Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société BetF Conseil a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Domerat au paiement de la somme de 12 000 euros toutes taxes comprises (TTC) en règlement du marché de service conclu le 17 octobre 2013, outre les intérêts moratoires et l'indemnité de recouvrement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement.
Par jugement n°1901463 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par requête et mémoire enregistrés le 26 mars 2022 et le 18 novembre 2022, la société BetF Conseil, représentée par Me Pinel-Botton, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 février 2022 ;
2°) de condamner la commune de Domerat à lui régler les sommes de 1 333,95 euros HT soit 1 600,74 euros TTC correspondant à la facture émise le 21 septembre 2017 et de 8 666,05 euros HT soit 10 399,26 euros TTC correspondant à la facture émise le 20 février 2018, outre les intérêts moratoires et frais de recouvrement ;
3°) d'enjoindre à la commune de verser les sommes dues dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune de Domerat à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance qu'elle a été condamnée à lui verser en première instance ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Domerat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne permet pas de comprendre pourquoi les premiers juges ont considéré que la commune a respecté les stipulations contractuelles du marché ;
- contrairement à ce qu'a affirmé le tribunal, la commune n'a pas réglé la deuxième facture du 21 septembre 2017 d'un montant de 1 600,74 euros TTC émise à la suite du dégrèvement d'un montant de 8 893 euros prononcé par la DGFIP sur la réclamation de la commune de Domerat en matière de TVA ;
- elle est fondée à demander le paiement des deux factures en litige en application des stipulations contractuelles du marché, notamment la décomposition globale et forfaitaire du prix en phase 2 de la prestation, lesquelles ne subordonnent pas le paiement de la part variable à l'acceptation et à la mise en œuvre effective des recommandations par la commune mais seulement à la livraison de recommandations ; la commune ne peut se prévaloir de ce qu'aucune de ses préconisations n'a été mise en œuvre pour échapper au règlement des deux factures en cause, ce qui est au demeurant inexact s'agissant de la facture d'un montant de 1 600,74 euros TTC, laquelle a été émise à la suite d'un dégrèvement prononcé par la DGFIP ; la seconde facture d'un montant de 10 399,26 euros TTC correspond au solde du marché et intervient en conséquence des recommandations formulées pour générer une économie annuelle comprise en 16 000 et 20 000 euros sur les budgets du CCAS entre les années 2013 à 2017 ;
- elle est fondée à demander le paiement des intérêts moratoires suivant la formule montant dû TTC x (nombre de jours de retard /365) x 8 % ainsi que l'indemnité de 40 euros prévue par le décret du 29 mars 2013 ;
- elle demande le remboursement des frais irrépétibles d'un montant de 1 500 euros versés en exécution du jugement du tribunal, outre les frais d'instance d'appel.
Par mémoire enregistré le 17 mai 2022, la commune de Domerat représentée par la Selarl DMMJB Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la société BetF Conseil lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance est tardive, la saisine du tribunal étant intervenue dix-huit mois après son refus implicite opposé à la demande de la société requérante du règlement des sommes dues, soit au-delà du délai raisonnable d'un an, alors même que les voies et délais de recours n'auraient pas été portés à la connaissance du demandeur ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés
Par ordonnance du 6 décembre 2022, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre suivant.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil,
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,
- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Juilles pour la commune de Domerat ;
Considérant ce qui suit :
1. La société BetF Conseil relève appel du jugement du 3 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Domérat à lui régler la somme de 12 000 euros toutes taxes comprises (TTC) correspondant au paiement de deux factures émises le 21 septembre 2017 et le 20 février 2018 et portant règlement définitif d'un marché de conseils conclu avec la commune, outre les intérêts moratoires et l'indemnité de recouvrement.
Sur la régularité du jugement :
2. En estimant que faute de mise en œuvre des préconisations de la société requérante, le paiement des deux factures en litige n'était pas fondé le tribunal a répondu au moyen de la société BetF Conseil tiré de ce que le refus de payer procède d'une interprétation erronée des stipulations contractuelles de la part de la commune. Il n'a pas entaché son jugement d'un défaut de motivation et le moyen tiré de l'irrégularité de celui-ci doit donc être écarté.
Sur le fond du litige :
3. Il résulte de l'instruction que la commune de Domérat a conclu, le 17 octobre 2013, avec la société BetF Conseil un marché à prix global forfaitaire d'un montant plafond de 15 000 euros HT. Suivant l'article 2 de l'acte d'engagement, l'objet du marché porte sur une mission de conseil relative au régime fiscal de la commune. Le prestataire devait réaliser un audit de l'application des régimes TVA et FCTVA sur l'ensemble des services avant la fin de l'année 2013, puis une assistance à la mise en œuvre des préconisations de l'audit auprès des administrations de l'Etat, dans la mesure où la commune décidait d'y donner suite.
4. Par ailleurs, il ressort du bordereau de prix du marché que l'audit était rémunéré à prix ferme et forfaitaire de 5 000 euros HT et que pour la seconde phase, le prestataire devait percevoir une rémunération égale à 15 % de l'économie ou des remboursements HT procurés à la commune de Domérat grâce aux préconisations de l'audit pendant 24 mois, " chaque recommandation mise en œuvre [étant] considérée comme objet d'une commande ".
5. La première phase a été facturée à la collectivité le 23 décembre 2013 conformément aux stipulations contractuelles et celle-ci en a honoré le paiement. La commune de Domérat a toutefois refusé de régler deux factures émises le 21 septembre 2017 et le 20 février 2018 d'un montant global de 12 000 euros TTC au motif qu'elle n'a pas mis en œuvre les préconisations proposées par la société requérante dans la seconde phase du marché, dès lors que, pour percevoir le dégrèvement accordé par l'Etat, le 7 aout 2017, elle devait opter pour l'assujettissement de son budget principal à la TVA et que ce régime présentait peu d'avantages au regard de ses contraintes.
En ce qui concerne la facture émise le 20 février 2018 :
6. La société requérante soutient qu'elle a livré des recommandations à la commune permettant un gain potentiel de 80 000 euros sur la période 2013 à 2017 au titre d'une optimisation fiscale de la TVA sur les opérations afférentes au budget du CCAS. Si les préconisations de la société BetF Conseil se sont traduites par une demande de dégrèvement de la part de la commune pour le budget du CCAS, il résulte toutefois de l'instruction que cette demande a fait l'objet d'un refus de la part de la direction générale des finances publiques par décision du 7 août 2017. Dans ces conditions, faute d'économie ou de remboursement procuré à la collectivité par la mise en œuvre de la préconisation y afférente, le prestataire ne peut prétendre à aucune rémunération. La société BetF Conseil n'est ainsi pas fondée à demander le paiement de la facture émise le 20 février 2018 d'un montant de 8 666, 05 euros HT soit 10 399,26 euros TTC.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Domerat à la demande de première instance, que la société BetF Conseil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Domerat à lui payer la somme de 10 399,26 euros TTC. Les conclusions de sa requête présentée aux mêmes fins doivent être rejetées.
En ce qui concerne la facture émise le 21 septembre 2017 :
8. Il résulte de l'instruction que la commune de Domérat, tirant les conséquences de l'audit, a présenté, avec l'assistance de son prestataire, une demande de dégrèvement à l'administration fiscale à laquelle a fait droit la direction générale des finances publiques, le 7 août 2017, à hauteur de 8 893 euros au titre des exercices 2011 et 2012 du budget principal. Ce faisant, elle a effectué une commande au sens des stipulations analysées au point 4 et cette commande s'est traduite par un remboursement devant donner lieu à rétrocession de 15 % à titre de rémunération contractuelle. Par suite, la société BetF Conseil est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande de paiement de la facture émise le 21 septembre 2017 d'un montant de 1333,95 euros HT correspondant à 15 % du montant HT du remboursement consenti par les services fiscaux.
9. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la fin de non-recevoir opposée devant le tribunal par la commune de Domérat à la demande de paiement présentée par la société BetF Conseil.
10. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification (...) de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. / Les mesures prises pour l'exécution d'un contrat ne constituent pas des décisions au sens du présent article ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code, dans sa rédaction applicable : " (...) dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
11. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux litiges relatifs au règlement financier d'un marché. La prise en compte de l'objectif de sécurité juridique, qui implique notamment que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée, à défaut de stipulation contractuelle invoquée par les parties, par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances les personnes publiques.
12. Le présent litige portant sur le règlement financier d'un marché, la commune de Domerat ne peut utilement se prévaloir des dispositions citées au point 3 et n'est ainsi pas fondée à soutenir que la saisine du tribunal par la société BetF Conseil était tardive au motif qu'elle serait intervenue dix-huit mois, soit au-delà du délai raisonnable d'un an, après le refus implicite opposé à la demande de celle-ci au règlement de la facture émise le 21 septembre 2017.
13. Il résulte de ce qui précède que la société BetF Conseil est fondée à demander la condamnation de la commune de Domerat à lui verser la somme de 1 333,95 euros HT, soit 1 600,74 euros TTC et la réformation du jugement attaqué à cette hauteur. En revanche, les dispositions de l'article L. 911-9 du code de justice administrative, qui permettent au bénéficiaire d'obtenir l'exécution forcée d'une condamnation pécuniaire, font obstacle à ce que cette condamnation soit assortie d'une astreinte. Il suit de là que les conclusions de la société BetF Conseil présentées à cette fin doivent être rejetées.
En ce qui concerne les intérêts légaux et l'indemnité forfaitaire de recouvrement :
14. En premier lieu, aux termes de l'article 98 du code des marchés publics qui renvoie au décret n° 2013-269 du 29 mars 2013, applicable faute de stipulations particulières au marché en litige : " Le délai de paiement (...) est fixé à trente jours pour les pouvoirs adjudicateurs (...) et court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur (...) ". En conséquence, les intérêts fixés par l'article 8 du décret du 29 mars 2013 doivent courir à compter du trente-et-unième jour suivant la notification de la facture émise le 21 septembre 2017. La preuve de première notification de cette facture résulte de la sommation de payer adressée par voie d'huissier à la commune de Domerat, le 21 juin 2018. Dès lors, la condamnation de 1 600,74 euros TTC doit être assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 22 juillet 2018.
15. En second lieu, la société BetF Conseil est fondée à demander le paiement d'une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue par les dispositions alors en vigueur de l'article 9 du décret du 29 mars 2013, pour la facture émise le 21 septembre 2017 dont elle était fondée à poursuivre le recouvrement.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société BetF Conseil, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la commune de Domerat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Domerat, partie perdante pour l'essentiel, la somme de 1 500 euros, à verser à la société BetF Conseil au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La commune de Domerat est condamnée à verser à la société BetF Conseil la somme de 1 600,74 euros TTC, assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 22 juillet 2018 et de 40 euros d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement pour la facture émise le 21 septembre 2017.
Article 2 : La commune de Domerat versera à la société BetF Conseil la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement n° 1901463 du 3 février 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société BetF Conseil et à la commune de Domérat.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbaretaz, président,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
La rapporteure,
Ch. Psilakis
Le président,
Ph. Arbarétaz
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au le ministre de la transition écologique et de de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
2
N° 22LY00918