du code civil ;
3°/ que la prescription est sans incidence sur les moyens de défense au fond ; que l'arrêt attaqué, après avoir constaté que la demande de M. [M] de nullité du contrat de cession de parts sociales du 7 avril 2016 tendait exclusivement à voir écarter les prétentions de la société Nostrum en remboursement du prêt, et constituait dès lors un moyen de défense au fond), énonce que cette demande est prescrite en ce qu'elle se heurte à la prescription quinquennale de l'action ; que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 64 et 71 du code de procédure civile, ensemble l'article 1591 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt retient que les contrats de cession de parts et de prêt s'inscrivent dans une opération globale de prise de participation de la société Nostrum dans la société Kitrad, et que, poursuivant la même finalité et concourant à la même opération économique, ils étaient indivisibles. Il ajoute que, du fait de cette indivisibilité, la demande de nullité du contrat de cession de parts sociales, qui tend à voir écarter les prétentions adverses en remboursement du prêt, constitue un moyen de défense au fond, lequel est donc recevable.
5. Ayant, en premier lieu, constaté que le contrat de cession de parts du 7 avril 2016 avait reçu exécution, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action en nullité de ce contrat, présentée le 21 juillet 2021, était prescrite.
6. En second lieu, en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée, que ce soit par un moyen de fond ou une fin de non-recevoir.
7. L'action en nullité de la cession de parts ayant été déclarée prescrite, il en résulte que l'effet interruptif attaché à cette action est non avenu.
8. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié.
9. Le moyen ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] et le condamne à payer à la société Nostrum la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.