LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 décembre 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 751 F-D
Pourvoi n° G 23-16.774
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 DÉCEMBRE 2024
La société Somatrans Réunion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 23-16.774 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Jirlec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Somatrans Réunion, de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Jirlec, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 7 décembre 2022), depuis l'année 2012, les sociétés Somatrans Réunion et Somatrans ont réalisé le transport ainsi que des opérations de dédouanement et d'entreposage des marchandises importées pour le compte de la société Jirlec.
2. Le 19 mars 2019, la société Somatrans Réunion a assigné la société Jirlec en paiement de la somme de 136 071,86 euros correspondant à des factures datées de juin à octobre 2014.
3. La société Jirlec a opposé la prescription annale prévue à l'article L. 133-6 du code de commerce en soutenant que les factures litigieuses portaient sur des frais accessoires ou complémentaires au contrat de transport. La société Somatrans Réunion a invoqué l'application de la prescription de droit commun au motif que les factures correspondaient à des frais de stockage, d'assurance, de douane, TVA et d'octroi de mer.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société Somatrans Réunion fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en paiement, alors « que, s'il appartient au juge de rétablir la véritable qualification du contrat liant les parties quelle que soit la qualification donnée à l'acte par celles-ci, il ne peut le faire, lorsque devant lui celles-ci ont revendiqué une qualification précise qui ne faisait pas débat entre elles, sans les avoir préalablement invitées à présenter leurs observations sur la qualification qu'il entendait retenir ; qu'en l'espèce la cour d'appel a qualifié le contrat de contrat de commission de transport, qualification qui n'avait été revendiquée par aucune des parties au contrat, qui s'étaient entendues sur la qualification de contrat de transport, sans avoir préalablement invité celles-ci à présenter leurs observations sur cette qualification envisagée et finalement retenue ; que ce faisant, elle a donc violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
6. Pour déclarer prescrite l'action en paiement formée par la société Somatrans Réunion, l'arrêt retient que la société Somatrans ne rapportant pas la preuve d'une convention spéciale distincte prévoyant une prestation indépendante et détachable de l'opération de commission, le contrat en litige doit être requalifié en contrat de commission de transport soumis à la prescription de l'article L. 133-6 du code de commerce.
7. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office tiré de la qualification du contrat liant la société Somatrans Réunion et la société Jirlec comme étant un contrat de commission de transport, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis autrement composée ;
Condamne la société Jirlec aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Jirlec et la condamne à payer à la société Somatrans Réunion la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Sezer, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.