Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 avril et 17 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 février 2023 par laquelle le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, statuant en formation restreinte, a rejeté sa demande d'inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes tenu par le conseil départemental des Yvelines de cet ordre ;
2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Yacine Seck, auditrice,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. B... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que le 15 avril 2022 M. B..., chirurgien-dentiste précédemment inscrit au tableau de l'ordre tenu par le conseil départemental de Seine-et-Marne de l'ordre des chirurgiens-dentistes, a demandé son inscription au tableau du conseil départemental des Yvelines de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Par une décision du 20 octobre 2022, le conseil départemental a refusé cette inscription au motif que la condition de moralité n'était pas remplie. Ce refus a été confirmé par une décision du 15 décembre 2022 du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Sur recours formé par M. B... contre cette dernière décision, le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, statuant en formation restreinte, a, par une décision du 16 février 2023 dont l'intéressé demande l'annulation pour excès de pouvoir, rejeté sa demande d'inscription au tableau de l'ordre tenu par le conseil départemental des Yvelines de l'ordre des chirurgiens-dentistes, en retenant que la condition de moralité n'était pas satisfaite au triple motif que M. B... avait fait une déclaration sur l'honneur mensongère, qu'il avait illégalement exercé l'art dentaire dans des centres dentaires " Dentexelans" en qualité d'étudiant, sans y être autorisé, comme l'exige pourtant l'article L. 4141-4 du code de la santé publique, et qu'il s'y présentait illégalement comme docteur en chirurgie-dentaire.
2. Aux termes de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " Les (...) chirurgiens-dentistes (...) qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent. (...) / Nul ne peut être inscrit sur ce tableau s'il ne remplit pas les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité (...) ". Aux termes de l'article R. 4112-2 du code de la santé publique : " I.-(...) Le conseil vérifie les titres du candidat et demande communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé. Il refuse l'inscription si le demandeur est dans l'un des trois cas suivants : / 1° Il ne remplit pas les conditions nécessaires de moralité et d'indépendance ; / (...). (...). / IV.- (...) Aucune décision de refus d'inscription ne peut être prise sans que l'intéressé ait été invité quinze jours au moins à l'avance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à comparaître devant le conseil pour y présenter ses explications. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient aux instances ordinales saisies d'une demande d'inscription au tableau, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de refuser cette inscription si les conditions nécessaires de moralité ne sont pas remplies au vu des faits portés à leur connaissance et en considération de leur nature et de leur gravité.
3. En premier lieu, il résulte du 5° de l'article R. 4112-1 du code de la santé publique que le chirurgien-dentiste qui demande son inscription au tableau de l'ordre dont il relève remet sa demande ou l'adresse au président du conseil de l'ordre du département dans lequel il veut établir sa résidence professionnelle en l'accompagnant notamment d'une " (...) déclaration sur l'honneur (...) certifiant qu'aucune instance pouvant donner lieu à condamnation ou sanction susceptible d'avoir des conséquences sur l'inscription au tableau n'est en cours à son encontre ". L'ouverture d'une information judiciaire, qui ne constitue qu'une procédure préalable à un éventuel jugement, n'est pas une " instance pouvant donner lieu à condamnation ou sanction " au sens et pour l'application de ces dispositions.
4. Il ressort des pièces du dossier que le 15 mars 2022, lors du dépôt de sa demande d'inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes tenu par le conseil départemental des Yvelines de cet ordre, M. B... a indiqué dans sa déclaration sur l'honneur qu'aucune instance pouvant donner lieu à condamnation ou sanction susceptible d'avoir des conséquences sur son inscription au tableau n'était engagée à son encontre. Le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, dans sa décision attaquée, estimé que cette déclaration était mensongère dès lors que M. B... était mis en cause dans le cadre d'une information judiciaire ouverte au tribunal judiciaire de Chartres, à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par le conseil départemental d'Eure-et-Loir de l'ordre des chirurgiens-dentistes. En estimant que cette information judiciaire devait être mentionnée par M. B... dans l'attestation sur l'honneur prévue par le 5° de l'article R. 4112-1 du code de la santé publique, cité au point 3, et en se fondant sur cet élément pour retenir qu'il ne satisfaisait pas à la condition de moralité, le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, commis une erreur de droit. Au demeurant, la seule copie, non datée, ni signée, d'une plainte avec constitution de partie civile des chefs d'exercice illégal de la profession de chirurgien-dentiste et de violences volontaires, visant notamment M. B..., déposée par le conseil départemental, ne saurait établir qu'une information judiciaire est en cours.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes s'est également fondé, pour retenir le non-respect de la condition de moralité, sur le fait que M. B... " admet avoir exercé illégalement la profession dentaire dans les centres Dentexelans alors qu'il était étudiant " et qu'il " reconnaît s'être rendu coupable d'usurpation du titre de docteur en laissant présenter sur les sites [de ces centres] la mention de " docteur " avant ses nom et prénom alors qu'il n'était qu'étudiant ". Si M. B... soutient avoir contesté avoir commis de tels faits dans le recours qu'il a formé devant le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, il résulte du point 18 de la décision attaquée, non contesté par le requérant, qu'il les a reconnus lors de son audition devant le Conseil national. Il n'est ainsi pas fondé à soutenir que le Conseil national a entaché sa décision d'erreur de faits en retenant qu'il ne les contestait pas.
6. Si, ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision attaquée ne pouvait se fonder sur l'éventuelle information judiciaire en cause pour reprocher à M. B... d'avoir omis de la mentionner dans sa déclaration sur l'honneur, il résulte de l'instruction que le Conseil national aurait pris la même décision en se fondant sur les seuls faits mentionnés au point 5 pour estimer que la condition de moralité n'était pas satisfaite et refuser d'inscrire M. B... au tableau de l'ordre. Il s'ensuit qu' en lui refusant une telle inscription à raison des faits en cause, le Conseil national n'a pas fait une application inexacte des dispositions de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 16 février 2023 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a refusé son inscription au tableau de l'ordre tenu par le conseil départemental des Yvelines de l'ordre. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à qu'une somme soit à ce titre mise à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement au même titre d'une somme de 3 000 euros au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera une somme de 3 000 euros au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.