La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2024 | FRANCE | N°22NT03570

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 08 novembre 2024, 22NT03570


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de la Manche a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le maire de Siouville-Hague a délivré à M. et Mme B... un permis de construire.



Par un jugement n° 2101523 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé le permis de construire.



Procédures devant la cour :



I. Par une requête, enregistrée sous le n°22NT03570, le 16 novembre

2022, Mme B..., représentée par Me Bidault, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2022 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Manche a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le maire de Siouville-Hague a délivré à M. et Mme B... un permis de construire.

Par un jugement n° 2101523 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé le permis de construire.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n°22NT03570, le 16 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Bidault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de rejeter le déféré présenté par le préfet devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; le déféré préfectoral était tardif ; l'acte contesté lui a été transmis dans le cadre du contrôle de légalité, le 24 septembre 2018, ainsi qu'il ressort des mentions qui y figurent, ainsi que de l'attestation du maire ; par ailleurs les services de la préfecture ont été saisis, le 25 juillet 2019, au titre des travaux d'enrochement ;

- le jugement attaqué n'est pas signé, en méconnaissance de l'article R. 741-1 du code de justice administrative ;

- les notes en délibéré visées par le jugement attaqué ne lui ont pas été communiquées ;

- l'arrêté de permis de construire n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; le tribunal s'est fondé sur des faits postérieurs au permis de construire litigieux ; le dossier de demande de permis prenait en compte le risque d'érosion et prévoyait à ce titre la réalisation de dispositifs d'enrochement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2023, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 août 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22NT03595, le 22 novembre 2022 et le 14 août 2023, la commune de Siouville-Hague, représentée par la SELARL Juriadis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de rejeter le déféré présenté par le préfet devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Siouville-Hague soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; il ne mentionne pas que la SELARL Juriadis a été entendue lors de l'audience publique, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- il est mal-fondé ; c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du déféré préfectoral ;

- le permis de construire litigieux n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2023, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Siouville-Hague ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,

- et les observations de Me de Saint-Basile, substituant Me Bidault, représentant Mme B..., et de Me Gutton, représentant la commune de Siouville-Hague.

Une note en délibéré présentée pour Mme B... a été enregistrée le 16 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 septembre 2018, le maire de Siouville-Hague (Manche) a délivré à M. et Mme B... un permis de construire une maison individuelle sur une parcelle située 3, boulevard Ferdinand Deveaud sur le territoire de la commune. Par un jugement du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Caen, sur déféré du préfet de la Manche, a annulé l'arrêté du 21 septembre 2018 au motif que le projet était, compte tenu du caractère inexorable du phénomène d'érosion de la dune, ainsi que de l'implantation de la construction, de nature à porter atteinte à la sécurité publique. Par des requêtes enregistrées respectivement sous les nos 22NT03570 et 22NT03595, Mme B... et la commune de Siouville-Hague font appel de ce jugement.

2. Les requêtes n°22NT03570 et n°22NT03595, présentées pour Mme B... et la commune de Siouville-Hague sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. ( ...) ".

4. Il ressort des mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve contraire, qu'ont été entendus au cours de l'audience publique " les observations de MM. Lebreton et Meunier, représentant le préfet de la Manche ". La commune de Siouville-Hague n'établit pas que son conseil aurait également présenté des observations orales devant le tribunal administratif de Caen. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que, faute de mentionner que le conseil de la commune a été entendu, le jugement attaqué serait irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

6. Il n'est pas contesté que les notes en délibéré présentées par la commune de Siouville-Hague et par le préfet de la Manche le 21 septembre 2022 n'ont pas été communiquées à Mme B.... Toutefois, les premiers juges n'ont pas fondé leur décision sur le contenu de ces notes en délibéré qui, en outre, ne comportaient pas l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit nouveaux susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité au motif que ces notes en délibéré n'ont pas été communiquées à Mme B... ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

8. Il ressort du dossier de procédure que la minute du jugement attaqué a été signée, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, par la magistrate rapporteure, le président de la formation de jugement et par la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions auraient été méconnues doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du déféré préfectoral :

10. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicables au litige : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé (...) à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement (...) / La preuve de la réception des actes par le représentant de l'Etat dans le département ou son délégué dans l'arrondissement peut être apportée par tout moyen ". Les dispositions de l'article L. 2131-6 du même code, dans leur rédaction applicable au litige, prévoient que le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2, au nombre desquels figurent les permis de construire, qu'il estime contraires à la légalité " dans les deux mois suivant leur transmission ".

11. Il résulte des dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2132-6 du code général des collectivités territoriales que le délai de deux mois suivant la transmission des actes des collectivités territoriales imparti au préfet par ce dernier article pour introduire un déféré devant le tribunal administratif court à compter de la date à laquelle cet acte a été reçu par le préfet de département, en préfecture, ou le sous-préfet d'arrondissement compétent, en sous-préfecture, ou, si elle est antérieure, à la date à laquelle le texte intégral de l'acte a été porté à sa connaissance par les services de l'Etat placés sous son autorité, lorsque la commune concernée a transmis l'acte à ces derniers en application des dispositions rappelées ci-dessus.

12. La commune de Siouville-Hague et Mme B... soutiennent que l'arrêté de permis de construire litigieux a été transmis à la sous-préfecture de Cherbourg le 24 septembre 2018, conformément à la mention manuscrite qui figure sur cet arrêté. Toutefois, la copie de l'arrêté versé au dossier ne comporte pas le cachet de la préfecture attestant de sa transmission, et le préfet de la Manche, qui fait valoir que l'acte n'a jamais été reçu par ses services, produit la copie du courrier du 28 mai 2021 par lequel la sous-préfète de Cherbourg a demandé au maire de Siouville-Hague de lui transmettre l'arrêté litigieux ainsi que l'entier dossier de demande de permis de construire. Dans ces circonstances, ni la mention manuscrite figurant sur l'arrêté litigieux ni l'attestation rédigée le 10 novembre 2021 par le maire de la commune indiquant que l'acte a été transmis à la sous-préfecture le 24 septembre 2018 ne suffisent à établir sa réception par le sous-préfet concerné. Par ailleurs, la circonstance que les services de la direction départementale des territoires et de la mer ont instruit la demande d'autorisation de réaliser des enrochements présentée devant eux en 2019 par M. et Mme B..., sans qu'au préalable ces services n'aient demandé aux intéressés de leur transmettre l'arrêté de permis de construire litigieux ainsi que le dossier de demande, n'est pas de nature à établir que ces services étaient en possession de cet acte ni qu'ils en avaient connaissance. Dès lors qu'il n'est pas établi que le préfet de la Manche ou la sous-préfète de Cherbourg auraient reçu cet arrêté ainsi que l'entier dossier de demande de permis, le délai de deux mois prescrit par l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, imparti au préfet pour introduire un déféré devant le tribunal administratif, n'a pas commencé à courir de sorte que la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de ce déféré préfectoral, enregistré le 8 juillet 2021, ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Caen :

13. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

14. Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111- 2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Pour l'application de cet article en ce qui concerne les risques d'érosion ou de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ces risques en prenant en compte les caractéristiques de la zone du projet et de la construction projetée.

15. Il ressort des pièces du dossier que le littoral de la commune de Siouville-Hague, battu par de fortes houles de secteur ouest, est affecté par un phénomène continu d'érosion du trait de côte, accentué ponctuellement à l'occasion de fortes tempêtes. Ce phénomène a fait l'objet d'une étude réalisée en 2017 par un bureau d'études agréé pour la sécurité des ouvrages hydrauliques, chargé de proposer à la commune une stratégie de défense contre la mer. En analysant les données historiques disponibles, ce bureau d'études a estimé à 30 cm par an, pour les secteurs les moins touchés, et à 1 mètre par an, pour les tronçons les plus affectés, le taux moyen de recul du trait de côte sur le littoral communal. S'agissant du secteur dont relève la parcelle n°511, formant le terrain d'assiette du projet, située à 400 mètres au sud environ du centre de réadaptation fonctionnelle Korian, sur le tronçon central du littoral communal, correspondant aux " zones urbaines ", au sud de l'embouchure du Douet, les auteurs de l'étude ont estimé à 30 cm par an environ le taux de recul du trait de côte. Ces derniers ont, par ailleurs, relevé que, lors de fortes tempêtes, un recul ponctuel très important pouvait être observé et mettre en danger les habitations situées trop près du front de mer. Un recul de 3 mètres du trait de côte a ainsi été constaté au niveau de la dune devant le centre Korian, en mars 2008, puis un recul de 5 à 10 mètres a été observé au même endroit au cours de l'hiver 2013-2014. L'étude indique que l'application de la méthode dite " Federal Emergency Management Agency " (FEMA) à un profil type du cordon dunaire au droit du centre Korian donne, pour un évènement tempétueux de niveau centennal, un recul ponctuel de l'ordre de 15 mètres, ce qui pour les auteurs de l'étude apparaît un ordre de grandeur cohérent avec les observations historiques, le plus fort recul du trait de côte connu sur le territoire de la commune ayant été mesuré à 10 mètres, en 1961. Ce recul de 15 mètres, représentant l'érosion potentielle à l'occasion d'un événement tempétueux centennal a été cartographié par le bureau d'études, qui l'a représenté sous la forme d'une bande de précaution de 15 mètres, en arrière de la crête de dune, tout le long du littoral communal.

16. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans de masse et de coupe du dossier de permis de construire, que le projet de construction d'une maison d'habitation de M. et Mme B... doit être implanté sur la crête du cordon dunaire, que les fondations de ce bâtiment seront installées à moins de deux mètres du sommet de la dune et que les deux tiers de la maison se trouveront dans la bande de précaution de 15 mètres précédemment mentionnée. Compte tenu de l'implantation très avancée de la construction litigieuse par rapport au bord de la dune et de la nature des protections contre la mer existant au droit de la parcelle, sous la forme d'enrochements déposés au bas la dune, affectés de désordres ponctuels, le caractère inexorable du phénomène d'érosion marine observé sur le tronçon concerné fait courir un risque élevé de destruction de la maison de M. et Mme B.... Il est vrai qu'un dispositif de protection par enrochement de la dune était prévu au projet litigieux et que l'arrêté contesté est assorti d'une observation invitant les pétitionnaires " à se rapprocher des services de l'Etat afin d'obtenir une autorisation d'occupation du domaine maritime " pour le réaliser. Toutefois, il est constant qu'à la date de l'arrêté portant délivrance du permis de construire contesté, cet ouvrage de construction n'avait pas été édifié, aucune autorisation n'ayant d'ailleurs été sollicitée auprès des services compétents. Dans ces conditions, en délivrant par l'arrêté contesté, à M. et Mme B... un permis de construire une maison d'habitation, le maire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

17. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

18. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

19. Si l'étude mentionnée au point 15 indique que les ouvrages d'enrochement présentent une certaine efficacité contre l'érosion dunaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'implantation de la maison de Mme B... par rapport à la dune, le risque d'érosion marine auquel cette construction est exposée pourrait être prévenu par un ouvrage de défense contre la mer. En outre, il ressort de ce même document que ce type de protection amplifie l'aléa de franchissement des paquets de mer, déjà qualifié de fort sur la parcelle concernée. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que le vice analysé au point 16 serait susceptible d'être régularisé par la délivrance d'un permis de construire modificatif.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et la commune de Siouville-Hague ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande du préfet de la Manche, l'arrêté du 21 septembre 2018 du maire de Siouville-Hague délivrant un permis de construire une maison d'habitation à M. et Mme B....

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme B... et à la commune de Siouville-Hague les sommes que celles-ci réclament au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme B... et de la commune de Siouville-Hague sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la commune de Siouville-Hague et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 22NT03570, 22NT03595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03570
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : BIDAULT;SELARL JURIADIS;BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;22nt03570 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award