Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés du 21 juillet 2024 par lesquels la préfète de l'Oise, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2402978, 2402979 du 5 août 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Haji Kasem, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète de l'Oise du 21 juillet 2024 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivé ;
- l'administration a procédé à un examen insuffisant de sa situation personnelle ;
- la préfète de l'Oise a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté portant assignation de résidence est privé de base légale du fait de l'illégalité de celui portant obligation de quitter le territoire français.
La requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiqués à la préfète de l'Oise qui n'a pas produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant péruvien né le 1er juillet 1995, entré en France le 29 juillet 2022, a fait l'objet de deux arrêtés en date du 21 juillet 2024 par lesquels la préfète de l'Oise, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et d'autre part, l'a assigné à résidence. Il relève appel du jugement du 5 août 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté du 21 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté par adoption des motifs retenus au point 5 du jugement contesté du 5 août 2024.
3. En deuxième lieu, la préfète de l'Oise a procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. B..., notamment au regard de sa transition de genre, cette circonstance ayant notamment motivé l'abrogation de son placement en rétention administrative et l'édiction en lieu et place d'une assignation à résidence. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". L'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire sans enfant, réside depuis moins de deux années sur le territoire national. S'il a vécu une brève relation avec un ressortissant français, celle-ci s'est terminée par des actes de violence ayant justifié le placement en garde à vue du requérant. Celui-ci n'est en outre pas dépourvu d'attaches familiales au Pérou où réside l'essentiel de sa famille. Dans ces conditions et quand bien même l'appelant suit un traitement médical de transition de genre, sa situation personnelle et familiale n'est pas de nature à justifier l'attribution d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, en prononçant à l'encontre de M. B... la mesure d'éloignement contestée, la préfète de l'Oise n'a pas méconnu le principe rappelé au point précédent, ni, en tout état de cause, les dispositions qui y sont mentionnées.
6. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 5, l'obligation de quitter le territoire français litigieuse n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'appelant une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. La préfète de l'Oise n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. B... fait état de craintes en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son orientation sexuelle et de sa transition de genre et produit un rapport de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 mars 2022 sur la situation des minorités sexuelles et de genre au Pérou. Ce rapport indique qu'en dépit d'avancées législatives en faveur des minorités sexuelles et de genre, les autorités de ce pays n'ont pas posé de cadre juridique concret pour la protection de ces personnes qui sont victimes de discrimination quotidiennes. M. B... produit en outre des messages d'insultes adressées à sa mère, en relation avec son orientation sexuelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces de la procédure judiciaire, que l'appelant, qui au demeurant n'a pas sollicité le bénéfice de l'asile, avait l'intention de se rendre au Pérou au cours du mois de décembre 2024 et avait acheté à cette fin un billet d'avion. Par ailleurs, les éléments produits par l'intéressé ne permettent pas de démontrer qu'il serait personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En dernier lieu, les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas fondés, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 21 juillet 2024 portant assignation à résidence devrait être annulé par voie de conséquence ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et à Me Haji Kasem.
Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A. Vigor
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01832