Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par ordonnance du 3 février 1979, le juge des référés, saisi par l'Association pour la sauvegarde des anges de Saudemont, l'Association de sauvegarde des sites et monuments du Centre d'Arras et Mme Godefroy, veuve X..., se prétendant toujours propriétaire de deux statues en bois du XIIIe siècle, connues sous l'appellation des " anges de Saudemont ", a ordonné qu'il soit sursis à la vente aux enchères publiques de celles-ci par les époux Z... et les a placées sous séquestre provisoire au musée d'Arras jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur leur propriété ; que les époux Z... ont assigné, en février 1980 les deux associations précitées et Mme X... pour faire constater qu'elles ne justifiaient pas d'un droit de propriété sur les statues et ordonner qu'elles leur soient restituées ; que les époux Z... faisaient valoir qu'ils tenaient leur droit de propriété d'un acte sous seing privé en date du 30 juillet 1950 constituant un contrat commutatif, par lequel Mme X... et M. A... se déclaraient " d'accord pour donner libre propriété d'une chapelle sis à Saudemont à M. B... (Maurice), étant stipulé que le Christ et les anges se trouvant dans la chapelle sont ou doivent être classés par les Beaux-Arts " et qu'ils avaient la possession effective des statues ; qu'en cours de procédure, Mme X... et M. A..., agissant comme co-propriétaires des statues, en ont fait don, par actes notariés des 13 juin et 31 juillet 1980, à la ville d'Arras qui a accepté la donation et est intervenue à l'instance en demandant la levée du séquestre afin que, conformément à la volonté des donateurs, les statues soient exposées dans le musée de cette ville ; que les adversaires des époux Z..., héritiers de Maurice B..., ont soutenu que l'acte du 30 juillet 1950 ne valait pas donation, les conditions de forme prévues à l'article 931 du Code civil n'ayant pas été respectées et que les époux Z... ne pouvaient pas invoquer le bénéfice de l'article 2279 du même Code, leur possession, comme celle de leur auteur, étant précaire et équivoque ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les époux Z... reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir décidé qu'ils ne rapportaient pas la preuve d'un droit de propriété sur les statues et que les consorts Y..., propriétaires de celles-ci, en avaient régulièrement fait donation, aux motifs que la personne qui détenait les statues litigieuses ayant eu son droit de propriété contesté, le juge des référés avait ordonné, le 3 février 1979, que les statues soient confiées à la garde d'un musée public dans l'attente d'une décision définitive et qu'ainsi, depuis cette date, aucune des parties n'était en possession de ces statues, alors, selon le moyen, d'une part, que la remise d'un bien meuble à un séquestre judiciaire n'entraine pas la dépossession de celui auquel ce bien a été retiré et qu'en déduisant que les époux Z..., possesseurs à l'origine des statues, n'avaient plus leur possession en raison de la décision de séquestre, la Cour d'appel a violé l'article 1962 du Code civil et alors, d'autre part, qu'en application des articles 1315, 2230 et 2279 du même Code, la personne qui détient un bien meuble a
titre pour le conserver et qu'il appartient à celui qui conteste le droit du détenteur de prouver que sa possession n'est pas efficace ; qu'en retenant que les époux Z... ne rapportaient pas la preuve de leur droit de propriété, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve ;
Mais attendu que le moyen s'attaque à l'exposé des circonstances de fait dans lesquelles est intervenue la décision de séquestre prise par le juge des référés et à une énonciation par laquelle la Cour d'appel s'est bornée à rappeler que, depuis cette décision, aucune des parties ne détenait matériellement les statues ; d'où il suit que le moyen, qui critique des énonciations sur lesquelles ne se fonde pas l'arrêt attaqué, est totalement inopérant en chacune de ses deux branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi qu'il a été dit, alors, selon le moyen, d'une part, que la Cour d'appel, qui constatait que l'entretien de la chapelle et de son contenu constituait une charge dont l'acte du 30 juillet 1950 dégageait ses rédacteurs, ne pouvait décider que ceux-ci étaient sans intérêt à passer cet acte, de sorte qu'a été violé l'article 1104 - 1er alinéa du Code civil ; alors, d'autre part, que la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en décidant que l'acte susvisé ne comportait pas de contrepartie à la charge de l'acquéreur dès lors qu'elle relevait que cet acte transmettait à celui-ci la charge d'entretenir les biens litigieux, et alors, de troisième part, que le consentement du co-contractant pouvant être tacite et résulter d'actions ou de faits en impliquant l'existence, il s'ensuit qu'en déduisant que les époux Z... ne disposaient pas d'un titre valable du fait que leur auteur n'avait pas signé l'acte, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'un contrat est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait pour elle ; qu'interprétant le sens et la portée de l'acte du 30 juillet 1950, par référence aux termes de la lettre du 4 août suivant " qui explicite la motivation " des consorts Y..., la Cour d'appel a estimé que l'acte litigieux manifestait seulement l'intention de donner - qui ne s'était pas concrétisée faute d'acceptation par son destinataire-et n'était pas un contrat commutatif à titre onéreux, la seule obligation mentionnée étant celle relative à la mutation cadastrale " qui ne constitue pas une véritable charge, mais une obligation administrative, conséquence et non condition du transfert de propriété, le classement de la chapelle et des anges s'y trouvant n'étant pas présenté comme une charge mais comme une éventualité à vérifier " ; qu'ayant également relevé que le coût d'entretien de la chapelle et de son contenu n'avait pas fait l'objet d'une évaluation et que l'intérêt moral qu'auraient pu retirer les consorts Y... de la sauvegarde d'oeuvres d'art d'une valeur et d'une " signification " particulières n'existait pas, puisqu'à l'époque la valeur des statues en tant qu'oeuvres d'art n'était pas connue des parties, c'est à bon droit que la Cour d'appel a dénié à l'acte litigieux tout caractère commutatif, la simple
intention des consorts Y... de " se dégager d'une responsabilité jugée superflue " ne suffisant pas à caractériser l'existence d'un tel contrat ; qu'ainsi, abstraction faite du motif critiqué par la troisième branche du moyen qui est surabondant, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit qu'en aucune de ses trois branches le moyen n'est fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est également reproché à l'arrêt attaqué d'avoir estimé - les époux Z... ayant soutenu, à titre subsidiaire, que si l'acte litigieux était qualifié de donation, l'action en nullité était prescrite - qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la question de la prescription de cette action, alors, selon le moyen, que l'action en nullité pour vice de forme se prescrit par trente ans à compter du jour où l'acte irrégulier a été passé, de sorte qu'en décidant qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la question de l'action en nullité de la donation du 30 juillet 1950 dont elle relevait l'irrégularité en la forme, la Cour d'appel a violé l'article 2262 du Code civil ;
Mais attendu que les juges du second degré ayant souverainement estimé que l'acte litigieux révélait uniquement l'intention de donner et que cette offre de donner n'avait pas été acceptée par son destinataire, il ne pouvait y avoir prescription de l'action en nullité d'un acte auquel faisait défaut l'un de ses éléments essentiels ; d'où il suit que le moyen est dénué de toute portée ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que l'auteur des époux Z... et eux-mêmes étaient demeurés détenteurs précaires des statues, alors, selon le moyen, d'une part, que la preuve des éléments caractérisant la possession est libre ; qu'en déduisant l'absence d'animus domini du fait que M. B... n'avait signé aucun acte de cession, la Cour d'appel, qui a ainsi subordonné l'existence de la possession à celle d'un titre valable, a violé l'article 2279 du Code civil ; alors, d'autre part, que les motifs d'ordre général par lesquels le tribunal de grande instance a retenu que les actes faits par M. B... et ses héritiers auraient pu l'être aussi bien à titre de propriétaires que pour s'affirmer comme tels ne suffisent pas à établir le caractère équivoque de la possession invoquée, de sorte qu'a été violé l'article 2229 du Code civil, et alors, de troisième part, que les motifs du jugement retenant que l'auteur des époux Z... pouvait supposer que les statues étaient restées la propriété de la ville d'Arras sont hypothétiques ;
Mais attendu que la Cour d'appel n'a pas subordonné l'existence de la possession à celle d'un titre valable ; qu'en relevant que M. B... n'avait pas donné suite à l'offre contenue dans l'acte du 30 juillet 1950 en ne signant pas - malgré l'invitation à lui faite - les originaux de celui-ci, les juges du second degré en ont seulement déduit qu'il " ne pouvait pas se méprendre sur l'absence d'acquisition des biens ", que la détention par lui exercée était, dès lors, exclusive de l'animus domini et qu'il était demeuré, ainsi que ses héritiers, détenteur précaire des statues ; que, par ces motifs, abstraction faite de ceux critiqués par les deuxième et troisième branches, qui sont surabondants, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit qu'en aucune de ses trois branches le moyen n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi