Vu la requête, enregistrée par télécopie le 22 mars 2010, régularisée le 24 mars 2010, présentée pour M. Henri A, demeurant ..., et élisant domicile au cabinet de Me Crosnier-Martel, 10 place Carnot, Aix les Bains, (73102) ;
M. Henri A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0804037 du 23 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 août 2005 par laquelle le trésorier-payeur général de la Haute-Savoie a rejeté sa réclamation par laquelle il s'opposait à un acte de recouvrement décerné par l'Etat espagnol, requis par l'administration française, pour le recouvrement de dettes d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1981, 1982, 1992, 1993 et 1994, d'autre part, à ce que soit ordonnée la restitution des sommes appréhendées par le Trésor Public à l'issue de la mise en oeuvre de cette procédure d'assistance bilatérale ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 157 899,97 euros réclamée par l'administration fiscale espagnole au titre de l'assistance au recouvrement ;
3°) d'ordonner la restitution des sommes saisies puis appréhendées par l'administration française ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que le Tribunal s'est mépris sur la nature de son recours, dès lors :
o que sa demande de première instance a la nature d'une contestation de plein contentieux du recouvrement, tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme réclamée par la " cédulà de notification y requerimiento de pago ", commandement de payer que lui a notifié l'administration espagnole au titre de l'assistance mutuelle en matière de recouvrement,
o que cette demande dirigée contre cet acte de poursuite constitue une contestation de plein contentieux du recouvrement, recevable, et non, ainsi que l'a considéré le tribunal administratif de Grenoble, un recours pour excès de pouvoir,
o que contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, sa demande de restitution des sommes saisies, bien que non précédée d'une réclamation préalable devant le comptable public, est cependant recevable, dès lors que, d'une part, ce n'est que tardivement que le trésorier d'Annecy a informé M. A que les fonds saisis lui avaient été reversés par l'Etat espagnol, d'autre part, que cette demande de restitution est implicitement mais nécessairement contenue dans la contestation de l'obligation de payer, dont la jurisprudence estime qu'elle constitue la conséquence nécessaire, et que le commandement de payer du 20 janvier 2005, rédigé en langue espagnole, ne comportait qu'une vague et très insuffisante mention des voies et délais de recours ;
- que le jugement attaqué est en outre entaché d'omission à statuer, le Tribunal n'ayant pas examiné le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 283 A et L. 283 B du livre des procédures fiscales ;
- que cette action en recouvrement était prescrite ;
- qu'au surplus, s'agissant des impositions mises en recouvrement en 1984, un accord d'échelonnement du règlement était intervenu entre M. A et le Trésor Public, depuis lors toujours honoré par ce dernier, et qui créait un droit à la suspension des poursuites ;
- que la réclamation introduite le 16 mai 2005 devant le trésorier-payeur général, rejetée le 8 août 2005, est dépourvue d'effet suspensif de l'obligation de payer ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 août 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que la requête d'appel est tardive, et par suite irrecevable ;
- que sa réclamation initiale ne visait que l'état de poursuites extérieures ;
- que les versements mensuels, depuis 1997, non imputés sur une dette fiscale identifiée par M. A ou sa banque, valent reconnaissance de dette et ont interrompu la prescription pour l'ensemble des impositions dont il reste débiteur ;
- qu'il n'existe aucun accord de règlement entre le trésorier, qui n'a au demeurant pas accordé de délais, et M. A, mais des versements unilatéraux de ce dernier ;
- que, faute d'avoir été précédée d'une réclamation préalable, la demande de restitution des sommes saisies est irrecevable ;
- que le Tribunal n'était pas tenu de statuer sur le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions des articles L. 283 A et L. 283 B du livre des procédures fiscales, dès lors que ce moyen, qui n'avait pas été présenté au trésorier-payeur général dans la réclamation préalable, ne pouvait plus être soulevé devant le juge ; qu'en tout état de cause, ce moyen n'est pas fondé, au regard des stipulations particulières de la convention bilatérale appliquée en l'espèce ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 27 septembre 2010, régularisée le 30 septembre 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre :
- que, compte tenu du délai supplémentaire prévu par l'article R. 421-7 du code de justice administrative pour les requérants résidant à l'étranger, sa requête d'appel n'est pas tardive ;
- que le jugement attaqué est irrégulier pour le motif supplémentaire qu'en violation du principe du contradictoire, ne lui a pas été communiqué, durant l'instruction de la première instance, un mémoire de l'administration daté du 9 septembre 2009, dont l'examen révèle qu'il comportait des moyens en défense nouveaux, retenus par le Tribunal dans les motifs de son jugement ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 29 juin 2011 fixant la clôture d'instruction au 29 juillet 2011 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la lettre en date du 9 février 2012 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office deux moyens d'ordre public ;
Vu le mémoire en réponse à la lettre du 9 février 2012, enregistré le 22 février 2012, présenté pour M. et Mme A ;
Vu le mémoire en réponse à la lettre du 9 février 2012, enregistré le 1er mars 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 ;
Vu la directive 76/308/CEE modifiée par la directive 2001/44/CE du 15 juin 2001 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2012 :
- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
- les observations de Me Daly, substituant Me Crosnier-Martel, avocat de M. A ;
Considérant qu'à la demande du trésorier-payeur général de la Haute-Savoie, le trésorier-payeur général des créances spéciales du Trésor a, le 9 juillet 2004, adressé à l'administration espagnole un état de poursuites extérieures, sollicitant son concours selon la procédure d'assistance mutuelle à laquelle les deux Etats se sont engagés par la convention bilatérale susvisée, afin que soit poursuivi, par appréhension du patrimoine mobilier et immobilier qu'il détenait en Espagne, le recouvrement d'une somme de 160 087, 21 euros au titre de l'impôt sur le revenu dû par M. A pour les années 1981, 1982 , 1992, 1993 et 1994 ; que, par décision du 8 août 2005, le trésorier-payeur général de la Haute-Savoie a rejeté la réclamation dont M. A l'avait saisi le 16 mai 2005, par laquelle il contestait l'obligation de payer la somme que l'administration espagnole lui réclamait, par un acte de recouvrement du 20 janvier 2005 ; que M. A interjette appel du jugement du 23 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 août 2005, d'autre part, à ce que soit ordonnée la restitution des sommes appréhendées par le Trésor à l'issue de cette procédure ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-7 du code de justice administrative : " Les délais supplémentaires de distance prévus aux articles 643 et 644 du nouveau code de procédure civile s'ajoutent au délai de deux mois prévu à l'article R. 421-1. (...) " ; qu'aux termes de l'article 643 du nouveau code de procédure civile : " Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais (...) d'appel (...) sont augmentés de (...) deux mois " pour les personnes " qui demeurent à l'étranger " ;
Considérant que le jugement attaqué a été notifié à M. A, résidant en Espagne, le 23 novembre 2009 ; que, dès lors que le délai d'appel de droit commun était prorogé par le délai de distance visé à l'article R. 421-7 précité du code de justice administrative, sa requête d'appel, enregistrée le 22 mars 2010, n'est pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit donc être écartée ;
Sur l'obligation de payer la somme réclamée par l'acte de recouvrement du 20 janvier 2005 :
Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995, dont l'application n'est pas restreinte par les dispositions de la directive 76/308/CEE, transposée par l'article 42 de la loi du 30 décembre 2002, codifié aux articles L. 283 A et L. 283 B du livre des procédures fiscales : " (1.) Les Etats contractants se prêtent mutuellement aide et assistance en vue de recouvrer les impôts visés par la présente Convention ainsi que les majorations de droits, déterminés de retard, intérêts, frais et amendes sans caractère pénal afférents à ces impôts./ (2.) A la demande de l'Etat contractant requérant, l'Etat contractant requis procède au recouvrement des créances fiscales du premier Etat suivant la législation et la pratique administrative applicables au recouvrement de ses propres créances fiscales (...) ./ (4.) L'Etat requis n'est pas obligé de donner suite à la demande de l'Etat requérant si celui-ci n'a pas épuisé sur son propre territoire les moyens qu'il peut raisonnablement mettre en oeuvre pour recouvrer sa créance fiscale. ( 5.) La demande d'assistance administrative est accompagnée : / a) D'une attestation précisant la nature de la créance fiscale et en ce qui concerne le recouvrement, que les conditions prévues au paragraphe 3 et au paragraphe 4 sont remplies ; / b) D'une copie officielle du titre permettant l'exécution dans l'Etat requérant / c) De tout autre document exigé pour le recouvrement ou pour prendre les mesures conservatoires. (6.) Le titre permettant l'exécution dans l'Etat requérant est, s'il y a lieu et conformément aux dispositions en vigueur dans l'Etat requis, admis, homologué, complété ou remplacé dans les plus brefs délais suivant la date de réception de la demande d'assistance par un titre permettant l'exécution dans l'Etat requis. (7.) Les questions concernant le délai de prescription de la créance fiscale sont régies exclusivement par la législation de l'Etat requérant. La demande d'assistance contient des renseignements sur ce délai. 8. Les actes de recouvrement accomplis par l'Etat requis à la suite d'une demande d'assistance et qui, suivant la législation de cet Etat, auraient pour effet de suspendre ou d'interrompre le délai de prescription ont le même effet au regard de la législation de l'Etat requérant. L'Etat requis informe l'Etat requérant des actes ainsi accomplis. " ;
Considérant que, s'il résulte de la combinaison des articles L. 199 et L. 281 du livre des procédures fiscales que les contestations relatives au recouvrement d'impôts directs sont portées devant le tribunal administratif lorsqu'elles sont relatives à l'existence de l'obligation de payer, au montant de la dette ou à l'exigibilité de la somme réclamée, les litiges nés de la mise en oeuvre de l'assistance prévue par les stipulations susrappelées de la convention fiscale franco-espagnole pour assurer le recouvrement, par l'Etat requis, suivant la législation et la pratique administrative applicables au recouvrement de ses propres créances, de cotisations d'impôt sur le revenu dues à l'Etat requérant, relèvent de la compétence exclusive des juridictions de l'Etat requis, qu'elles portent sur la régularité en la forme de l'acte de recouvrement, ou sur l'existence de l'obligation de payer la dette fiscale étrangère, sa quotité ou son exigibilité ; qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A a sollicité du Tribunal la décharge de l'obligation de payer la somme que, par un acte de recouvrement du 20 janvier 2005, dénommé " cédulà de notification y requerimiento de pago ", l'administration espagnole lui a réclamée au titre de l'assistance qu'elle avait prêtée au Trésor public qui l'avait requise en application de la convention bilatérale susvisée, pour le recouvrement des dettes fiscales de M. A en France ; qu'en statuant au fond sur ce litige, le Tribunal administratif de Grenoble a entaché d'incompétence son jugement ;
Sur la restitution demandée :
Considérant qu'en conséquence de la décharge de l'obligation de payer qu'il sollicitait, M. A a également demandé aux premiers juges d'ordonner à l'administration française la restitution des sommes recouvrées par les autorités espagnoles en exécution de l'acte du 20 janvier 2005, puis reversées par ces dernières au Trésor public ; qu'une telle demande de restitution ne se rattache ni à un contentieux d'assiette régi par l'article L. 199 du livre des procédures fiscales, ni à une contestation relative à l'obligation de payer résultant d'un acte de recouvrement émis par un des comptables publics mentionnés à l'article L. 252 du même livre auquel renvoie l'article L. 281 ; qu'il n'appartient pas aux juridictions administratives de connaître du litige ainsi soulevé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué par lequel le Tribunal s'est reconnu compétent pour statuer sur la demande de M. A, et de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une quelconque somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0804037 du Tribunal administratif de Grenoble du 23 octobre 2009 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. Henri A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 6 mars 2012 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Segado et Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 27 mars 2012.
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N° 10LY00778
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