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12/11/2024 | FRANCE | N°24NC02560

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 12 novembre 2024, 24NC02560


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé, pour une durée de trois mois, la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance dont il fait l'objet.





Par un jugement n° 2402372 du 25 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé

l'arrêté du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 18 septembre 2024.





Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé, pour une durée de trois mois, la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance dont il fait l'objet.

Par un jugement n° 2402372 du 25 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 18 septembre 2024.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour de sursoir à l'exécution du jugement n° 2402372 du 25 septembre 2024 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la disproportion du renouvellement de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) au regard de l'objectif poursuivi alors que la menace actuelle terroriste se maintient à un niveau élevé et se trouve sensiblement accrue par le risque d'importation sur le territoire national du conflit israélo-palestinien à la suite de l'attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2024 et de ses conséquences ; le refus de sauf-conduit pour raison médicale était justifié par le fait que son éloignement aurait été trop important et qu'il s'était déjà signalé comme violant les obligations fixées par la MICAS ; il ne justifie pas d'un emploi de conducteur de bus ni d'une perspective de logement ; ce moyen est sérieux et de nature à justifier outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions de la demande.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Ercole, conclut :

1°) à ce que lui soit accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) au rejet de la requête ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Ercole en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est manifestement disproportionné dès lors qu'il repose sur des faits de militantisme djihadiste erronés ;

- il fait obstacle à son suivi médical ;

- l'obligation quotidienne imposée contribue à aggraver son état de santé ;

- l'arrêté en litige l'empêche d'exercer l'emploi de chauffeur de bus dans l'agglomération de Reims et de répondre à des offres d'emploi ; les sauf-conduits lui ont été refusés ;

- l'arrêté en litige l'empêche d'aller voir sa mère et de trouver un logement ;

- le moyen soulevé par le ministre n'est en conséquence pas sérieux.

Vu :

- la requête n° 24NC02553 enregistrée au greffe de la cour, le 14 octobre 2024, par laquelle le ministre de l'intérieur demande l'annulation du jugement n° 2402372 du 25 septembre 2024 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de sécurité intérieur ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- et les observations de Me Ercole et de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à l'encontre de M. B... une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance régie par les articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. Par un arrêté du 18 septembre 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, prolongeant les effets de cette mesure pour une durée de trois mois à compter du 27 septembre 2024, lui a interdit de se déplacer en dehors de la commune de Reims sous réserve d'avoir obtenu préalablement un sauf-conduit, lui a fait obligation de se rendre tous les jours de la semaine, y compris les dimanches et les jours fériés, à 9 heures au commissariat de police de Reims et lui a fait obligation de justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de celui-ci. M. B... a demandé au tribunal d'annuler cet arrêté. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 18 septembre 2024. Le ministre de l'intérieur demande à la cour de sursoir à l'exécution de ce jugement.

Sur la demande l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. (...) ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 portant application de cette loi : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence, (...). L'admission provisoire est accordée par (...) le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué ".

3. En raison de l'urgence, alors qu'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'aide juridictionnelle, il y a lieu d'admettre M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sur le fondement de ces dispositions.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

4. D'une part, aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".

6. Enfin, aux termes de l'article L. 228-1 du code de sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". L'article L. 228-2 du même code prévoit que " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; /2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites. / Toute décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article est notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. La personne concernée peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il délègue l'annulation de la décision dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Il est statué sur la légalité de la décision au plus tard dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal. Dans ce cas, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. (...) ".

7. Il résulte de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et notamment de la motivation de l'arrêté du 18 septembre 2024, laquelle s'appuie sur une note blanche, que le renouvellement de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance a été prise en raison d'une part, du fait que M. B... a été élève d'une école coranique dirigée par l'association Jonas Paris, dissoute par décret du 26 juin 2024 au regard de ses enseignements discriminants et haineux à l'égard des non musulmans et de nature à provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger, au sein de laquelle il a été en contact avec un individu connu pour ses positions radicales, d'autre part, des deux visites domiciliaire de juin et décembre 2023 qui ont confirmé l'adhésion de l'intéressé aux thèses islamistes radicales et enfin de son séjour en 2024 en Arabie Saoudite pour étudier les sciences religieuses et la langue arabe à l'université de Médine. Si une première mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance a été prise le 27 juin 2024 pour ces mêmes motifs, il ne l'a pas respecté en se rendant au mois de juillet 2024 dans la région lyonnaise. Dans un contexte national et géopolitique où la menace terroriste se maintient sur le territoire à un niveau élevé, le ministre a considéré qu'il existe des raisons sérieuses de penser que M. B... doit toujours être regardé comme constituant une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public et comme soutenant et adhérant à des thèses incitant à la commission d'actes de terroriste.

9. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... est suivi médicalement par un médecin qui pratique au service de chirurgie orthopédique et traumatologique à l'hôpital Ambroise Paré à Boulogne Billancourt, la décision en litige ne fait pas obstacle à ce qu'il se rende à un rendez-vous médical nécessaire hors secteur sous réserve d'obtenir un sauf-conduit qu'il lui appartiendra, le cas échéant, de contester s'il lui était refusé à tort. M. B... ne produit par ailleurs aucune pièce médicale qui établirait que son état de santé ferait obstacle à ce qu'il se rende quotidiennement au commissariat de police de Reims. Il ne ressort enfin d'aucune pièce du dossier qu'à la date de la décision contestée, ni d'ailleurs à la date du présent arrêt, que M. B... était titulaire d'un emploi ou à minima d'une promesse d'embauche qui implique qu'il se déplace hors la commune de Reims. Il ne disposait, ni ne dispose, pas plus d'un projet de bail hors de Reims et rien ne fait obstacle à ce que sa mère lui rende visite à son actuel domicile. Dans ces conditions, au regard de la durée limitée de la mesure et de la possibilité d'obtenir un sauf-conduit, notamment pour raison médicale sur demande motivée et circonstanciée, et compte tenu, d'autre part, des faits énoncés au point 8, non sérieusement contestés, qui caractérisent, dans le contexte de menace terroriste élevée liée notamment aux événements du Proche-Orient, une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public, le moyen soulevé par le ministre de l'intérieur tiré de ce que les mesures de l'arrêté contesté ne présentent pas un caractère disproportionné paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

10. En conséquence, il y a lieu de faire droit à la requête du ministre de l'intérieur tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2402372 du 25 septembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur les frais de l'instance :

11. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions de M. B... au titre des frais de l'instance ne peuvent être que rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : M. B... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel du ministre de l'intérieur formé contre le jugement n° 2402372 du 25 septembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 3 : Les conclusions de M. B... au titre des frais de l'instance sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.

La présidente de la 4ème chambre,

La greffière,Signé : V. Ghisu-DeparisSigné : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 24NC02560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC02560
Date de la décision : 12/11/2024

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : ERCOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-12;24nc02560 ?
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