Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 3 janvier 2022 par lequel le président de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées a prononcé sa révocation et d'enjoindre à cette autorité de procéder à sa réintégration.
Par une ordonnance n° 2200142 du 21 février 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu l'exécution de l'arrêté du 3 janvier 2022 et enjoint au président de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées de réintégrer M. B... au sein de l'administration territoriale, jusqu'à la décision à intervenir sur le fond du litige.
Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 8 mars et 6 juillet 2022, la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant au titre de la procédure de référé, de rejeter la demande de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Patrick Pailloux, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le président de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées a, par une décision du 3 janvier 2022, prononcé la révocation de M. B..., assistant d'enseignement artistique principal de première classe, en raison de comportements inappropriés vis-à-vis de plusieurs de ses élèves. La communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 21 février 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code justice administrative, suspendu l'exécution de cette décision et enjoint à son président de réintégrer M. B... au sein de l'administration territoriale.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
4. Il ressort des termes de l'ordonnance attaquée que, pour estimer remplie la condition d'urgence, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a seulement relevé que l'arrêté litigieux a notamment pour effet de priver M. B..., d'une part, de l'emploi d'assistant spécialisé d'enseignement artistique titulaire qu'il exerce au conservatoire de Pau depuis 27 ans et, d'autre part, de près de 30 % de ses ressources financières alors qu'il a des dépenses incompressibles mensuelles, sans rechercher si, compte tenu de l'argumentation présentée en défense par la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées, relative aux troubles que la réintégration de l'intéressé occasionnerait, la suspension demandée était susceptible de porter à des intérêts publics une atteinte de nature à faire regarder la condition d'urgence comme n'étant pas remplie. Son ordonnance est ainsi entachée d'erreur de droit.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme et la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ".
6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Pau a estimé qu'était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 3 janvier 2022 le moyen tiré de ce que cette décision était entachée d'irrégularité au motif que le président de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées se serait estimé à tort en situation de compétence liée par l'avis du conseil de discipline. En retenant ce moyen, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le président de la communauté d'agglomération a procédé à l'examen de la situation de M. B... et que sa décision, en dépit d'une rédaction maladroite, précise que la sanction de révocation a simplement été proposée par le conseil de discipline, ce dont il se déduit qu'il ne s'est pas estimé lié par l'avis du conseil de discipline favorable à la révocation, le juge des référés a dénaturé les faits de l'espèce.
7. En troisième lieu, en estimant que la décision de révocation datée du 3 janvier 2022 n'était pas suffisamment motivée, alors qu'il ressort des termes mêmes de cette décision qu'elle mentionne les raisons de droit et de fait justifiant la sanction, en précisant qu'il est reproché à M. B... un comportement inapproprié à l'égard de plusieurs de ses élèves se caractérisant notamment par des gestes déplacés et des contacts physiques répétés sans lien avec l'enseignement du piano, le juge des référés a dénaturé les faits de l'espèce.
8. Il résulte de ce tout qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
9. Il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. B....
10. Pour demander la suspension de la décision litigieuse, M. B... se prévaut de son insuffisance de motivation, de l'irrégularité de la procédure suivie au motif que l'administration ne lui aurait pas communiqué l'intégralité de son dossier administratif, d'avoir été privé de ses droits à la défense, de l'irrégularité de la consultation du conseil de discipline dès lors qu'il est impossible de déterminer le grade des membres le composant, d'une tenue tardive du conseil de discipline, de la prescription d'une partie des faits qui lui sont reprochés, de l'absence de matérialité des faits qui lui sont reprochés, de ce que son état de santé interdisait d'engager à son encontre une procédure de sanction et de prononcer sa révocation, d'une entente entre les personnes qui l'accusent, du caractère disproportionné de la sanction qui lui a été infligée et d'une erreur de droit dès lors que l'administration s'est estimée à tort liée par l'avis du conseil de discipline. En l'état de l'instruction et eu égard à l'office du juge des référés, aucun de ces moyens n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'urgence, que M. B... n'est pas fondé à demander, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 3 janvier 2022 par lequel le président de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées a prononcé sa révocation et à ce qu'il soit enjoint à cette autorité de procéder à sa réintégration.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 21 février 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Pau est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Pau est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... et par la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat et M. Patrick Pailloux, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 5 mai 2023.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
Le rapporteur :
Signé : M. Patrick Pailloux
La secrétaire :
Signé : Mme Elisabeth Ravanne