Vu la procédure suivante :
La société Les Cars Rouges a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 décembre 2013 par laquelle la directrice de l'exploitation du Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) a refusé d'examiner sa demande de modification de l'autorisation accordée à la ligne touristique n° 211-211-001 qu'elle exploite à Paris. Par un jugement n° 1404777 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15PA04318 du 19 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de la société Les Cars Rouges, d'une part, annulé le jugement n° 1404777 du tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2015, d'autre part, annulé la décision du 6 décembre 2016 de la directrice de l'exploitation du STIF et la décision de rejet du recours gracieux formé contre cette décision, enfin, enjoint au STIF de réexaminer la demande de la société Les Cars Rouges dans un délai de deux mois.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février et 17 mai 2017 et le 14 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des transports d'Ile-de-France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la société Les Cars Rouges la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 ;
- l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 ;
- la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 ;
- le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 ;
- le décret n° 85-891 du 16 août 1985 ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du syndicat des transports d'Ile-de-France, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Les Cars Rouges et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société CSP.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Les Cars Rouges, qui exploite à Paris, depuis 1990, un service d'autobus, a demandé au Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF), par un courrier du 19 novembre 2013, de lui accorder l'autorisation de créer des arrêts supplémentaires ; que, par un courrier du 6 décembre 2013, la directrice de l'exploitation du syndicat lui a indiqué que les lignes en cause, qui étaient des " lignes touristiques ", ne relevaient pas de la compétence du syndicat et que sa demande avait été transmise à la ville de Paris, gestionnaire de la voirie ; que, par un arrêt du 19 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Les Cars Rouges, annulé le jugement du 29 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de cette décision, annulé cette décision et enjoint au STIF de réexaminer la demande dont il avait été saisi ; que le STIF se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Sur l'intervention de la société CSP :
2. Considérant que la société CSP, qui exploite à Paris une activité de transport touristique par autobus, justifie, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien du pourvoi ; que son intervention est, par suite, recevable ;
Sur le pourvoi :
3. Considérant que l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision rendue par une juridiction administrative " contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application " ; que l'arrêt attaqué mentionne le code des transports dans ses visas et reproduit dans ses motifs le texte des dispositions de ce code dont la cour fait application ; que l'arrêt attaqué satisfait ainsi aux dispositions précitées ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1241-1 du code des transports, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Le Syndicat des transports d'Ile-de-France est l'autorité organisatrice des services de transports publics réguliers de personnes dans la région Ile-de-France, y compris des services de transports publics réguliers de personnes fluviaux, sous réserve des pouvoirs dévolus à l'Etat en matière de police de la navigation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1241-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " I.- En tant qu'autorité organisatrice des services de transports publics réguliers de personnes, le Syndicat des transports d'Ile-de-France a, notamment, pour mission de : 1° Fixer les relations à desservir ; / 2° Désigner les exploitants ; / 3° Définir les modalités techniques d'exécution ainsi que les conditions générales d'exploitation et de financement des services ; / 4° Veiller à la cohérence des programmes d'investissement (...) ; / 5° Arrêter la politique tarifaire de manière à obtenir l'utilisation la meilleure, sur le plan économique et social, du système de transports correspondant ; / 6° Concourir aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des personnels et des usagers ; / 7° Favoriser le transport des personnes à mobilité réduite (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1241-5 du même code : " L'exécution des services mentionnés à l'article L. 1241-1 est assurée dans les conditions définies aux articles L. 1221-3 et L. 1221-4. / Ces services sont inscrits au plan régional de transport, établi et tenu à jour par le syndicat, après avis des collectivités et groupements mentionnés à l'article L. 1241-3 dans des conditions définies par voie réglementaire " ; qu'aux termes de l'article L. 3111-14 du même code : " Le syndicat des transports d'Ile-de-France organise les services de transports publics réguliers de personnes et peut organiser des services de transport à la demande conformément aux dispositions des articles L. 1241-1 et L. 1241-2... " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 7 janvier 1959 relatif à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, alors applicable et codifié à compter du 28 mai 2014 à l'article R. 1241-15 du code des transports, les services de transports publics qui relèvent de la compétence du Syndicat des transports d'Ile-de-France sont : " 1° Les services réguliers, qui sont des services offerts à la place dont les itinéraires, les points d'arrêt, les fréquences, les horaires et les tarifs sont fixés et publiés à l'avance ; / 2° Les services publics à la demande de transport routier de personnes (...) ; / 3° Les transports scolaires (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que le syndicat est l'autorité organisatrice des services de transports publics réguliers de personnes dans la région Ile-de-France ; qu'il résulte des dispositions susmentionnées de l'article 1er du décret du 7 janvier 1959, désormais reprises à l'article R. 1241-15 du code des transports, qu'ont le caractère de services de transports publics notamment les services offerts à la place dont les itinéraires, les points d'arrêt, les fréquences, les horaires et les tarifs sont fixés et publiés à l'avance ; que, contrairement à ce que soutient le syndicat, la finalité des services de transports publics de personnes ne figure pas au nombre des critères permettant de les caractériser comme " services publics réguliers " sur lesquels le syndicat exerce les attributions qui lui ont été conférées par la loi ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la ligne d'autobus n° 211-211-01 exploitée par la société Les Cars Rouges propose à tout voyageur, se présentant seul ou en groupe, un service de transport urbain à la place desservant plusieurs sites touristiques de la ville de Paris et permettant aux voyageurs de descendre et de monter librement à n'importe lequel des arrêts de cette ligne et dont l'itinéraire, les arrêts desservis, la fréquence de desserte, les horaires et les tarifs sont fixés et publiés à l'avance ; qu'au demeurant, le Syndicat des transports parisiens devenu Syndicat des transports d'Ile-de-France a procédé le 3 juillet 1990 à l'inscription de cette ligne au plan régional des transports, autorisant ainsi son exploitation puis est intervenu, à deux reprises au moins, dans la fixation des tarifs de cette ligne et en a autorisé les horaires ; que, dès lors, le syndicat n'est pas fondé à soutenir que la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, l'aurait entaché d'erreur de droit en jugeant que cette ligne avait le caractère de service régulier de transport routier public de personnes, dès lors qu'elle remplissait l'ensemble des conditions posées par les dispositions précitées ;
6. Considérant, en second lieu, que le règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et la loi du 21 août 2007 relative au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports routiers n'ont ni pour objet ni pour effet de délimiter les compétences des autorités publiques nationales intervenant dans le domaine des transports publics de voyageurs ; que, dès lors, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance que ces textes excluent de leur champ d'application les transports à vocation touristique n'affecte pas la compétence du syndicat définie par les dispositions précitées ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le STIF n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Les Cars Rouges, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le STIF demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce syndicat une somme de 3 000 euros à verser à la société Les Cars Rouges sur le fondement des mêmes dispositions ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société CSP, qui n'est pas partie à l'instance, la somme demandée par la société Les Cars Rouges sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la société CSP est admise.
Article 2 : Le pourvoi du Syndicat des transports d'Ile-de-France est rejeté.
Article 3 : Le Syndicat des transports d'Ile-de-France versera à la société Les Cars Rouges une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Les Cars Rouges présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des transports d'Ile-de-France, à la société Les Cars Rouges, à la société CSP et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.