Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 21 123 euros en réparation de ses préjudices résultant d'une chute à vélo sur le pont Albert Louppe reliant les communes de Plougastel-Daoulas et du Relecq-Kerhuon (Finistère) ainsi que la somme de 1 500 euros correspondant au montant des frais et honoraires de l'expert judiciaire.
Par un jugement n° 2200300 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 et 22 janvier et le 7 février 2024, M. D..., représenté par Me Dussud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 décembre 2023 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 21 123 euros ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en remboursement des frais et honoraires de l'expert ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le pont est un ouvrage d'art qui appartient à l'Etat ;
- la présence sur la chaussée d'un trou longitudinal atteste du mauvais état de la chaussée, lequel est corroboré tant par les plots qui ont été posés dans la semaine suivant l'accident, que par les travaux réalisés par la suite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2024, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête, qui ne comporte aucune critique du jugement attaqué, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par M. D... ne sont, en outre, pas fondés.
Par un courrier du 5 février 2024 les parties ont été informée en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de ce que le jugement attaqué est susceptible d'être regardé comme irrégulier dès lors que la caisse de sécurité sociale dont relève M. D... n'a pas été mise en cause.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de M. Catroux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 mai 2019 vers 10H30, alors qu'il circulait à vélo dans le cadre d'une sortie du " Locamaria vélo club " (LVC), M. D... a fait une chute sur le pont Albert Louppe reliant les communes de Plougastel-Daoulas et du Relecq-Kerhuon. L'intéressé, qui a notamment souffert d'une fracture du bassin, soutient que son accident est lié à la présence d'un " nid-de-poule " sur la chaussée. Le 10 juin 2020, il a présenté une réclamation préalable auprès de l'Etat (direction départementale des territoires et de la mer). Une expertise médicale a été confiée par le président du tribunal administratif de Rennes au docteur B..., qui a déposé son rapport le 27 décembre 2021. M. D... relève appel du jugement du 5 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme globale de 21 123 euros en réparation de ses préjudices et a laissé les frais et honoraires de l'expert à sa charge.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement (...). ". Il résulte de l'instruction et des mentions du jugement attaqué que la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère-Morbihan n'a pas été mise en cause par le tribunal administratif de Rennes, comme l'imposent ces dispositions. Ce jugement a dès lors été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, et doit, pour ce motif, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. D... tant en première instance qu'en appel, la CPAM du Finistère-Morbihan ayant été régulièrement mise en cause par la cour.
Sur le défaut d'entretien de la chaussée :
4. Les ponts sont au nombre des éléments constitutifs des voies dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage. Il est constant que le pont Albert Louppe permet le franchissement de l'embouchure de l'Élorn dans la rade de Brest par la route nationale 2165. En conséquence, cet ouvrage d'art fait partie du domaine public de l'Etat.
5. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices, et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage qu'il a subi. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
6. Pour établir qu'il a chuté de son vélo en raison de l'existence sur la chaussée d'un " nid-de-poule ", M. D... se prévaut du témoignage de plusieurs autres cyclistes qui empruntaient le pont à ses côtés, et qui mentionnent la présence d'un " gros trou " pour deux d'entre eux et pour un autre d'une " grosse déformation " dans laquelle la roue du vélo de l'intéressé se serait bloquée. Le président du Club LVC se borne quant à lui à décrire les différents circuits proposés le 26 mai 2019, sans apporter aucune précision quant à l'état de la chaussée au niveau du pont. Les quelques photographies des lieux produites par le requérant ne permettent toutefois pas de constater la présence sur cette voie, réservée à la circulation des piétons, des cycles ou des cyclomoteurs, et où la vitesse était limitée à 30 Km/h, d'une excavation qui n'aurait pu être normalement évitée par un usager suffisamment vigilant, et aguerri comme l'intéressé à la pratique du cyclisme. Il suit de là que M. D... n'est pas fondé à soutenir que sa chute aurait pour origine un défaut d'entretien de la route sur laquelle il circulait.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de
non-recevoir opposée par le préfet, que M. D... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat à raison de l'accident dont il a été victime le 26 mai 2019.
Sur les frais et honoraires de l'expert :
8. Les frais et honoraires de l'expertise réalisée par M. B..., liquidés et taxés à la somme de 1 500 euros doivent être laissés à la charge définitive de M. D....
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. D... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère-Morbihan.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Finistère
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2025.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R.MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00104