Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 9 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. B... A... et la société MTAS demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision n° FR 2022-02 S du 9 janvier 2023 par laquelle la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a prononcé à son encontre, ainsi qu'à l'encontre de la société MTAS, plusieurs sanctions disciplinaires, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 824-5, L. 824-8 et L. 824-11 du code de commerce, dans leur version résultant de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. A... et autre et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la Haute autorité de l'audit ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article L. 824-5 du code de commerce, dans sa version résultant de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises : " Le rapporteur général procède à une enquête. Il peut désigner des enquêteurs pour l'assister. / Le rapporteur général et les enquêteurs peuvent à cet effet : / 1° Obtenir du commissaire aux comptes, sans que celui-ci puisse opposer le secret professionnel, tout document ou information, sous quelque forme que ce soit ; ils peuvent en exiger une copie ; / 2° Obtenir de toute personne tout document ou information utile à l'enquête ; ils peuvent en exiger une copie ; / 3° Convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations ; / 4° Accéder aux locaux à usage professionnel ; / 5° Demander à des commissaires aux comptes inscrits sur une liste établie par le Haut conseil après avis de la compagnie nationale des commissaires aux comptes, de procéder à des vérifications ou d'effectuer des actes d'enquête sous leur contrôle ; / 6° Faire appel à des experts. / Toute personne entendue pour les besoins de l'enquête peut se faire assister par un conseil de son choix ". Aux termes de l'article L. 824-8 de ce code, dans sa version résultant de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises : " A l'issue de l'enquête et après avoir entendu la personne intéressée, le rapporteur général établit un rapport d'enquête qu'il adresse au Haut conseil. Lorsque les faits justifient l'engagement d'une procédure de sanction, le Haut conseil délibérant hors la présence des membres de la formation restreinte arrête les griefs qui sont notifiés par le rapporteur général à la personne intéressée. La notification expose les faits passibles de sanction. Elle est accompagnée des principaux éléments susceptibles de fonder les griefs. / La personne intéressée peut consulter le dossier et présenter ses observations. Elle peut se faire assister par un conseil de son choix à toutes les étapes de la procédure. / Le rapporteur général établit un rapport final qu'il adresse à la formation restreinte avec les observations de la personne intéressée ". Aux termes de l'article L. 824-11 du même code, dans sa version résultant de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises : " La formation restreinte convoque la personne poursuivie à une audience qui se tient deux mois au moins après la notification des griefs. / Lorsqu'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité d'un membre de la formation, sa récusation est prononcée à la demande de la personne poursuivie ou du rapporteur général. / L'audience est publique. Toutefois, d'office ou à la demande de la personne intéressée, le président peut interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience dans l'intérêt de l'ordre public ou lorsque la protection des secrets d'affaires ou de tout autre secret protégé par la loi l'exige. / La personne poursuivie peut être assistée ou représentée par le conseil de son choix. / Le président de la compagnie régionale des commissaires aux comptes dont relève la personne poursuivie peut demander à être entendu. / Le président peut décider d'entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile. / Le rapporteur général ou la personne qu'il désigne pour le représenter assiste à l'audience. Il expose ses conclusions oralement. / Il peut proposer une ou plusieurs des sanctions prévues aux articles L. 824-2 et L. 824-3. / La formation restreinte délibère hors la présence des parties et du rapporteur général. Elle peut enjoindre à la personne intéressée de mettre un terme au manquement et de s'abstenir de le réitérer. Elle rend une décision motivée ".
3. Si les requérants soutiennent que les dispositions des articles L. 824-5, L. 824-8 et L. 824-11 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige, méconnaissent les exigences de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elles ne prévoient pas l'obligation de notifier au commissaire aux comptes concerné son droit de se taire, tant dans le cadre de la phase d'enquête menée par le rapporteur général du Haut conseil du commissariat aux comptes que, le cas échéant, après notification des griefs, lors de l'audience devant la formation restreinte de ce Haut conseil, la détermination des règles régissant ces procédures applicables aux commissaires aux comptes ne relève pas du domaine de la loi mais du domaine réglementaire. Par suite, il ne peut être utilement soutenu que les dispositions législatives contestées, faute de prévoir une obligation de notification du droit de se taire, méconnaîtraient les exigences de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... et autre au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... et autre.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., représentant unique et à la Haute autorité de l'audit.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.