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14/01/2025 | FRANCE | N°23BX00229

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 14 janvier 2025, 23BX00229


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner la caisse territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin à lui verser, après déduction des débours de la caisse d'assurance maladie, la somme totale de 77 728,10 euros en réparation des préjudices faisant suite à l'accident qu'elle a subi le 16 octobre 2015.





Par un jugement n° 2100085 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Saint Martin a condamné la cais

se territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin à lui verser la somme de 18 602,43 euros.





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner la caisse territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin à lui verser, après déduction des débours de la caisse d'assurance maladie, la somme totale de 77 728,10 euros en réparation des préjudices faisant suite à l'accident qu'elle a subi le 16 octobre 2015.

Par un jugement n° 2100085 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Saint Martin a condamné la caisse territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin à lui verser la somme de 18 602,43 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 janvier et 12 octobre 2023, ainsi qu'un mémoire enregistré le 27 septembre 2024 qui n'a pas été communiqué, Mme C..., représentée par Me Cottelon, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Saint Martin en tant qu'il ne lui a pas été donné entière satisfaction ;

2°) de condamner la caisse territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin à lui verser la somme totale de 47'509,51 euros en réparation des préjudices faisant suite à l'accident qu'elle a subi le 16 octobre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la caisse territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le préjudice d'agrément doit être réparé à hauteur de 5 000 euros ;

- le préjudice lié aux dépenses de santé actuelles s'élève à 860,77 euros ;

- le préjudice lié aux frais divers s'élève à 2 819,04 euros ;

- le préjudice de perte de gains professionnels s'élève à 3 957 euros ;

- le préjudice d'incidence professionnelle s'élève à 25 000 euros ;

- le préjudice lié aux frais de véhicule adapté s'élève à 9 872,7 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2024, la caisse territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin, représentée par Me Gattoufi conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à la limitation substantielle de l'indemnisation accordée ;

3°) à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'expertise médicale est irrégulière ;

- la réalité des préjudices allégués n'est pas démontrée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vincent Bureau,

- et les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 octobre 2015, un différend est survenu dans l'enceinte de l'école Hervé Williams à Saint-Martin entre la directrice d'accueil périscolaire de la caisse territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin (CTOS) et Mme C..., grand-mère d'une enfant inscrite aux activités de la CTOS, à l'issue duquel la directrice d'accueil périscolaire a fermé la porte de l'établissement sur le poignet gauche de Mme C.... Mme C... a, par la suite, été placée en arrêt maladie du 16 octobre 2015 au 1er septembre 2017 pour contusion du poignet gauche chez une gauchère. Le 23 février 2016, un arthroscanner du côté gauche a permis de diagnostiquer une rupture complète du ligament interosseux scapho-lunaire de son poignet gauche, qui a été opérée le 19 mars 2016. Mme C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de prescrire une expertise aux fins de déterminer les conséquences de l'accident dont elle a été victime le 16 octobre 2015. Par une ordonnance du 6 février 2019, le juge des référés a désigné le professeur D... pour réaliser cette expertise. Ce dernier a remis son rapport le 13 février 2020. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner la CTOS de Saint-Martin à lui verser, après déduction des débours de la caisse d'assurance maladie, la somme totale de 77 728,10 euros en réparation des préjudices faisant suite à l'accident qu'elle a subi le 16 octobre 2015. Mme C... relève appel du jugement 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a condamné la caisse territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin à lui verser la somme de 18 602,43 euros et demande à la cour de porter son indemnisation à la somme totale de 47'509,51 euros.

Sur la régularité de l'expertise :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 621-3 du code de justice administrative : " Le greffier en chef ou, au Conseil d'Etat, le secrétaire du contentieux notifie dans les dix jours à l'expert ou aux experts la décision qui les commet et fixe l'objet de leur mission. Il annexe à celle-ci la formule du serment que le ou les experts prêteront par écrit et déposeront au greffe dans les trois jours pour être joint au dossier de l'affaire. (...) ".

3. La circonstance que la formule de serment aurait été produite tardivement par l'expert est sans incidence sur la régularité de l'expertise.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 621-2 du code de justice administrative : " (...) Lorsqu'il apparaît à un expert qu'il est nécessaire de faire appel au concours d'un ou plusieurs sapiteurs pour l'éclairer sur un point particulier, il doit préalablement solliciter l'autorisation du président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou, au Conseil d'Etat, du président de la section du contentieux. La décision est insusceptible de recours. ".

5. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que l'expert ait fait appel au concours d'un sapiteur sans l'autorisation du président du tribunal administratif. La circonstance que l'expert se soit approprié l'avis du chirurgien de Mme C... exprimé dans un certificat du 12 février 2020 n'a pas eu pour effet de désigner ce dernier comme sapiteur.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 621-2 du code de justice administrative : " (...) Il fixe également le délai dans lequel l'expert sera tenu de déposer son rapport au greffe. (...) ".

7. La circonstance que l'expert ait remis son rapport avec huit mois de retard par rapport au délai qui lui avait été assigné est sans incidence sur la régularité de l'expertise.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : " L'expert garantit le caractère contradictoire des opérations d'expertise./ Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée./ Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport./ L'expert recueille et consigne les observations des parties sur les constatations auxquelles il procède et les conclusions qu'il envisage d'en tirer. Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour produire leurs observations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui lui sont transmises après l'expiration de ce délai. ".

9. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.

10. En l'espèce, l'expert s'est fondé sur une pièce médicale, à savoir un certificat médical établi le 12 février 2020 par le chirurgien ayant opéré Mme C..., sans avoir préalablement communiqué ce certificat à la CTOS de Saint-Martin. Le principe du contradictoire a ainsi été méconnu, ce qui entache l'expertise d'irrégularité, mais ne fait pas obstacle à sa prise en compte par le juge en ce qui concerne les éléments de fait non contestés et les éléments d'information corroborés par d'autres pièces du dossier qu'elle contient.

Sur les préjudices :

11. Par le jugement attaqué, le tribunal a alloué à Mme C... une somme de 556, 50 euros au titre des dépenses de santé, une somme de 182,43 euros au titre des frais divers, une somme de 689 euros au titre de l'assistance par tierce personne, une somme de 2 500 euros au titre du préjudice d'incidence professionnelle, les sommes de 1 000 euros et de 955 euros au titre des préjudices esthétiques temporaire et permanent, une somme de 4 000 euros au titre des souffrances endurées, une somme de 1 015, 50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, une somme de 6 504 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et une somme de 300 euros au titre du préjudice d'agrément. Le tribunal a par ailleurs rejeté les prétentions indemnitaires de la requérante au titre des pertes de gains professionnels passés et à raison de l'achat d'un véhicule adapté. Devant la cour, Mme C... conteste seulement, d'une part, le montant de l'indemnisation qui lui a été accordée au titre des dépenses de santé, des frais divers, du préjudice d'incidence professionnelle et du préjudice d'agrément, d'autre part, le rejet de ses demandes présentées au titre de la perte de gains professionnels passés et des frais de véhicule adapté.

12. En premier lieu, Mme C... justifie avoir payé des compléments d'honoraires au titre des interventions chirurgicales subies au " Centre de la Main " de Baie Mahault pour un montant de 500 euros, ainsi que des frais d'imagerie pour un montant de 56,50 euros. Mme C... fait valoir qu'elle a également supporté personnellement des frais d'hospitalisation pour un total de 158,54 euros ainsi que des frais d'ostéopathie pour un montant de 60 euros. Toutefois, les seules pièces qu'elles produit à l'appui de ses prétentions consistent en une lettre de relance de la direction générale des finances publiques datée du 1er février 2016 et l'invitant à régler la somme de 45,60 euros au titre de son hospitalisation, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée aurait effectivement payé cette somme, et une facture de séance d'ostéopathie le 26 décembre 2016 d'un montant de 55 euros qui ne mentionne pas la zone du corps traitée. Il y a lieu, en revanche, de lui accorder l'indemnisation des frais de pharmacie, exposés le 17 octobre 2015, soit le lendemain de son accident, pour une attelle et de la pommade pour les contusions, pour un montant de 85,73 euros. Par suite, l'indemnisation allouée par le tribunal à Mme C... au titre des dépenses de santé doit être portée à la somme de 642,23 euros.

13. En deuxième lieu, s'agissant des frais divers, le tribunal a accordé les seuls frais de déplacement correspondant aux billets d'avion pris au nom de Mme C... entre Saint Martin et la Guadeloupe les 22 et 29 février 2016, pour des montants respectifs de 57,93 euros et 124,50 euros, pour un rendez-vous avec son chirurgien orthopédique, le docteur B..., en Guadeloupe le 24 février 2016. Mme C... fait valoir qu'elle a également supporté personnellement 2 000 euros de frais d'expertise judiciaire, 719,88 euros de frais d'avion, 38 euros de frais de parking à l'aéroport, 50,96 euros de frais d'hôtel et 10,20 euros de frais de location de couverts à la clinique des Eaux Claires. Toutefois, les frais d'expertise ont été mis à la charge de la CTOS de Saint-Martin au titre des dépens par le tribunal administratif. Par ailleurs, Mme C... ne démontre pas en quoi la présence de sa petite-fille lui était nécessaire lors de ses déplacements en Guadeloupe, ni pour quel motif, en lien avec son dommage, elle a effectué un second trajet aller-retour entre la Guadeloupe et Saint-Martin les 12 et 14 juillet 2017. Elle ne démontre pas davantage le lien entre son accident et les frais d'hôtel à Saint-Martin datés du 12 juillet 2017. Par ailleurs, la facture de frais de parking à l'aéroport étant illisible, cette pièce ne permet pas de justifier d'un lien entre les frais y afférents et l'accident en cause. Il y a lieu, en revanche, d'accorder à Mme C... l'indemnisation des frais de location de couverts exposés lors de son hospitalisation en 2016 à la clinique des Eaux Claires, pour un montant de 10,20 euros. Par suite, l'indemnisation allouée par le tribunal à Mme C... au titre des frais divers doit être portée à la somme de 192,63 euros.

14. En troisième lieu, Mme C... n'apportant aucun élément nouveau en appel sur le préjudice de perte de gains professionnels, il y a lieu de rejeter les prétentions indemnitaires de la requérante par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges au point 10 de leur jugement.

15. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que la requérante présente des douleurs séquellaires au poignet gauche. Toutefois, l'expert a relevé qu'elle était apte à la reprise de son activité professionnelle de professeure d'éducation physique et sportive, et l'intéressée n'établit pas avoir effectué une reconversion professionnelle. Les premiers juges ont ainsi fait une évaluation suffisante du préjudice d'incidence professionnelle subi par Mme C..., lequel tient à une pénibilité accrue dans l'exercice de son activité professionnelle, en lui allouant à ce titre une somme de 2 500 euros.

16. En cinquième lieu, si Mme C... sollicite une indemnité au titre du surcoût lié à l'aménagement de son véhicule avec une boîte automatique, il n'est pas établi que les douleurs séquellaires qu'elle conserve nécessiteraient l'adaptation de son véhicule, et il ne résulte au demeurant pas de l'instruction que le véhicule acquis en 2018 serait doté d'une boîte automatique.

17. En dernier lieu, si les douleurs séquellaires présentées par Mme C... ont pour effet de limiter sa pratique de certaines activités sportives, il n'est pas établi qu'elle aurait été conduite, à raison de ses douleurs, à interrompre définitivement l'exercice d'activités sportives antérieurement pratiquées. Dès lors, les premiers juges ont fait une évaluation suffisante du préjudice d'agrément subi par Mme C... en lui allouant à ce titre une somme de 300 euros.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander que la somme que la CTOS de Saint-Martin a été condamnée à lui verser en réparation de ses préjudices soit portée au montant de 18 698,36 euros, ainsi que, dans cette seule mesure, la réformation du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

20. La présente instance n'a pas donné lieu à des dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de Mme C... présentées sur ce fondement ne peuvent donc qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que la caisse territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin a été condamnée à verser à Mme C... est portée à 18 698,36 euros.

Article 2 : Le jugement n° 2100085 du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Saint Martin est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la caisse territoriale des œuvres scolaires de Saint-Martin.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

M. Vincent Bureau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

La présidente,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe et au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 23BX00229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00229
Date de la décision : 14/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : GATTOUFI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-14;23bx00229 ?
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