Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Montjoie-en-Couserans à réparer les préjudices qu'il impute aux infiltrations causées par le déversement des eaux pluviales sur sa propriété et d'enjoindre à cette commune de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire propres à y mettre fin.
Par un jugement n° 2004363 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Montjoie-en-Couserans à verser à M. B... une indemnité de 4 818,65 euros en réparation des conséquences dommageables imputables à ces infiltrations d'eau sur sa propriété et rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Guy-Favier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2023 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses conclusions à fin d'indemnisation et rejeté ses conclusions à fin d'injonction ;
2°) de condamner la commune de Montjoie-en-Couserans à lui verser les indemnités complémentaires de 13 080,97 euros au titre des travaux de remise en état des parties intérieures de sa propriété et de 5 000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
3°) d'enjoindre à la commune de Montjoie-en-Couserans de procéder aux travaux préconisés par l'expert sur le domaine public communal à partir des devis établis par la société Couserans Construction dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 429,80 euros à la charge définitive de la commune de Montjoie-en-Couserans ;
5°) de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'ouvrage public communal constitué par le trottoir au droit de sa propriété a contribué seulement à 30 % dans la survenance des désordres et limité en conséquence son indemnisation alors que cette limitation de la réparation de son préjudice ne repose sur aucune constatation technique et que la commune de Montjoie-en-Couserans n'a pas contesté le lien de causalité entre l'ouvrage public en litige et la survenance des désordres, cette dernière ayant seulement souhaité être relevée et garantie par le tiers responsable ;
- les désordres affectant sa maison d'habitation proviennent des eaux pluviales communales qui se déversent sur sa propriété en raison, en particulier, de l'absence de réseau pluvial, du mauvais entretien de la voirie, dont le trottoir n'est pas étanche et est fissuré, et de la mauvaise exécution des travaux de changement de compteur réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la commune ;
- le tribunal s'est mépris sur la cause des désordres, lesquels sont directement imputables à des ouvrages publics et notamment à l'ouvrage public communal que constitue le trottoir ;
- c'est à tort que le tribunal a également rejeté la demande d'indemnisation de son préjudice de jouissance ainsi que ses conclusions à fin d'injonction alors que la commune a seulement fait part de son intention de faire réaliser les travaux nécessaires, lesquels n'ont toujours pas été exécutés depuis le dépôt du rapport de l'expert le 18 mars 2020 ; à ce jour, la commune n'a toujours pas entrepris les travaux nécessaires sur la voie publique, consistant à réaliser une noue d'évacuation des eaux pluviales et à éliminer les anciens systèmes de raccordement d'eau potable ;
- il y a lieu d'actualiser le coût des travaux de reprise des parties intérieures de sa propriété, lequel s'établit à la somme de 13 080,97 euros toutes taxes comprises suivant le nouveau devis établi par la société Couserans Construction ;
- son préjudice de jouissance est pleinement établi et doit être indemnisé dès lors que sa propriété subit des infiltrations d'eau au niveau de son salon à l'origine d'importants désagréments ; il ne peut plus en jouir paisiblement depuis plusieurs années alors qu'il s'agit d'une pièce de vie centrale.
La requête a été communiquée à la commune de Montjoie-en-Couserans, laquelle n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, par une lettre du 23 janvier 2024, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 17 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 11 mars 2025 à 12 heures.
Par un courrier du 26 mars 2025, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de ce que le tribunal a méconnu son office et, par suite, entaché son jugement d'irrégularité en omettant de se prononcer sur la dévolution des frais d'expertise en application de la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel.
Des observations, en réponse à ce moyen d'ordre public, présentées pour M. B..., ont été enregistrées le 28 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre, relière conseillère,
- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est propriétaire d'une maison d'habitation située dans le lieu-dit Balliard Village sur le territoire de la commune de Montjoie-en-Couserans (Ariège). Imputant les dégradations subies à l'intérieur de sa maison à l'écoulement, sur sa propriété, d'eaux pluviales en provenance de la voie publique, lesquelles remontent par capillarité au pied du mur Est de son terrain, M. B..., a mandaté deux sociétés spécialisées dans la recherche de fuites et d'infiltrations et saisi son assureur, lequel a fait intervenir un expert. Après l'échec d'une phase amiable, M. B... a présenté une demande d'expertise devant le tribunal administratif de Toulouse, lequel a désigné un expert par une ordonnance n° 1902160 du 20 septembre 2019. L'expert a remis son rapport le 18 mars 2020. Par une lettre du 5 avril 2020, M. B... a saisi la commune de Montjoie-en-Couserans d'une demande préalable indemnitaire. Le silence gardé par la commune sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par un jugement du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Montjoie-en-Couserans à verser à M. B... une indemnité de 4 818,65 euros en réparation de son préjudice et rejeté le surplus de ses demandes à fin d'indemnisation et d'injonction. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses conclusions à fin d'indemnisation et rejeté ses conclusions à fin d'injonction.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision (...) ". Aux termes de l'article R. 621-11 du même code : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours (...) ". Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
3. En vertu de la règle, applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel, il appartient au tribunal administratif de se prononcer sur la dévolution des frais d'expertise.
4. Il ressort des termes du jugement attaqué qu'en assimilant les frais et honoraires de l'expertise au préjudice indemnisable dont il a limité la réparation à une part de 30 % et en condamnant la commune de Montjoie-en-Couserans à les verser à M. B..., ce qui a pour effet de ne pas remplir l'expert désigné par le tribunal de ses droits à honoraires, le tribunal administratif de Toulouse ne s'est pas prononcé sur la dévolution des frais de l'expertise ordonnée par le tribunal, taxés et liquidés à la somme de 4 429,80 euros toutes taxes comprises par une ordonnance de la juge des référés de ce tribunal du 11 août 2020. Ce faisant, le tribunal a méconnu la règle rappelée ci-dessus, qui lui impartit d'épuiser son pouvoir juridictionnel. Dès lors, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité dans la mesure où il a omis de se prononcer sur la dévolution des frais d'expertise.
5. Par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, de statuer sur la charge des frais d'expertise par la voie de l'évocation et de se prononcer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de M. B... restant en litige tendant à l'indemnisation intégrale de ses préjudices et à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions à fin d'injonction tendant à faire cesser le dommage.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Montjoie-en-Couserans :
6. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
7. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que la responsabilité de la commune de Montjoie-en-Couserans était engagée à l'égard de M. B... qui avait la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public en cause. Après avoir relevé, d'une part, que les remontées d'humidité étaient causées par le ruissellement des eaux pluviales en provenance de la voie communale, laquelle présente une déclivité importante en direction de la propriété de M. B... et dispose d'un trottoir non étanche et, d'autre part, que le propre réseau privé d'évacuation des eaux pluviales de ce dernier était saturé par les eaux de ruissellement de la commune, et celles en provenance du regard du compteur d'eau de son voisin non étanche et contribuant lui aussi aux désordres en litige, le tribunal a jugé que la commune devait toutefois être tenue pour responsable des seuls dommages causés par l'absence d'étanchéité du trottoir et limité sa part de responsabilité dans la survenance des désordres à 30 % du montant de la réparation. Par ailleurs, le tribunal a relevé, d'une part, que le fait du tiers, en particulier du syndicat des eaux du Couserans, gestionnaire des compteurs d'eau des habitants, n'était pas de nature à exonérer la commune de sa responsabilité et, d'autre part, qu'aucune faute de la victime ni cas de force majeure ne pouvaient être retenus.
8. Or, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise judiciaire et des différents rapports techniques établis à la diligence de M. B..., que les infiltrations en litige, relevées au pied du mur intérieur situé à l'Est de sa maison, ont pour cause déterminante le ruissellement des eaux en provenance de la voie publique, lesquelles, en l'absence de système d'évacuation vers le réseau communal des eaux pluviales et du fait de la déclivité de la voie publique, se déversent principalement en contrebas. Les eaux pluviales sont aussi dirigées vers un caniveau implanté sur la voie publique au pied du portail de la propriété de M. B..., dont le réseau privé d'évacuation des eaux de pluie est saturé par les eaux, lesquelles s'infiltrent par capillarité dans le mur et les parties intérieures de sa propriété. Il est constant que le phénomène d'infiltration des eaux de pluie est par ailleurs amplifié par l'absence d'étanchéité du trottoir du fait de fissures, par les eaux de pluie provenant de la toiture de la propriété voisine, par le mode constructif de la maison en pierres et, enfin, par la circonstance que les eaux de pluie s'infiltrent également, tant par l'ancienne canalisation d'alimentation du compteur d'eau et la niche de l'ancien compteur de M. B..., non étanches, lesquels n'ont pas été déposés lors des travaux de déplacement de son compteur en 2016 par le syndicat des eaux du Couserans, que par le regard du compteur d'eau de son voisin, encastré dans le trottoir en pied de façade, lui aussi non étanche. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ces éléments constituent de simples facteurs aggravants sans être la cause adéquate et déterminante des désordres, lesquels trouvent leur origine dans le ruissellement des eaux de pluie en provenance de la voirie communale en direction de la propriété de M. B... et l'absence de redirection de ces eaux vers le réseau pluvial communal. En outre, il résulte de l'instruction, éclairée par les constatations de l'expert, que les infiltrations en litige, qui sont apparues en 2017, préexistaient aux travaux réalisés en 2016 consistant à déplacer le compteur d'eau de M. B... et ne procèdent pas uniquement de l'absence d'étanchéité du trottoir du fait de fissurations.
9. Dès lors que les infiltrations en litige sont principalement causées par le ruissellement des eaux pluviales en provenance de la voie communale lesquelles sont dirigées, du fait de la déclivité des lieux et de l'absence de réseau d'évacuation communal, dans le réseau pluvial privé de l'appelant, lequel n'a pas vocation à les recueillir, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que la cause du dommage subi par M. B... était imputable à la seule absence d'étanchéité du trottoir et déduit de cette circonstance qu'il y avait lieu de réduire de 70 % la part du dommage imputable à la commune de Montjoie-en-Couserans alors que cette dernière doit, en sa qualité de gestionnaire du réseau communal d'évacuation des eaux pluviales et des voies publiques, être tenue pour responsable de l'intégralité de ses préjudices, M. B... est, par suite, fondé à en demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a limité la part de responsabilité de la commune dans la survenance des désordres à 30 %.
En ce qui concerne les préjudices indemnisables :
10. Lorsqu'un dommage causé à un immeuble engage la responsabilité d'une collectivité publique, le propriétaire peut prétendre à une indemnité couvrant, d'une part, les troubles qu'il a pu subir, du fait notamment de pertes de loyers, jusqu'à la date à laquelle, la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, il a été en mesure d'y remédier et, d'autre part, une indemnité correspondant au coût des travaux de réfection. Ce coût doit être évalué à cette date, sans pouvoir excéder la valeur vénale, à la même date, de l'immeuble exempt des dommages imputables à la collectivité.
11. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.
12. La victime peut, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire invoquer directement l'existence de ces nouveaux éléments devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue par la même décision. La victime peut faire de même devant le juge d'appel, dans la limite toutefois du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l'indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance.
13. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les parties intérieures de la maison de M. B..., en particulier le mur mitoyen, le mur intérieur et le parquet de son salon ont été dégradés par l'effet des remontées d'eau par capillarité, ce qui nécessite la réfection des parties intérieures de sa maison, en particulier le plancher en bois abîmé et le mur mitoyen. Compte tenu de l'ampleur des infiltrations affectant les parties intérieures de la maison et dès lors qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que des travaux de moindre ampleur ou suivant des procédés moins onéreux permettraient de remédier aux désordres, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. B... en portant à 13 080 euros l'indemnité à laquelle la commune de Montjoie-en-Couserans a été condamnée à lui verser au titre des travaux de remise en état des parties intérieures de sa maison, suivant le devis réactualisé établi le 7 avril 2020, lequel ne fait l'objet d'aucune contestation.
14. En second lieu, compte tenu de la dégradation esthétique et fonctionnelle de son salon depuis l'année 2017 et des démarches itératives engagées sans succès par M. B... pour tenter de régler à l'amiable les désordres en litige, il sera fait une juste appréciation du préjudice de jouissance subi par ce dernier en condamnant la commune de Montjoie-en-Couserans à lui verser une indemnité de 500 euros.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
S'agissant du cadre juridique applicable :
15. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
S'agissant de l'existence d'une abstention fautive du maître de l'ouvrage :
16. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les dommages trouvent leur origine dans les venues d'eaux pluviales en provenance de la voie publique, lesquelles s'écoulent principalement vers la propriété de M. B... au point de causer des infiltrations d'eau par capillarité. Il résulte de l'instruction que les eaux de ruissellement issues de la voie publique s'écoulent toujours en direction de la propriété de l'appelant, sans être redirigées vers un réseau communal de collecte des eaux pluviales, continuant ainsi de provoquer des dégradations dans les parties intérieures de sa maison d'habitation, ce qui l'empêche de jouir pleinement et paisiblement de sa propriété. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Montjoie-en-Couserans aurait entrepris, ainsi qu'elle s'y était pourtant engagée en première instance, de faire réaliser les travaux de voirie nécessaires pour mettre fin au déversement des eaux pluviales communales en direction de la maison de l'appelant. En s'abstenant, depuis de plusieurs années, et en dépit des différents rapports techniques amiables établis à l'initiative de M. B..., de faire réaliser les travaux propres à mettre fin à ces infiltrations, ou à en pallier les effets, alors que ces dommages perdurent à la date du présent arrêt, la commune de Montjoie-en-Couserans doit être regardée comme ayant fait preuve d'une abstention fautive à l'origine de la persistance des dommages subis par l'appelant.
17. Il résulte de l'instruction, notamment des préconisations de l'expert, qu'il peut être remédié aux infiltrations en litige, d'une part, en faisant réaliser, devant le portail de M. B..., une noue d'évacuation en enrobé dotée d'un regard grillagé au centre et d'un tuyau d'évacuation raccordé au réseau pluvial communal situé à proximité afin de permettre l'évacuation des eaux pluviales de ruissellement en provenance de la voie communale et du trottoir de la maison voisine. Les travaux propres à mettre fin aux infiltrations consistent également, d'une part, à éliminer l'ancienne alimentation en eau et l'ancien regard du compteur d'eau situé en pied de façade pour les remplacer par un drain extérieur doté d'un regard et d'une évacuation, et, d'autre part, à remplacer le regard du compteur d'eau du voisin de M. B... par un regard étanche et à remettre en état le trottoir pour éviter de nouvelles infiltrations. Ces travaux, qui ont été chiffrés par l'expert aux sommes, toutes taxes comprises, de 11 630,10 euros, en ce qui concerne la pose du drain extérieur, et de 8 069,86 euros, en ce qui concerne la réalisation d'une noue d'évacuation en enrobé raccordée au réseau pluvial communal, ne font l'objet d'aucune contestation sérieuse de nature à en remettre en cause la pertinence ou l'utilité. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le coût des travaux de voirie précités seraient disproportionnés par rapport aux préjudices subis par M. B... dans les espaces de vie de sa maison, lesquels sont susceptibles de se réitérer à chaque épisode pluvieux tant que les travaux destinés à y remédier n'auront pas été réalisés.
18. Dans ces conditions, et en l'absence de tout motif d'intérêt général s'y opposant, qui tiendrait notamment au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi ou aux droits de tiers, il y a lieu d'enjoindre à la commune de Montjoie-en-Couserans, en sa qualité de maître d'ouvrage, de mettre fin aux infiltrations causées par les eaux pluviales en faisant exécuter les travaux décrits au point 17, tels que préconisés par l'expert, dans un délai de huit mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a limité la condamnation de la commune de Montjoie-en-Couserans à la somme de 4 818,65 euros au lieu de celle de 13 580 euros, et n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les dépens :
20. Compte tenu de l'annulation prononcée au point 5 et eu égard aux condamnations prononcées aux points 13 et 14, il y a lieu, en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés par une ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 11 août 2020 à la somme de 4 429,80 euros toutes taxes comprises, à la charge définitive de la commune de Montjoie-en-Couserans.
Sur les frais d'instance :
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montjoie-en-Couserans une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er juin 2023 est annulé en tant qu'il a omis de se prononcer sur la dévolution de la charge des frais d'expertise.
Article 2 : La somme de 4 818,65 euros que la commune de Montjoie-en-Couserans a été condamnée à verser à M. B... à l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er juin 2023 est portée à la somme de 13 580 euros.
Article 3 : Il est enjoint à la commune de Montjoie-en-Couserans de faire réaliser des travaux de voirie tels que décrits au point 17 du présent arrêt dans un délai de huit mois suivant la notification du présent jugement.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er juin 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés par l'ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 11 août 2020, sont mis à la charge définitive de la commune de Montjoie-en-Couserans.
Article 6 : La commune de Montjoie-en-Couserans versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Montjoie-en-Couserans.
Copie en sera adressée pour information à l'expert.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01629