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31/01/2025 | FRANCE | N°23NT01100

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 31 janvier 2025, 23NT01100


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel le maire de Pornic a délivré à M. et Mme C... D... un permis de construire modificatif pour la création, sur une terrasse, d'un bûcher en lieu et place d'un garde-corps.



Par une ordonnance n° 2216446 du 17 février 2023, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du

code de justice administrative, la demande de Mme B... comme étant manifestement irrecevable.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2022 par lequel le maire de Pornic a délivré à M. et Mme C... D... un permis de construire modificatif pour la création, sur une terrasse, d'un bûcher en lieu et place d'un garde-corps.

Par une ordonnance n° 2216446 du 17 février 2023, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de Mme B... comme étant manifestement irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 avril 2023 et 4 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Pucheu, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2022 du maire de Pornic ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pornic une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière ; elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité à contester le permis de construire modificatif litigieux ;

- la notice architecturale n'est pas complète, en méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ; elle n'est pas détaillée et n'identifie pas les abords du terrain d'assiette du projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2023, la commune de Pornic conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme B... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité à contester le permis de construire modificatif litigieux ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 28 février et 6 août 2024 (ce dernier non communiqué), M. et Mme C... D..., représentés par la SELARL Pallier Bardoul et Associés, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,

- et les observations de Me Pucheu, représentant Mme B..., de Me Hauuy, représentant la commune de Pornic et de Me Turpin, représentant M. et Mme C... D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 octobre 2014, prorogé le 20 septembre 2016 et modifié par un arrêté du 1er juin 2017, la commune de Pornic a délivré à M. et Mme C... D... un permis de construire en vue de l'extension, par la création d'une surface de plancher de 144 m², d'une construction à usage d'habitation, portant ainsi la surface de plancher à 436 m², sur un terrain situé 46, rue Jean Courot à Pornic, cadastré à la section DH sous le n° 53, d'une contenance de 1 430 m². Par un arrêté du 19 octobre 2022, le maire de Pornic a délivré à M. et Mme C... D... un permis de construire modificatif portant création, sur la terrasse du 1er étage de leur maison d'habitation, d'un bûcher en lieu et place du garde-corps initialement prévu. Mme B..., propriétaire de la parcelle bâtie cadastrée à la section DH sous le n° 254, d'une contenance de 476 m², qui jouxte le terrain d'assiette du projet, relève appel de l'ordonnance du 17 février 2023 par laquelle le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2022 au motif que Mme B... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité à agir contre cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...), les premiers vice-présidents des tribunaux (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) /4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

5. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé.

6. Il est constant que l'arrêté de permis de construire du 27 octobre 2014 délivré à M. et Mme C... D..., ainsi que les arrêtés du 20 septembre 2016 et du 1er juin 2017 portant respectivement prorogation et modification de ce permis n'ont pas été contestés par Mme B.... Il s'ensuit que l'intérêt pour agir de cette dernière contre l'arrêté de permis de construire modificatif du 19 octobre 2022 doit être apprécié au regard des seules modifications apportées par ce permis au projet initialement autorisé par les arrêtés précités. Il est constant que l'arrêté de permis de construire modificatif du 19 octobre 2022 autorise le remplacement du garde-corps vitré en structure acier initialement prévu sur la terrasse du 1er étage de la maison d'habitation de M. et Mme C... D..., au droit de la limite séparative des propriétés respectives de ces derniers et de Mme B..., par un abri à bûches, en structure bois.

7. Dès lors que le terrain d'assiette du projet contesté jouxte la parcelle de Mme B..., celle-ci a la qualité de voisin immédiat du projet. Pour justifier de son intérêt à agir contre le permis de construire modificatif contesté, Mme B... fait état de ce que l'abri à bûches est de nature à réduire les vues dont elle dispose en direction de la mer depuis sa propriété ainsi que les conditions d'ensoleillement de son bien.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'abri litigieux doit être implanté le long du côté ouest de la terrasse du premier étage de l'habitation de M. et Mme C... D..., que la partie la plus haute de la construction atteindra un mètre environ, à une distance d' 1,93 mètre du bord de la terrasse et que le bûcher sera doté d'une toiture en un seul pan, descendant suivant une pente de 20° jusqu'à atteindre le bord de l'acrotère qui longe le côté ouest de la terrasse, au droit de la limite séparative entre les propriétés respectives des pétitionnaires et de la requérante. Compte tenu de l'implantation du bûcher, dissimulé en grande partie par le mur pignon ouest de la maison de M. et Mme C... D..., de sa hauteur très limitée ainsi que de l'orientation et du faible degré de pente de la toiture de cet abri, il n'apparaît pas qu'il affectera les vues dont Mme B... jouit depuis sa propriété, ni qu'il aggravera les conditions d'ensoleillement du bien de cette dernière. Par suite, Mme B... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour contester le permis de construire modificatif du 19 octobre 2022.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Pornic, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... le versement à M. et Mme C... D... la somme de 1000 euros et le versement à la commune de Pornic de la même somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à M. et Mme C... D... et à la commune de Pornic les sommes de 1 000 euros, chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la commune de Pornic et à M. et Mme C... D....

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2025.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. MARCHAND

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01100
Date de la décision : 31/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : PUCHEU JACQUELINE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-31;23nt01100 ?
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