Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser une somme de 895 501 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge par le service des urgences de l'hôpital Tenon à Paris le 26 décembre 2001, d'autre part, d'assortir cette somme des intérêts à compter de sa demande indemnitaire préalable du 11 octobre 2013.
Par un jugement n°1407186/6-3 du 4 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2015, des pièces complémentaires enregistrées le 27 juin 2016 et 30 mars 2017 et un mémoire récapitulatif enregistré le 7 mars 2017, Mme D..., représentée par Me Mor, demande la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1407186/6-3 du 4 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris et la décision du 10 mars 2014 de l'AP-HP de rejet de sa demande préalable ;
2°) de condamner l'AP-HP à lui verser une somme de 882 164 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge par le service des urgences de l'hôpital Tenon à Paris le 26 décembre 2001 et d'assortir cette somme des intérêts à compter de sa demande indemnitaire préalable du 11 octobre 2013 et des intérêts des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'une dénaturation du rapport d'expertise ;
- la responsabilité du service public hospitalier est engagée pour la défaillance de sa prise en charge psychiatrique et le défaut de mise en place d'une surveillance adéquate à son état ;
- il n'y a pas lieu de retenir une perte de chance dès lors qu'il est certain que le dommage ne se serait pas produit si la prise en charge avait été adéquate ;
- les dépenses de santé correspondant à la créance de la caisse de sécurité sociale s'élèvent à 215 395,68 euros ;
- les frais d'assistance par une tierce personne à raison de 5 heures par semaine doivent être évalués à la somme capitalisée de 249 340 euros ;
- les frais d'acquisition et de renouvellement d'un véhicule adapté et de formation à l'examen du permis de conduire s'élèvent à une somme de 168 395 euros ;
- les pertes de revenus s'élèvent à la somme de 41 929 euros pour la période 2001 à 2005 et pour l'avenir à la somme capitalisée de 170 214,89 euros correspondant à la pension d'invalidité versée par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) ;
- l'incidence professionnelle liée à son licenciement en 2008 et à son statut de travailleur handicapé (AIPP 25%) qui limite ses évolutions de carrière, devra être réparée par l'allocation d'une somme de 50 000 euros ;
- les frais divers correspondant à l'assistance à laquelle elle a eu recours dans le cadre des opérations d'expertise seront remboursés par une somme de 1 000 euros ;
- les troubles dans les conditions d'existence correspondant aux périodes d'hospitalisation entre le 26 décembre 2001 et le 30 janvier 2004, soit 766 jours, et à la période d'adaptation après son retour à domicile, doivent être indemnisés à hauteur de 25 000 euros ;
- les souffrances endurées, évaluées à 5,5/7 au plan orthoptique et 1/7 au plan psychique, doivent être indemnisées par l'allocation d'une somme de 70 000 euros ;
- son incapacité permanente partielle de près de 30 % doit être indemnisée à hauteur de 100 000 euros ;
- son préjudice esthétique temporaire doit être réparé par une somme de 15 000 euros et le préjudice esthétique permanent par une somme de 5 000 euros, soit un total de 20 000 euros :
- le préjudice sexuel s'élève à la somme de 50 000 euros ;
- le préjudice d'agrément s'élève à la somme de 30 000 euros ;
- elle subit un préjudice d'établissement qui doit être évalué à la somme de 75 000 euros ;
- la créance de la CRAMIF, eu égard à la nature de la rente d'invalidité, ne s'impute que sur les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle, à l'exclusion des postes de préjudices personnels.
Par des mémoires enregistrés le 14 septembre 2015, 17 février 2017, 6 mars 2017 et le 14 décembre 2017, la CRAMIF, représentée par MeA..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a écarté la responsabilité de l'AP-HP et rejeté ses demandes, à ce que la Cour condamne l'AP-HP à lui rembourser les arrérages échus de la pension d'invalidité de deuxième catégorie qu'elle a versés à Mme D...du 27 décembre 2004 au 30 novembre 2017, soit 78 008,34 euros, ainsi que les arrérages à échoir du 1er février 2017 jusqu'à la date de substitution de la rente par une pension de retraite versée par la CNAV, sauf pour l'AP-HP à lui verser un capital représentatif évalué à 115 033,10 euros, à ce que ces sommes soient assorties des intérêts légaux à compter de la première demande de la CRAMIF pour les arrérages échus et à compter de chaque échéance pour les arrérages postérieurs, à ce que la Cour impute en priorité la créance de la CRAMIF sur les pertes de gains professionnels futurs évalués à 82 082,36 euros et sur l'incidence professionnelle évaluée à 50 000 euros, et pour l'éventuel reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent évalué à 100 000 euros, à ce que la Cour condamne l'AP-HP au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion revalorisée en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et au versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L . 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle s'associe aux conclusions de la requête tendant à voir reconnaître la responsabilité de l'AP-HP dans les préjudices de MmeD....
Par un mémoire, enregistré le 7 mars 2016, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val d'Oise, représentée par MeE..., conclut à l'annulation du jugement attaqué et de la décision de l'AP-HP de rejet du 10 mars 2014, à la condamnation de l'AP-HP à lui rembourser le montant des prestations servies à Mme D...soit 247 851,70 euros avec intérêts au taux légal, à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion revalorisée, ainsi qu'au versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L .761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle s'associe aux conclusions de la requête tendant à voir reconnaître la responsabilité de l'AP-HP dans les préjudices de MmeD....
Par un mémoire en défense enregistré le 26 janvier 2017, l'AP-HP, représentée par Me Tsoudéros, conclut au rejet de la requête ainsi que des conclusions de la CRAMIF et de la CPAM du Val d'Oise et, subsidiairement, à ce que la Cour ne retienne qu'une indemnisation de la perte de chance et ramène le montant des demandes de Mme D...à de plus justes proportions.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu l'ordonnance du 2 juillet 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a liquidé les frais et honoraires d'expertise à la somme de 2 375 euros et les a mis à la charge de Mme D....
Vu :
- le code de la santé publique,
- le code de la sécurité sociale,
- l'arrêté du 20 décembre 2017 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeB...,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- et les observations de Me Mor, avocat, pour MmeD..., et Me Tsoudéros, avocat, pour l'AP-HP.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., alors âgée de 27 ans, a été prise en charge le 26 décembre 2001 à 13 h 41 par les pompiers de Paris alertés par des passants qui avaient vu l'intéressée enjamber la balustrade d'un pont de Paris. Conduite aux services des urgences de l'hôpital Tenon en proie à " un délire de persécution et d'idées suicidaires ", Mme D...s'est vue administrer un narcoleptique avant que ne soit envisagée son hospitalisation psychiatrique sous contrainte compte tenu de son opposition aux soins. Dans l'attente de son transfert à l'hôpital Rémy de Gourmont, l'intéressée a fait l'objet d'une mesure de contention sur un brancard. Elle est alors parvenue à se défaire de ses liens, mais rattrapée par le personnel de l'hôpital, elle a fait l'objet d'une nouvelle mesure de contention. A 21 h 10, MmeD..., qui était de nouveau parvenue à se dégager de ses liens, a été retrouvée au pied du bâtiment des urgences après s'être jetée dans le vide à partir d'un escalier extérieur. Elle a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Paris qui a désigné le docteur Mahé, psychiatre, aux fins de réaliser une expertise et le docteur Laigneau, chirurgien, comme sapiteur. Les experts ont déposé leur rapport le 26 juin 2009. Mme D...relève appel du jugement du 4 juin 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui verser une somme de 895 501 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge par le service des urgences de l'hôpital Tenon à Paris le 26 décembre 2001.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".
3. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que Mme D...a été retrouvée le 26 décembre 2001 à 21 h 10 au pied du bâtiment des urgences de l'hôpital Tenon après avoir chuté du 2ème ou 3ème étage de ce bâtiment alors que, vue pour la dernière fois par le personnel hospitalier quarante minutes auparavant, elle attendait, maintenue par des liens de contention sur un brancard, d'être transférée dans un autre établissement pour une hospitalisation psychiatrique. Un tel accident, alors que MmeD..., ainsi qu'il a été dit, était parvenue une première fois à se libérer de la contention, que le risque suicidaire était clairement identifié révèle, eu égard aux précautions qu'imposaient l'état et le comportement de l'intéressée, une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service, consistant en l'absence de pose de liens de contention efficaces et une insuffisante surveillance, de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le service n'ait pas été spécialisé en psychiatrie dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, le risque suicidaire était patent. Il en résulte que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.
4. Il résulte également de l'instruction que la faute ainsi commise est à l'origine directe de la défenestration de Mme D...et des préjudices qui en résultent pour cette dernière. Il n'y a dès lors, contrairement à ce que soutient l'AP-HP, pas lieu de retenir à son égard que la faute ne serait à l'origine que d'une perte de chance d'éviter le dommage qui s'est réalisé.
Sur les préjudices de Mme D...:
5. Il résulte de l'instruction que la chute a entraîné une fracture ouverte du coude gauche, une fracture-luxation complexe ouverte du poignet droit, une fracture luxation des deux cotyles, une pneumothorax gauche, une dissection de l'artère rénale gauche et une plaie au front. Mme D... a subi de nombreuses interventions chirurgicales et une longue rééducation des quatre membres, impliquant de multiples hospitalisations entre le 26 décembre 2001 et le 30 janvier 2004.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant de la perte de gains professionnels :
6. Il résulte de l'instruction qu'en raison de la faute commise par l'hôpital Tenon, Mme D... a été placée en arrêt de travail à compter du 27 décembre 2001 et n'a repris son travail qu'en septembre 2005, à mi-temps thérapeutique jusqu'en juin 2006, au sein de la société SFR dans laquelle elle travaillait précédemment, puis à temps plein jusqu'au 14 août 2008, date de son licenciement. Elle a par la suite travaillé à temps plein pour la société Proachat du 3 novembre 2008 au 30 décembre 2009. Elle bénéficie d'un emploi réservé au sein de la société EDF depuis le 7 décembre 2010 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminé à temps plein pour un salaire de 1 708,18 euros mensuels. Il résulte également de l'attestation produite par la CPAM du Val d'Oise que Mme D...a perçu des indemnités journalières de sécurité sociale du 27 décembre 2001 au 6 octobre 2004 pour un montant total de 32 456,12 euros. La caisse primaire d'assurance maladie d'Ile-de-France a versé à Mme D...une pension d'invalidité à compter du 27 décembre 2004 pour un montant annuel de 6 000,40 euros jusqu'au 1er avril 2016, date à laquelle elle a été portée à 7 004,77 euros annuels, pension qui selon Mme D... elle-même, compense depuis sa reprise du travail en septembre 2005, le différentiel salarial subi à la suite de son changement d'emploi. Les pertes de revenus au titre de la période 2002 à 2005, compte tenu du revenu de référence perçu en 2001, soit 20 357 euros, et des avis d'impositions produits par la requérante pour la période concernée, lesquels font état respectivement pour chacune des années concernées de somme de 11 698 euros, 10 895 euros, 11 299 euros et 9 910 euros, s'élèvent pour l'année 2002 à 8 884,56 euros, pour l'année 2003 à 8 720,80 euros, pour l'année 2004 à 9 058 euros et pour l'année 2005 à 9 910 euros, soit une somme totale de 36 573,36 euros.
S'agissant de l'assistance par une tierce personne :
7. Il résulte de l'instruction que le retentissement des séquelles fonctionnelles sur les activités de la vie quotidienne de Mme D...a nécessité depuis son retour à son domicile, le 1er février 2004, l'assistance d'une tierce personne, évaluée par le rapport d'expertise à deux heures par semaine. Depuis cette date jusqu'à celle du présent arrêt, il lui sera alloué de ce chef une somme totale de 20 000 euros. Pour l'avenir, il y a lieu de retenir sur la base d'un coût de 18 euros par heure d'aide non médicalisée, à raison de 2 heures par semaine, une somme annuelle de 2 052 euros par an, soit une somme mensuelle de 171 euros.
S'agissant de l'incidence professionnelle :
8. Mme D...soutient que l'incidence professionnelle du dommage dont elle a été victime s'est traduite par son licenciement en 2008 et des répercussions sur son évolution de carrière lié à son statut de travailleur handicapé. Toutefois, l'expertise précise que ce licenciement est intervenu pour des raisons indépendantes des conséquences orthopédiques de sa chute et que Mme D...a pu reprendre, après l'arrêt de travail lié à cet accident, le même poste de conseillère clientèle dans une société de téléphonie mobile, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Il résulte également de l'instruction que Mme D...a été reconnue travailleuse handicapée à compter de l'année 2010 et occupe depuis lors un emploi réservé. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il sera fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle résultant de la dévalorisation qui découle sur le marché du travail d'une pénibilité accrue des tâches liées aux séquelles de l'accident en allouant à ce titre à Mme D... une somme de 10 000 euros.
S'agissant des frais d'acquisition et de renouvellement d'un véhicule adapté et de formation à l'examen du permis de conduire :
9. Mme D...demande que lui soient remboursés les frais d'acquisition et de renouvellement d'un véhicule adapté et de formation à l'examen du permis de conduire, pour une somme de 168 395 euros. Toutefois, elle n'établit pas que les séquelles de sa chute rendraient ces frais indispensables dès lors que l'expert a noté qu'elle se rendait à son travail en utilisant les transports en commun pour lesquels elle bénéficie d'une carte de priorité par décision de la Maison départementale des personnes handicapées et qu'elle marche sans canne et sans boiterie. Cette demande doit par suite être rejetée.
S'agissant des frais divers :
10. Si Mme D...demande que lui soient remboursés les frais d'un montant de 1 000 euros correspondant à l'assistance à laquelle elle a eu recours dans le cadre des opérations d'expertise, elle ne produit aucun justificatif à l'appui de cette demande qui ne peut en conséquence qu'être rejetée.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
11. Il résulte de l'instruction que, préalablement à la date de consolidation fixée au 6 octobre 2004 par l'expert, Mme D...a subi un déficit fonctionnel temporaire total pour la période allant du 26 décembre 2001 au 4 février 2004 puis partiel, au taux de 50%, du 5 février au 6 octobre 2004. Il y a lieu d'allouer à la requérante la somme totale de 11 600 euros au titre de ce chef de préjudice.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
12. Il résulte de l'instruction que Mme D...reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 26 % par l'expert. Compte tenu de ce taux et de l'âge de la requérante, née le 3 février 1973, à la date de la consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la requérante en fixant le montant de sa réparation à la somme de 50 000 euros.
S'agissant des douleurs endurées :
13. Il résulte de l'instruction que Mme D...a enduré des douleurs évaluées par l'expert à hauteur de 5,5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme de 20 000 euros.
S'agissant du préjudice esthétique :
14. Il résulte de l'instruction que Mme D...a subi un préjudice esthétique temporaire et subit un préjudice esthétique permanent évalué par l'expert à 3,5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en accordant à Mme D...de ce chef une somme de 5 000 euros.
S'agissant du préjudice sexuel :
15. Il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel, retenu par l'expert, en allouant à Mme D...de ce chef une somme de 5 000 euros.
S'agissant du préjudice d'agrément :
16. Le préjudice d'agrément allégué n'est établi par aucune pièce justificative et la demande présentée à ce titre ne peut en conséquence, qu'être rejetée.
S'agissant du préjudice d'établissement :
17. Si Mme D...soutient qu'elle subit un préjudice d'établissement qui doit être évalué à la somme de 75 000 euros, il n'est pas établi par les pièces du dossier que les séquelles de sa chute lui interdiraient d'envisager de fonder une famille. Les conclusions aux fins d'indemnisation de ce chef de préjudice doivent, en conséquence, être rejetées.
18. Il résulte de tout ce qui précède que l'AP-HP devra verser à Mme D...une somme totale de 158 173,36 euros, ainsi qu'une somme mensuelle de 171 euros.
19. Mme D...a droit, sur la somme de 158 173,36 euros qui lui est due, aux intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2013, date de sa réclamation préalable d'indemnité adressée à l'AP-HP, ainsi qu'à la capitalisation des intérêts à compter du 11 octobre 2014 et à chaque date anniversaire de cette dernière date.
Sur les droits de la CRAMIF d'Ile-de-France :
20. Aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme ". Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité.
21. Il résulte de l'instruction que la CRAMIF d'Ile-de-France a attribué à compter du 27 décembre 2004 à Mme D...une pension d'invalidité de deuxième catégorie, d'un montant annuel de 6 000,40 euros jusqu'au 1er avril 2016, date à laquelle cette somme a été portée à 7 004,77 euros annuels. Selon l'état des créances produites aux débats, qui ne sont pas contestées, la CRAMIF a droit, au titre des arrérages de la pension d'invalidité qu'elle a servie à Mme D... depuis sa date d'entrée en jouissance jusqu'au 30 novembre 2017, à la somme de 78 008,34 euros. En outre, le capital représentatif des arrérages à échoir jusqu'à la date de la substitution d'une pension de retraite servie par la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) s'élève, selon la CRAMIF dont l'évaluation n'est pas davantage contestée, à la somme de 115 033,10 euros. Par suite, il y a lieu de condamner l'AP-HP au versement d'une somme de 193 041,44 euros à la CRAMIF. Cette somme portera intérêts à compter du 16 juillet 2014, date d'enregistrement du premier mémoire de la caisse tendant au remboursement de ses débours.
22. En vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident peut demander une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie, dont le montant est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu par la caisse, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Il y a lieu d'allouer à la CRAMIF d'Ile-de-France la somme de 1066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur les droits de la CPAM du Val d'Oise :
23. La CPAM du Val d'Oise justifie des débours exposés à hauteur de la somme de 247 851,70 euros, qui se décompose en 215 395,58 euros au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, de transports et d'hospitalisation du 26 décembre 2001 au 30 janvier 2004 et en 32 456,12 euros au titre des indemnités journalières versées du 27 décembre 2001 au 6 octobre 2004. Il y a lieu de faire droit à sa demande en mettant à la charge de l'AP-HP la somme de 247 851,70 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 19 septembre 2014, date d'enregistrement du premier mémoire de la caisse tendant au remboursement de ses débours.
24. En vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident peut demander une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie, dont le montant est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu par la caisse, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Il y a lieu d'allouer à la CPAM du Val d'Oise la somme de 1066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur les frais d'expertise :
25. En conséquence de ce qui précède, les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 375 euros par ordonnance du 2 juillet 2009 sont mis à la charge définitive de l'AP-HP.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
26. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'AP-HP, le versement de la somme de 2 000 euros à MmeD..., de 1500 euros à la CRAMIF d'Ile-de-France et de 1 500 euros à la CPAM du Val d'Oise, au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1407186/6-3 du 4 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'AP-HP versera à Mme D...la somme de 158 173,36 euros avec intérêt au taux légal à compter du 11 octobre 2013 et intérêts des intérêts, ainsi qu'une somme mensuelle de 171 euros.
Article 3 : L'AP-HP versera à la CRAMIF d'Ile-de-France la somme de 193 041,44 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 16 juillet 2014 et intérêts des intérêts et la somme de 1 066 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 4 : L'AP-HP versera à la CPAM du Val d'Oise la somme de 247 851,70 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 19 septembre 2014 et intérêts des intérêts et la somme de 1 066 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 5 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 375 euros sont mis à la charge de l'AP-HP.
Article 6 : En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'AP-HP versera à Mme D...une somme de 2 000 euros, à la CRAMIF d'Ile-de-France une somme de 1500 euros et à la CPAM du Val d'Oise une somme de 1 500 euros.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- MmeB..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 18 janvier 2018.
La rapporteure,
M. B...Le président,
J. LAPOUZADE Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15PA02855