Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 15 septembre 2020 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2006868 du 9 décembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 décembre 2020 et 22 avril 2021, M. A..., représenté par Me B..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 9 décembre 2020 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour comportant une autorisation de travail, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quatre mois, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, en cas d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, de l'assigner à résidence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un vice de forme ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un courrier du 15 janvier 2021 les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi.
Par un mémoire enregistré le 18 janvier 2021 le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que M. A... n'a présenté aucune demande d'asile que ce soit en France ou en Italie.
Par un mémoire enregistré le 19 janvier 2021, M. A... fait valoir qu'il aurait présenté une demande d'asile.
Par un mémoire enregistré le 20 janvier 2021, le préfet du Rhône informe la cour que l'intéressé a effectivement présenté une demande d'asile en Italie en 2016.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,
- les observations de Me B..., représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 1er janvier 1999, est entré en France selon ses déclarations, en février 2019. Par décisions du 15 septembre 2020, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 9 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 15 septembre 2020.
2. Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement, soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre.
3. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises, mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3. En revanche, en application des dispositions de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013, lorsqu'il a été définitivement statué sur sa demande, l'étranger peut faire l'objet soit d'une procédure de réadmission vers l'Etat qui a statué sur sa demande, soit d'une obligation de quitter le territoire français.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été interpellé le 15 septembre 2020 en situation irrégulière. Les services de la police aux frontières après avoir comparé les empreintes digitales de l'intéressé avec la base Eurodac qui regroupe les empreintes des demandeurs d'asile dans l'espace Schengen ont constaté que " M. A... est connu " en Italie. Il ressort également du relevé d'empreintes Eurodac, produit par le préfet du Rhône sur invitation de la cour, que M. A... a demandé l'asile en Italie, ainsi que le préfet le reconnaît lui-même dans ses dernières écritures. Il n'est pas établi, ni même allégué, que la demande d'asile présentée par l'intéressé en Italie ait été définitivement rejetée. Par suite, la situation de M. A... n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. Dès lors, le préfet a commis une erreur de droit en prenant à l'encontre de M. A... une décision portant obligation de quitter le territoire français qui doit être annulée.
5. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi, qui doivent être annulées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".
7. Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".
8. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 5612 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. / Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire ou la décision d'assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".
9. Il résulte de ce qui précède que, eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a seulement lieu de prescrire au préfet du Rhône de délivrer, dans le délai de quinze jours, à M. A... une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me B..., avocate de M. A..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2006868 du 9 décembre 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon et les décisions du 15 septembre 2020 du préfet du Rhône portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et fixant le pays de renvoi sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer, dans le délai de quinze jours, à M. A..., une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B..., avocate de M. A..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Dèche, présidente,
Mme D..., première conseillère,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 mai 2021.
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N° 20LY03733