Vu le recours du ministre du budget enregistré le 9 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 21 octobre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du 22 septembre 1992 du tribunal administratif de Strasbourg et accordé à la société anonyme "Quartz d'Alsace" la restitution à fin de transfert, à la société "Berger et Cie", sous déduction de la retenue à la source, de l'avoir fiscal attaché aux dividendes qu'elle a versés, au titre des exercices 1983 et 1984, à cette société suisse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le décret n° 67-879 du 13 septembre 1967, publiant la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 en vue d'éviter les doubles impositions, et le décret n° 70-1009 du 26 octobre 1970, publiant l'avenant à cette convention, du 3 décembre 1969 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Auditeur,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de la S.A. "Quartz d'Alsace",
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu du 1° de l'article 158 ter du code général des impôts, le bénéfice de l'avoir fiscal attaché aux dividendes distribués par des sociétés françaises est réservé aux personnes qui ont leur domicile réel ou leur siège social en France ; qu'aux termes, toutefois, du 3° de l'article 11 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, tel que modifiée par l'article 1er de l'avenant à cette convention du 3 décembre 1969 : "Les dividendes payés par une société résidente de France qui donneraient droit à un avoir fiscal s'ils étaient reçus par des résidents de France ouvrent droit au paiement de l'avoir fiscal, après déduction de la retenue à la source calculée au taux de 15% sur le dividende brut constitué par le dividende mis en distribution, augmenté de l'avoir fiscal, lorsqu'ils sont versés à : a) une personne physique qui est un résident de Suisse ; b) une société qui est un résident de Suisse et qui détient moins de 20% du capital de la société distributrice au moment de la distribution" ;
Considérant que, pour juger qu'en vertu de ces stipulations, les dividendes versés, au titre des exercices 1983 et 1984 par la société française "Quartz d'Alsace" à la société suisse "Berger et Cie", ouvraient droit à cette dernière, bien qu'elle détint 54 % du capital de la société distributrice, au bénéfice de l'avoir fiscal, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que la société "Berger et Cie", constituée sous la forme d'une société en commandite et ultérieurement transformée en société en nom collectif, était dépourvue, en droit suisse, de la personnalité morale et devait être regardée comme constituant un groupement de personnes physiques, assimilable à une personne physique, en vertu de l'article 3-1-d) de la convention, selon lequel "le terme 'personne' désigne les personnes physiques, les sociétés et tous autres groupements de personnes" ; qu'en statuant ainsi, alors que le 3° de l'article 11 de la convention ne vise, en son a), que les personnes physiques proprement dites, qui sont résidentes de Suisse et traite, en son b), les cas de l'ensemble des sociétés de Suisse, la cour a fait de ce texte une application erronée ; que, par suite, le ministre du budget est fondé à soutenir que son arrêt doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il est constant que la société suisse "Berger et Cie", détenait plus de 20 % du capital de la société "Quartz d'Alsace" et ne remplissait pas, de ce fait, la condition exigée par le b) du 3°, de l'article 11, modifié, de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, pour bénéficier de l'avoir fiscal attaché aux dividendes qui lui ont été versés par la société "Quartz d'Alsace" ; que cette dernière société n'est, par suite, pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg, qui a rejeté sa demande de "restitution à fin de transfert" de cet avoir fiscal ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la S.A. Quartz d'Alsace la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 21 octobre 1993 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la S.A. "Quartz d'Alsace" devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la S.A. "Quartz d'Alsace" au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la S.A. "Quartz d'Alsace".