Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300315 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juillet 2023 et le 14 octobre 2023, M. C..., représenté par Me Nakache-Haarfi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans, ou à titre subsidiaire, valable un an, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dès la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français émanent d'un signataire incompétent ;
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles sont entachées d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- elles méconnaissent les stipulations combinées du 2) et du dernier alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elles sont entachées d'erreur de fait tenant à ce que le préfet a retenu à tort l'absence de communauté de vie avec sa compagne ;
- elles méconnaissent les stipulations du 1) et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de la menace à l'ordre public qu'il représente et de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 3° et du 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en fait ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 14 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- et les observations de Me Nakache-Haarfi, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 25 juillet 1992, déclare être entré en France le 16 mai 2012. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par les instances compétentes le 6 juin 2013. Il a ensuite bénéficié d'un certificat de résidence en raison de son mariage avec une ressortissante française, délivré le 13 mai 2019 et renouvelé jusqu'au 21 mars 2022. Le 14 mars 2022, M. C... a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence en qualité de conjoint de ressortissant français. Par un arrêté du 16 décembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... demande à la cour d'annuler le jugement du 7 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'un tel arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Aux termes de l'article 7 bis du même accord : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) ".
3. Il résulte des termes de ces stipulations que, si l'octroi et le renouvellement du certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " délivré de plein droit au ressortissant algérien marié avec un ressortissant de nationalité française sont subordonnés à l'existence de ce lien conjugal, seul le premier renouvellement d'un tel certificat est soumis à la condition d'une communauté de vie effective entre les époux. Toutefois, lorsqu'il est établi que ce premier renouvellement a été obtenu par fraude, notamment en raison de la dissimulation délibérée d'une rupture de la vie commune, le préfet peut légalement le retirer.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est marié avec Mme B..., ressortissante française, le 28 avril 2018, et a bénéficié d'un certificat de résidence en sa qualité de conjoint de français à compter du 13 mai 2019, renouvelé jusqu'au 21 mars 2022. Pour refuser de renouveler son droit au séjour et de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans, le préfet de la Haute-Garonne a estimé que la communauté de vie des époux avait cessé, en se fondant sur l'avis défavorable rendu par les services de gendarmerie nationale au terme de leur enquête réalisée le 30 mai 2022. Cet avis est motivé principalement par une impression subjective des enquêteurs quant au peu d'intérêt mutuel porté par les deux époux, ainsi que par un épisode antérieur de séparation au cours duquel l'épouse de M. C... a fait appel aux forces de l'ordre. Il ressort toutefois du rapport d'enquête que la visite domiciliaire a permis de constater la présence d'effets personnels des deux époux dans l'appartement ainsi que le partage d'une chambre conjugale. Mme B... a indiqué faire des sorties avec son époux. Cette dernière a également rédigé une attestation du 27 juin 2023, produite par le requérant, dans laquelle elle affirme vivre avec son époux et indique que l'épisode de séparation n'a été que temporaire. Il ressort d'ailleurs des différents courriers adressés aux deux époux et produits par M. C... que le couple, pour lequel aucune procédure de divorce n'est engagée, réside toujours à la même adresse. Enfin, M. C... produit divers justificatifs relatifs au parcours de procréation médicalement assistée dans lequel s'est engagé le couple qui, bien que postérieurs à l'arrêté attaqué, sont de nature à conforter l'absence de rupture de la communauté de vie du couple à la date de son édiction. Dans ces conditions, et à supposer même que le préfet ait pu légalement rechercher si la communauté de vie entre les époux était toujours effective à l'occasion d'un second renouvellement du certificat de résidence, M. C... est fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne a, en considérant que la communauté de vie entre les époux s'était interrompue, commis une erreur de fait et méconnu en tout état de cause les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Haute-Garonne délivre à M. C... un certificat de résidence valable dix ans. Il y a lieu de lui enjoindre à procéder à cette délivrance dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300315 du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 décembre 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. C... un certificat de résidence valable dix ans dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
A. BarthezLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01636