Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions refusant sa préinscription en première année de master de droit privé et de master de droit social de l'université Sorbonne Paris Nord au titre de l'année universitaire 2019/2020 et refusant de l'autoriser à présenter sa candidature au titre de l'année universitaire suivante pour une admission dans ces mêmes masters. Par un jugement n° 2102269 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif a annulé les décisions des 4 et 12 novembre 2020 ainsi que la décision du 30 novembre 2020 en tant qu'elle rejette le recours gracieux formulé à l'encontre de ces mêmes décisions, enjoint à l'université Sorbonne Paris Nord d'autoriser Mme B... à déposer sa candidature en première année de master de droit privé et de master de droit social au titre de l'année universitaire 2021/2022 et ce, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par une ordonnance n° 23PA01659 du 26 janvier 2023, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, donné acte du désistement de Mme B....
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 2 octobre 2023 et les 2 janvier et 12 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à la SCP Gury et Maitre, son avocat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Gury et Maître, avocat de Mme B... et à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de l'université Sorbonne Paris Nord ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 30 novembre 2020, le président de l'université Sorbonne Paris Nord a rejeté le recours gracieux formé par Mme A... B... contre, d'une part, la décision du 25 septembre 2020 par laquelle le vice-président de la commission de la formation et de la vie universitaire de cet établissement a rejeté sa demande tendant à l'annulation de son inscription en première année de master de droit privé et de master de droit social au titre de l'année universitaire 2019/2020, d'autre part, les " décisions " par lesquelles le responsable du service des études et de la vie étudiante et de la scolarité de ce même établissement lui a indiqué qu'il n'était pas possible de l'inscrire pour l'année 2020/2021 dès lors que, d'une part, son inscription pour l'année 2019/2020 n'ayant pas été annulée, elle était encore redevable des frais d'inscription au titre de cette année universitaire, d'autre part, elle n'avait pas d'autorisation d'inscription pour l'année universitaire 2020/2021. Par un jugement du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé, sur demande de Mme B..., ces " décisions " en tant qu'elles lui refusent l'autorisation de se porter candidate à une inscription en première année de master pour l'année universitaire 2020/2021, enjoint à l'université de l'autoriser à déposer sa candidature en première année de master de droit privé et de master de droit social au titre de l'année universitaire 2021/2022 et rejeté le surplus de ses conclusions. Mme B... a formé un appel contre ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Par une ordonnance du 26 janvier 2023, contre laquelle Mme B... se pourvoit en cassation, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, donné acte du désistement de Mme B....
2. D'une part, aux termes de l'article R. 612-5 du code de justice administrative : " Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi (...), il est réputé s'être désisté ". Il en résulte que lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel choisit d'adresser une mise en demeure, ce tribunal ou cette cour doit, à condition que l'intéressé ait annoncé expressément la production d'un mémoire complémentaire, qu'il ait reçu la mise en demeure prévue, qu'elle lui laisse un délai suffisant pour y répondre et l'informe des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai, constater le désistement d'office du requérant si celui-ci ne produit pas le mémoire complémentaire à l'expiration du délai fixé.
3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative : " Toute juridiction peut adresser par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, à une partie ou à un mandataire qui y est inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-8-6 du même code : " Les parties sont réputées avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été adressé par voie électronique, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles ".
4. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, que, par une décision du 15 décembre 2022, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel a mis en demeure Me Kanté, avocat de Mme B..., désigné au titre de l'aide juridictionnelle, dans l'instance n° 23PA01659 qui l'opposait à l'université Sorbonne Paris Nord, de produire, dans un délai d'un mois, le mémoire complémentaire expressément annoncé dans le mémoire introductif de l'appel formé par Mme B... contre le jugement du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil, d'autre part, que le 22 décembre 2022 a été communiqué, par erreur, à Me Kanté le dossier de première instance relatif à une autre instance, n° 21PA04047, également introduite par Mme B... à l'encontre de cette université mais dans laquelle il ne la représentait pas, qu'enfin, Me Kanté, qui avait pris connaissance de la mise en demeure le 22 décembre 2022, a produit, le 23 janvier 2023, soit dans le délai imparti par la mise en demeure, un mémoire complémentaire en l'enregistrant, sur la plateforme Télérecours, sous le numéro d'enregistrement correspondant à l'autre instance, soit le n° 21PA04047, opposant Mme B... à l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis, pour laquelle le dossier de procédure lui avait été communiqué ainsi qu'il vient d'être dit. Dans ces circonstances très particulières, en jugeant que Mme B... était réputée s'être désistée de sa requête d'appel dans l'instance l'opposant à l'université Sorbonne Paris Nord, au motif qu'elle n'avait pas produit son mémoire complémentaire dans le délai imparti par la mise en demeure, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a entaché son ordonnance d'irrégularité.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 26 janvier 2023 du président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris qu'elle attaque. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui, n'ayant pas été partie en appel et n'ayant été appelé en la cause devant le Conseil d'Etat que pour produire des observations, n'est pas partie à la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 26 janvier 2023 du président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme B... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à l'université Sorbonne Paris Nord.