Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Ecleo a demandé au tribunal administratif de Paris :
1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat les frais d'instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2001553 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril et 10 mai 2022, la SAS Ecleo, représentée par Me Morazin, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001553 du 1er mars 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais d'instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- concernant la minoration de TVA collectée d'un montant de 112 232 euros, si dans le cadrage effectué par l'administration fiscale, il reste un solde d'encaissement à déclarer de 561 157 euros, correspondant à la différence entre les encaissements clients, y compris ceux provenant des factures d'affacturage confiées à HSBC Factoring et les encaissements déclarés sur les déclarations CA3, ce cadrage ne permet pas de déterminer les encaissements perçus par la société HSBC Factoring sur les créances cédées et par suite la date d'exigibilité des créances détenues par cette société ; par ailleurs, si la TVA déclarée devait se révéler insuffisante, il convient de prendre en compte la TVA déclarée et payée au cours de l'exercice 2017 ;
- concernant la majoration de la TVA déductible d'un montant de 237 739 euros, si le service considère que le solde de TVA déductible ne correspond pas à un crédit de TVA déductible mentionné dans les déclarations CA3, ce crédit de 39 261 euros n'apparaît pas sur la déclaration CA3 déposée en janvier 2015 au titre de la TVA due au mois de décembre 2014 et l'administration fiscale ne démontre pas que la société a imputé un report de TVA déductible sur la période vérifiée. Au demeurant, le redressement de la société Altezia ne comprend pas une déduction retardée symétrique et, par ailleurs, le service a accepté une décharge de TVA pour un montant de 37 711 euros prouvant que la société n'a pas procédé à une déduction au cours de la période vérifiée ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors qu'elle n'a pas cherché à dissimuler la déduction anticipée de la TVA mais s'est mise dans une démarche de régularisation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2022, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête de la SAS Ecleo ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamdi,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Ecleo, qui exerce une activité de conseil en technologies, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Par une proposition de rectification du 31 juillet 2018, le service lui a notifié des rappels de TVA, à hauteur de la somme de 112 232 euros concernant une minoration de TVA collectée, de la somme de 275 450 euros concernant une majoration de TVA déductible, et a annulé le crédit de taxe de 3 904 euros figurant à la clôture de l'exercice 2016. Lors de l'interlocution départementale du 14 décembre 2018, l'administration fiscale a prononcé un abandon à hauteur de la somme de 37 711 euros, ramenant le rappel de TVA concernant la majoration de TVA déductible à la somme de 237 739 euros. La SAS Ecleo relève régulièrement appel du jugement du 1er mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de TVA auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la minoration de TVA collectée :
2. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. / En cas d'escompte d'effet de commerce ou de transmission de créance, l'exigibilité intervient respectivement à la date du paiement de l'effet par le client ou à celle du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la société Ecleo a, pendant la période vérifiée, utilisé pour partie de ses créances sur ses clients, l'affacturage par la société HSBC Factoring. La société fait valoir que les seuls encaissements perçus durant l'exercice 2016 ne permettent pas de déterminer les encaissements perçus par la société HSBC Factoring sur les créances cédées et que le cadrage TVA ne permet donc pas de déterminer le montant total de la TVA due. Toutefois ce cadrage a été fixé de manière contradictoire et le rapprochement par le service, entre la TVA brute déclarée mensuellement par la société et la taxe devenue exigible dans les écritures comptables de celle-ci et chez le factor, en application du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts précité, auprès duquel elle a exercé son droit de communication, a fait apparaître une insuffisance de TVA collectée de 112 232 euros au titre de l'année 2016, laquelle a d'ailleurs été portée en comptabilité par la société au crédit du compte " TVA collectée à régulariser " au 31 décembre 2016. Il résulte en outre de l'instruction que la SAS Ecleo n'avait pas mouvementé le compte client correspondant aux factures cédées au factor. Par suite, le rappel tel qu'il a été déterminé ainsi à bon droit par l'administration ne peut qu'être confirmé, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de ce qu'il conviendra de tenir compte de l'insuffisance de déclaration au cours de l'année 2016 au regard de la TVA déclarée et payée au cours de l'exercice 2017, dès lors que cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé des rappels en cause. Au surplus, la société n'établit pas avoir déposé une déclaration rectificative pour l'année 2016 alors qu'une telle déclaration est nécessaire quand l'omission est supérieure à 4 000 euros.
En ce qui concerne la majoration de TVA déductible :
4. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a reconstitué mensuellement, au titre de 2015 et 2016, le montant de TVA déductible, correspondant aux règlements effectués auprès des fournisseurs, entraînant un rappel de TVA déduite par anticipation correspondant à la différence entre la taxe relative au montant non réglé des factures des fournisseurs figurant au crédit de leurs comptes au 31 décembre 2016, soit 608 525 euros, et le solde débiteur du compte " TVA déductible ", soit la somme de 333 075 euros, déduction faite en outre de la somme dégrevée de 37 711 euros incluse dans le montant de taxe déductible figurant en à nouveau à l'ouverture du bilan de l'exercice 2015 mais correspondant à de la taxe afférente au premier exercice prescrit. La société, qui ne nie pas avoir déduit par anticipation la TVA et n'avoir procédé à aucune régularisation au cours de la période en cause, et supporte la charge de la preuve du caractère erroné du rappel en cause, n'apporte aucune précision permettant de remettre en cause ce calcul.
Sur le bien-fondé des pénalités :
5. Il résulte de ce qui précède que la SAS Ecleo, assujettie à la TVA selon le régime réel normal de déclaration, a substantiellement minoré tant ses déclarations de taxe collectée, en ne procédant sur l'ensemble de la période contrôlée à aucune déclaration des recettes dont l'encaissement avait été confié à un factor, que ses déclarations de taxe déductible, en procédant sur la même période à l'imputation, sur le chiffre d'affaires déclaré, lui-même minoré, d'une taxe déduite par anticipation en l'absence de règlement des fournisseurs. Ce faisant, alors qu'elle avait déjà fait l'objet de rappels au titre d'un précédent contrôle, elle doit être regardée comme ayant sciemment minoré le chiffre d'affaires taxable et majoré le chiffre d'affaires ouvrant droit à déduction, alors que les anomalies ou incohérences comptables révélées par le contrôle (absence d'enregistrement des mouvements avec le factor au compte client ; montants figurant au compte " TVA à régulariser " ; distorsion entre les débits du compte de taxe déductible et les crédits figurant aux comptes de ses fournisseurs) tendent à établir la conscience qu'elle avait des dissimulations de recettes ou des déductions de taxe pratiquées à tort. Par suite, c'est à bon droit que l'administration, qui a retenu ces éléments pour retenir l'existence de manquements délibérés, a appliqué des pénalités pour manquement délibéré sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts aux rappels en litige.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ecleo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge, ainsi que celles, au surplus non chiffrées, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Ecleo est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Ecleo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Île-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 5 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère président,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Hamdi, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 avril 2024.
La rapporteure,
S. HAMDILe président,
S. CARRERELa greffière,
C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22PA01961