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08/01/2025 | FRANCE | N°23LY00868

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 08 janvier 2025, 23LY00868


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



La SCP Jean-Jacques Deslorieux a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire l'a mise en demeure de respecter les prescriptions de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement dans un délai de trois mois à compter de sa notification.



Par un jugement n° 2100800 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.





Procédure devant la cour



Par une requête, enregistré le 9 mars 2023, la SCP Jean-Jacques Deslorieux, représentée par Me Guigue, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCP Jean-Jacques Deslorieux a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire l'a mise en demeure de respecter les prescriptions de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement dans un délai de trois mois à compter de sa notification.

Par un jugement n° 2100800 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistré le 9 mars 2023, la SCP Jean-Jacques Deslorieux, représentée par Me Guigue, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2021 susvisé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- l'activité de la société SFAR, dont elle est le mandataire judiciaire, a été maintenue jusqu'au jugement de cession du 7 octobre 2016 puis a été reprise par la société Allioss par un acte de cession du 22 décembre 2016 ; par suite, faute de cessation de l'activité, le préfet ne pouvait la mettre en demeure de respecter les prescriptions de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement ;

- en tant que liquidateur judiciaire, elle ne peut plus être considérée comme devant remplir les obligations du dernier exploitant ;

- cet arrêté est en outre tardif dès lors que l'acte de cession mettant en œuvre le jugement du tribunal de commerce a été signé le 22 décembre 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 10 avril 2024 a fixé la clôture de l'instruction en dernier lieu au 2 mai 2024.

La procédure a été communiquée à la société Allioss SAS, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bereyziat, représentant la SCP Jean-Jacques Deslorieux.

Considérant ce qui suit :

1. La société SFAR a été autorisée, par arrêté préfectoral du 13 octobre 2008, à exploiter un atelier lourd de travail mécanique des métaux et alliages, d'application de peinture et de revêtement métallique par pulvérisation, ainsi que recuit de métaux et alliages. Elle a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde prononcée par un jugement du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône du 19 mai 2016. Par un jugement du 30 juin 2016, la société SFAR a été placée en redressement judiciaire puis, par un jugement du 16 septembre 2016, en liquidation judiciaire avec autorisation de maintenir l'activité jusqu'au 15 octobre 2016 et désignation de la SCP Jean-Jacques Deslorieux en qualité de liquidateur judiciaire. Un plan de cession a par la suite été arrêté par jugement du tribunal de commerce du 7 octobre 2016 au profit de la société Allioss SAS. A la suite d'une visite de l'inspecteur des installations classées ayant constaté que les activités exercées par la société SFAR avaient cessé, le préfet de Saône-et-Loire a, par un arrêté du 26 janvier 2021 pris en application de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, mis en demeure la SCP Jean-Jacques Deslorieux, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société SFAR, de se mettre en conformité avec les prescriptions de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement, dans un délai de trois mois à compter de sa notification. La SCP Jean-Jacques Deslorieux relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il appartient au juge du contentieux de pleine juridiction des installations classées pour la protection de l'environnement de se prononcer sur l'étendue des droits et obligations accordés aux exploitants ou mises à leur charge par l'autorité administrative compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle ce juge statue.

3. Aux termes de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement dans sa version applicable à la date du présent arrêt : " I. Lorsqu'il initie une cessation d'activité telle que définie à l'article R. 512-75-1, l'exploitant notifie au préfet la date d'arrêt définitif des installations trois mois au moins avant celle-ci, ainsi que la liste des terrains concernés. (...) ". L'article R. 512-75-1 de ce code, créé par le décret du 19 août 2021, dispose : " I.-La cessation d'activité est un ensemble d'opérations administratives et techniques effectuées par l'exploitant d'une ou plusieurs installations classées pour la protection de l'environnement afin de continuer à garantir les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et, le cas échéant, à l'article L. 211-1, lorsqu'il n'exerce plus les activités justifiant le classement de ces installations au titre de la nomenclature définie à l'article R. 511-9 sur une ou plusieurs parties d'un même site. / La cessation d'activité se compose des opérations suivantes : / 1° La mise à l'arrêt définitif ; / 2° La mise en sécurité ; / 3° Si nécessaire, la détermination de l'usage futur selon les modalités prévues aux articles R. 512-39-2, R. 512-46-26 et R. 512-66-1 ; / 4° La réhabilitation ou remise en état. / (...) ". Aux termes de l'article L. 171-6 du même code : " Lorsqu'un agent chargé du contrôle établit à l'adresse de l'autorité administrative compétente un rapport faisant état de faits contraires aux prescriptions applicables, en vertu du présent code, à une installation, un ouvrage, des travaux, un aménagement, une opération, un objet, un dispositif ou une activité, il en remet une copie à l'intéressé qui peut faire part de ses observations à l'autorité administrative ". Aux termes du I de l'article L. 171-8 du même code : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement (...) ".

4. Le préfet, saisi du rapport par lequel l'inspecteur des installations classées a constaté, selon la procédure requise par le code de l'environnement, l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions, dans un délai déterminé, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée.

5. En premier lieu, il ressort du rapport de la visite d'inspection réalisée le 15 octobre 2020 par un inspecteur des installations classées pour la protection de l'environnement, que ce dernier a constaté que les activités qui étaient autorisées par l'arrêté préfectoral du 13 octobre 2008 et exercées par la société SFAR avaient cessé à cette date, et que certaines machines et installations se trouvaient toujours dans les ateliers, dans un état d'abandon. Il a également relevé que plusieurs autres sociétés s'étaient installées dans les bâtiments, à savoir la société GCA Supply et la société Sotralentz Construction. L'inspecteur en a conclu que l'exploitant, la société SFAR, n'avait pas respecté les obligations découlant des dispositions de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement relatif à l'arrêt définitif et à la mise en sécurité d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation. Ces constatations matérielles ne sont pas utilement contestées par la SCP Jean-Jacques Deslorieux qui se borne à soutenir que l'activité de la société SFAR, dont elle est le mandataire judiciaire, a été juridiquement maintenue jusqu'au jugement de cession du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône du 7 octobre 2016 et que l'activité a été reprise à compter du 15 octobre suivant par la société Allioss SAS. La requérante n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à démontrer que cette dernière société aurait matériellement continué à exercer l'activité autorisée. Il est en outre constant que la procédure de notification de cessation d'activité par l'exploitant visée à l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement n'a pas été respectée et que la société cessionnaire n'a pas procédé à une déclaration de transfert d'autorisation en application de l'article R. 181-47 du même code. Par suite, en vertu des dispositions précitées, le préfet de Saône-et-Loire était tenu d'édicter la mise en demeure litigieuse de respecter les dispositions de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement.

6. En deuxième lieu, l'obligation de remise en état du site pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant-droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant-droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant. Il incombe ainsi à l'exploitant d'une installation classée, à son ayant-droit ou à celui qui s'est substitué à lui, de mettre en œuvre les mesures permettant la remise en état du site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement. L'autorité administrative peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et, en cas de défaillance de celles-ci, y faire procéder d'office et à leurs frais, en tenant compte, le cas échéant, d'exploitations ultérieures sur le même site par d'autres personnes.

7. En outre, il résulte des dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce qu'à compter de la date du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens et que " les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ". Le débiteur peut accomplir les actes et exercer les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur judiciaire. Ainsi, lorsque les biens du débiteur comprennent une installation classée pour la protection de l'environnement dont celui-ci est l'exploitant, il appartient au liquidateur judiciaire, qui en assure l'administration, de veiller au respect des obligations découlant de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.

8. Ainsi que les premiers juges l'ont relevé à bon droit, l'acte de cession du 22 décembre 2016 revendiqué par la requérante, par lequel la société Allioss SAS a acquis de la société SFAR, à la suite du jugement du 16 octobre 2016, l'activité d'usinage, chaudronnerie, mécanosoudure, construction métallique, en ce incluses les autorisations administratives relatives à cette activité, n'est pas opposable à l'administration. Ainsi qu'il a été par ailleurs rappelé au point 5, aucun transfert de l'autorisation initialement délivrée à la société SFAR n'a été déclaré par la société cessionnaire auprès des services préfectoraux en application de l'article R. 181-47 du code de l'environnement. Il résulte des principes énoncés aux points 6 et 7 qu'en l'espèce, dès lors que la société SFAR est le dernier exploitant de l'installation, il appartient à la société requérante, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SFAR, de veiller au respect des obligations découlant de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. Il en résulte que la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait être destinataire de l'arrêté en litige, ni que l'envoi de la mise en demeure serait tardif.

9. En dernier lieu, il résulte des principes énoncés au point 4 que le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral contesté serait insuffisamment motivé en droit est inopérant dès lors que le préfet était en situation de compétence liée pour édicter la décision en litige. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que la SCP Jean-Jacques Deslorieux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à la SCP Jean-Jacques Deslorieux au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCP Jean-Jacques Deslorieux est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile professionnelle Jean-Jacques Deslorieux, liquidateur judiciaire de la société SFAR et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée à la société Allioss SAS.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025.

La rapporteure,

Vanessa Rémy-NérisLa présidente,

Emilie Felmy

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

2

N° 23LY00868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00868
Date de la décision : 08/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : PERBET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-08;23ly00868 ?
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