Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 26 janvier 2023 le plaçant à la retraite d'office et de l'arrêté du 16 mars 2023 rejetant son recours hiérarchique, et d'enjoindre au Président du Sénat de le réintégrer provisoirement, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de son ordonnance. Par une ordonnance 2309023/5 du 16 mai 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi, enregistré le 26 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Président du Sénat a demandé au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 26 mai et le 11 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Président du Sénat demande au Conseil d'Etat :
1°) de surseoir à l'exécution de cette ordonnance jusqu'à ce qu'il ait été statué sur son pourvoi.
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement intérieur du Sénat ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat du Sénat et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ".
2. A l'appui de sa demande tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris suspendant la décision prononçant la mise à la retraite d'office de M. B... et ordonnant sa réintégration à titre provisoire, le Président du Sénat soutient que cette réintégration risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables à raison des troubles au sein des services et pour le fonctionnement du Sénat, d'une part, et du discrédit jeté sur l'institution, d'autre part, qu'elle susciterait, compte tenu de la gravité des manquements déontologiques reprochés à M. B... et de la publicité donnée à ces manquements, de la résonance dans les médias et au sein du Sénat, y compris à l'initiative de l'intéressé, tant de la procédure judiciaire dont il a fait l'objet que de la procédure qu'il a engagée devant le juge administratif, du risque que ces manquements et cette publicité se poursuivent en cas de réintégration provisoire, et de la rupture définitive qui en découle du lien de confiance fondant la relation entre les élus et un agent du Sénat.
3. Toutefois, en premier lieu, il résulte de l'instruction qu'au-delà des échos médiatiques suscités par la situation de M. B... au début de l'année 2023, coïncidant avec l'engagement de la procédure disciplinaire à son encontre, et qui au demeurant font une large place aux éléments ayant justifié l'engagement de cette procédure, cette médiatisation ne s'est pas poursuivie, et ne peut, en tout état de cause, être regardée comme jetant un discrédit difficilement réparable sur l'institution. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la réintégration provisoire de M. B... n'est pas de nature à susciter, s'agissant de la gestion des services du Sénat, de difficulté significative, aucune difficulté de cette nature n'ayant ainsi été observée entre le 1er juin 2022, date de son retour au Sénat, et le 15 février 2023, date d'effet de la mise à la retraite d'office prononcée par la décision suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de Paris. En troisième lieu, il n'est pas établi, en l'état de l'instruction, que M. B... aurait effectivement poursuivi, depuis son retour au Sénat et après sa mise à la retraite d'office, son engagement actif au sein de l'Association d'amitié franco-coréenne, au sein de laquelle il n'exerce plus de responsabilités, et les relations entretenues par le passé avec les membres de la délégation générale de la République populaire de Corée du Nord à Paris. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que le Sénat est en mesure d'affecter M. B..., pour les besoins de sa réintégration provisoire, à des fonctions qui excluent tout risque de compromission d'informations confidentielles ou sensibles, qui limitent les contacts qu'il pourrait avoir directement avec les sénatrices et les sénateurs, et qui ne lui confèrent aucune responsabilité de représentation. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, il n'est pas établi que la réintégration provisoire de M. B... exposerait le Sénat à un risque incompatible avec les exigences s'attachant à l'exercice de ses missions, à son bon fonctionnement et à sa réputation.
4. Il résulte de ce qui précède que l'exécution de l'ordonnance contestée n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, de nature à entraîner, pour le Sénat, des conséquences difficilement réparables. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens de nature à justifier, outre l'annulation de cette ordonnance, l'infirmation de la solution retenue par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, le Sénat n'est pas fondé à demander le sursis à exécution de cette ordonnance.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Sénat la somme de 3 000 euros à verser à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du Président du Sénat est rejetée.
Article 2 : le Sénat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Président du Sénat et à Monsieur A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 13 juillet 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 25 juillet 2023.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
La rapporteure :
Signé : Mme Juliana Nahra
La secrétaire :
Signé : Mme Elisabeth Ravanne