Vu la procédure suivante :
La société anonyme (SA) BNP Paribas a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer, en premier lieu, la restitution partielle de la cotisation d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittée au titre de l'année 2007 et, en second lieu, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos de 2005 à 2007, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1303525, 1308999 du 9 février 2015, le tribunal administratif de Montreuil, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 15VE01061 du 13 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société BNP Paribas contre ce jugement.
Par une décision n° 418108 du 10 juillet 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Versailles.
Par un arrêt n° 19VE02589 du 16 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a prononcé la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société BNP Paribas a été assujettie au titre des années 2005 et 2006 et des pénalités correspondantes, ainsi de la cotisation primitive du même impôt que cette société a acquittée au titre de l'année 2007, a réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il avait de contraire et a rejeté le surplus des conclusions d'appel de cette société.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 février et 25 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler les articles 1er à 3 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de la société.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention conclue le 9 septembre 1974 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;
- la convention conclue le 27 décembre 1974 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;
- la convention conclue le 9 janvier 1975 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Philippines tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;
- l'accord conclu le 30 mai 1984 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;
- la convention conclue le 29 septembre 1992 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en vue d'éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus et sur la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société BNP Paribas ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 décembre 2021, présentée par la société BNP Paribas ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société BNP Paribas a imputé sur ses cotisations d'impôt sur les sociétés dues au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 des crédits d'impôts correspondant aux impositions acquittées en Chine, en Inde, en Thaïlande, aux Philippines et à Singapour à raison d'intérêts qui lui ont été versés par ses succursales implantées dans ces pays en rémunération de prêts qui leur avaient été consentis par le siège français. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur ces exercices, l'administration fiscale a remis en cause l'imputation de ces crédits d'impôts. L'administration fiscale a en outre rejeté la demande de la société BNP Paribas tendant à l'imputation, qu'elle avait omis d'opérer dans sa déclaration, de crédits d'impôt correspondant à l'imposition supportée en Chine et aux Philippines à raison d'intérêts versés par ses succursales implantées dans ces pays au titre de son exercice clos en 2007. La société BNP Paribas a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, la restitution, à concurrence des crédits d'impôt qu'elle avait omis d'imputer, des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos en 2007 et, d'autre part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 et des pénalités correspondantes. Par un jugement du 9 février 2015, le tribunal a rejeté ces demandes. Par un arrêt du 16 décembre 2020, la cour administrative de Versailles, statuant après annulation par le Conseil d'Etat d'un premier arrêt et renvoi de l'affaire, n'a fait droit aux conclusions de la société BNP Paribas qu'en ce qui concerne le bénéfice des crédits d'impôts correspondant aux impositions supportées en Chine à raison des revenus perçus de sa succursale établie dans ce pays. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 3 de cet arrêt, par lesquels la cour administrative d'appel a statué sur le bénéfice des crédits d'impôts d'origine chinoise. La société BNP Paribas, par la voie d'un pourvoi incident, demande l'annulation de l'article 4 de cet arrêt, par lequel la cour a rejeté le surplus de ses conclusions d'appel.
Sur le pourvoi du ministre :
2. Aux termes des paragraphes 1 et 2 de l'article 10 de la convention conclue le 30 mai 1984 entre la France et la Chine, applicable au litige : " 1. Les intérêts provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces intérêts sont aussi imposables dans l'Etat contractant d'où ils proviennent et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les intérêts en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 p. cent du montant brut des intérêts ". Aux termes de l'article 22 du même accord : " La double imposition est évitée de la manière suivante pour les deux Etats contractants : (...) / 2. En ce qui concerne la République française : (...) / b) Les revenus visés aux articles 9, 10, 11, 12, 15 et 16 provenant de Chine sont imposables en France, conformément aux dispositions de ces articles, pour leur montant brut. Il est accordé aux résidents de France un crédit d'impôt français correspondant au montant de l'impôt chinois perçu sur ces revenus mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus ; / c) Aux fins de l'alinéa b et en ce qui concerne les éléments de revenu visés aux articles 9, 10 et 11, le montant de l'impôt chinois perçu est considéré comme étant égal à (...) 10 p. cent sur les intérêts (...), du montant brut de ces éléments de revenu (...) ". Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ".
3. Les stipulations citées au point 2 prévoient, pour l'élimination de la double imposition née A... la possibilité reconnue concurremment à la France et à la Chine de taxer les intérêts de source chinoise perçus par une entreprise établie en France, que cette entreprise est imposable en France sur ces revenus, retenus pour leur montant brut, c'est-à-dire incluant le montant de l'impôt chinois tel que défini au c de l'article 22, mais qu'elle bénéficie d'un crédit d'impôt imputable sur l'impôt sur les sociétés dû en France, égal au montant de cet impôt chinois, dans la limite du montant de l'impôt français dû à raison de ces revenus. En l'absence de toute stipulation contraire dans la convention conclue le 30 mai 1984 entre la France et la Chine, le montant de l'impôt français dû à raison de ces revenus doit être déterminé en appliquant au montant brut de ces intérêts, c'est-à-dire incluant le montant de l'impôt chinois, l'ensemble des dispositions du code général des impôts relatives à l'impôt sur les sociétés. Par suite, en application de l'article 39 de ce code, il y a lieu, pour déterminer le montant de l'impôt français dû à raison de ces revenus, de déduire de ce montant brut l'ensemble des charges, exception faite de l'impôt chinois, qui sont directement liées à l'acquisition de ces intérêts et n'ont pas pour contrepartie un accroissement de l'actif, sauf exclusion par des dispositions spécifiques.
4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant, pour écarter l'argumentation soulevée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance tirée de ce que la règle dite " du butoir " faisait obstacle aux prétentions de la société BNP Paribas, que les stipulations de la convention conclue le 30 mai 1984 entre la France et la Chine prévoyaient de ne pas tenir compte, pour déterminer le montant de l'impôt français dû à raison des intérêts de source chinoise, qui limite le montant imputable du crédit d'impôt dont dispose le contribuable à raison de l'imposition chinoise de ces revenus, des charges exposées pour leur acquisition, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
5. Le ministre est par suite fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 de l'arrêt qu'il attaque.
Sur le pourvoi incident de la société BNP Paribas :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 25 de la convention conclue le 29 septembre 1992 entre la France et l'Inde : " Les doubles impositions sont évitées de la manière suivante. / 1. En ce qui concerne la France : / a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent de l'Inde et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsqu'ils reviennent à un résident de France. L'impôt indien n'est pas déductible de ces revenus. Le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français correspondant à ces revenus ; (...) ". Aux termes de l'article 23 de la convention conclue le 27 décembre 1974 entre la France et la Thaïlande, dont la rédaction est similaire à celle de l'article 23 de la convention conclue le 9 janvier 1976 entre la France et les Philippines et à celle de l'article 24 de la convention conclue le 9 septembre 1974 entre la France et Singapour : " Les doubles impositions sont évitées de la manière suivante : / 1. Dans le cas de la France : (...) / b) En ce qui concerne les revenus visés aux articles 8, 10, 11, 12, 16 et 17 qui ont supporté l'impôt thaïlandais conformément aux dispositions desdits articles, la France accorde à un résident de France recevant de tels revenus de source thaïlandaise un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt payé en Thaïlande (...) / Ce crédit d'impôt, (...) ne peut excéder le montant de l'impôt français perçu sur lesdits revenus (...) ". Sous réserve de l'inclusion, le cas échéant, dans l'assiette retenue pour déterminer l'impôt français dû à raison des revenus en cause, de l'impôt acquitté ou réputé acquitté dans ces pays, ces stipulations emportent les mêmes conséquences que celles exposées au point 3 s'agissant de la détermination du montant maximal du crédit d'impôt imputable sur l'impôt français au titre des intérêts perçus en provenance de ces pays.
7. Par suite, la société BNP Paribas n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en jugeant, pour faire droit à l'argumentation du ministre de l'économie, des finances et de la relance tirée de ce que l'application de la règle dite " du butoir " faisait obstacle à ses prétentions, que les stipulations des conventions fiscales en cause imposaient, pour déterminer le montant de l'impôt français dû à raison des intérêts perçus par une société établie en France en provenance d'Inde, de Thaïlande, des Philippines ou de Singapour, qui limite le montant imputable du crédit d'impôt dont dispose cette société à raison de l'imposition de ces revenus dans l'Etat de la source, de déduire les charges exposées pour leur acquisition.
8. En second lieu, eu égard à la nature et aux conditions d'exercice de leur activité, les intérêts et charges assimilées que les établissements bancaires exposent en rémunération des ressources dont ils disposent pour leurs activités de financement doivent être regardés comme des charges directement liées à l'acquisition des intérêts qu'ils perçoivent à raison des prêts et avances qu'ils consentent. Par suite, la société BNP Paribas n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel, qui s'est au demeurant bornée à juger en l'espèce qu'elle n'apportait pas d'élément suffisant pour établir le montant des charges qu'elle avait exposées pour l'acquisition des intérêts perçus de ses succursales, aurait commis une erreur de droit en jugeant qu'une fraction des charges de financement mentionnées ci-dessus devait être regardée comme directement liée à l'acquisition des intérêts venant en rémunération des opérations sur créances en litige.
9. Il résulte de ce qui précède que la société BNP Paribas n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt qu'elle attaque.
10. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il incombe, par suite, au Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
11. Il ressort du jugement contesté que le tribunal administratif de Montreuil a analysé les sommes versées à la société BNP Paribas par sa succursale chinoise, ainsi que le soutenait la société requérante, comme ayant la nature d'intérêts sur des sommes prêtées par la première à la seconde. Faisant application de l'article 10, relatif aux " intérêts ", de la convention conclue le 30 mai 1984 entre la France et la Chine, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que le paragraphe 5 de cet article renvoie aux règles posées par l'article 7 de la même convention, relatif aux " bénéfices des entreprises ", dans l'hypothèse où les créances génératrices des intérêts se rattachent à l'activité exercée par le siège lui-même, par l'intermédiaire de sa succursale. Estimant qu'en l'espèce les intérêts litigieux n'étaient pas des bénéfices imputables à l'activité économique des succursales elles-mêmes, le tribunal en a déduit qu'ils n'étaient, en application de l'article 7 de l'accord, imposables qu'en France, de sorte qu'aucune double imposition ne justifiait la mise en œuvre d'un mécanisme conventionnel de crédit d'impôt alors même qu'il n'était pas sérieusement contesté que ces intérêts avaient été imposés localement.
12. En statuant ainsi, le tribunal administratif s'est borné à vérifier, ainsi qu'il était tenu de le faire, si les conditions auxquelles est subordonnée l'application des stipulations conventionnelles invoquées devant lui par les parties, relatives aux " intérêts " et aux " bénéfices des entreprises ", étaient satisfaites. Par suite, et indépendamment du bien-fondé de l'appréciation portée sur ce point, la société BNP Paribas n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en soulevant d'office, sans en informer les parties, pour procéder à une substitution de motifs, un moyen dont ils n'étaient pas saisis, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :
13. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
14. Aux termes de l'article 220 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " 1. a) Sur justifications, la retenue à la source à laquelle ont donné ouverture les revenus des capitaux mobiliers visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis, perçus par la société ou la personne morale est imputée sur le montant de l'impôt à sa charge en vertu du présent chapitre. (...) / b) En ce qui concerne les revenus de source étrangère visés aux articles 120 à 123, l'imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales (...) ".
15. Les sommes versées par les succursales de la société BNP Paribas en rémunération des prêts qu'elle leur a consentis ne relèvent ni des revenus de capitaux mobiliers énumérés au a du 1 de cet article, ni des revenus de source étrangère au sens du b du même 1, les revenus de créances n'étant pas visées aux articles 120 à 123 de ce code. Aucune autre disposition du code général des impôts ne prévoit l'imputation sur l'impôt dû en France d'un crédit d'impôt destiné compenser l'impôt dû à l'étranger sur des sommes de cette nature. Par suite, et sans préjudice de la mise en œuvre des stipulations de la convention conclue entre la France et la Chine relatives à l'élimination des doubles impositions, l'administration fiscale n'a pas méconnu la loi fiscale en établissant les impositions en litige sans admettre l'imputation d'un crédit d'impôt à raison de l'imposition chinoise des intérêts en provenance de ce pays.
16. Aux termes de l'article 5 de la convention conclue le 30 mai 1984 entre la France et la Chine : " 1. Au sens du présent Accord, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : (...) / b) Une succursale (...) ". Aux termes des 4 et 6 de l'article 10 du même accord : " 4. Le terme "intérêts" employé dans le présent article désigne les revenus de créances de toute nature (...) / 6. Les intérêts sont considérés comme provenant d'un État contractant lorsque le débiteur est un résident de cet État. Toutefois, lorsque le débiteur des intérêts, qu'il soit ou non un résident d'un État contractant, a dans un État contractant un établissement stable pour lequel la dette donnant lieu au paiement des intérêts a été contractée et qui supporte la charge de ces intérêts, ceux-ci sont considérés comme provenant de l'État où l'établissement stable est situé ".
17. La société BNP Paribas soutient qu'elle entre, à raison des sommes en litige reçues de sa succursale chinoise, dans les prévisions des stipulations citées au point 2 et 16 ci-dessus prévoyant, d'une part, une imposition concurrente en France et, dans la limite d'un plafond, en Chine, des intérêts perçus par un résident de France en provenance de Chine et, d'autre part, l'élimination de la double imposition correspondante par la mise en œuvre d'un mécanisme de crédit d'impôt.
18. L'existence d'une relation juridique de prêteur à emprunteur génératrice d'intérêts ne saurait être exclue entre le siège d'une société de banque et ses succursales, alors qu'il est loisible au siège, nonobstant l'appartenance à une même personne morale, de financer ses succursales par des apports en capital ou par des prêts.
19. Il résulte de l'instruction qu'au cours des années en litige, la société BNP Paribas a, sous la forme de versements répétés, mis des capitaux à la disposition de sa succursale située en Chine et a été rémunérée à ce titre.
20. Il résulte également de l'instruction, notamment du rapport annuel d'activités produit, que la succursale de la société BNP Paribas en Chine lui permet d'exercer de manière permanente une partie de son activité bancaire qui consiste en la fourniture de services bancaires en devises approuvés par la banque populaire de Chine. La société BNP Paribas dispose donc, par l'intermédiaire de cette succursale, d'un établissement stable dans ce pays.
21. Il résulte enfin de l'instruction, notamment des éléments relatifs aux flux financiers entre le siège de la société requérante et sa succursale, des liasses fiscales et du rapport annuel produit, que les emprunts que sa succursale a souscrits auprès d'elle l'étaient pour les besoins de ses activités bancaires en Chine, ainsi que le reconnaît l'administration dans ses propositions de rectification des 23 décembre 2008 et 23 décembre 2009, et que cette succursale a supporté la charge des intérêts correspondants.
22. Il en résulte d'une part, ainsi que l'admet le ministre dans le dernier état de ses écritures, que les sommes en litige présentent le caractère d'intérêts au sens des stipulations de l'article 10 de la convention conclue le 30 mai 1984 entre la France et la Chine et, d'autre part, que si la société BNP, qui doit être regardée comme débitrice de ces intérêts, est elle-même résidente de France et non de Chine, cette société dispose en Chine d'un établissement stable pour lequel la dette donnant lieu au paiement des intérêts a été contractée et qui en supporte la charge. Par suite, ces intérêts doivent, en application des stipulations précitées du paragraphe 6 du même article 10, être regardés comme provenant de Chine.
23. La société BNP Paribas est par suite fondée à demander, à raison des sommes en litige, le bénéfice du mécanisme d'élimination des doubles impositions prévu par la convention franco-chinoise au moyen d'un crédit d'impôt dont les modalités de calcul et de plafonnement sont rappelées au point 3.
24. Pour contester ce bénéfice, le ministre se prévaut, par la voie d'une demande de substitution de base légale qui ne prive en l'espèce le contribuable d'aucune garantie liée à la procédure d'imposition, de ce que le mécanisme de plafonnement de ce crédit d'impôt conventionnel à hauteur de l'impôt français dû à raison des intérêts en cause ferait obstacle aux prétentions de la société, compte tenu de la nécessaire prise en compte, pour déterminer le montant de cet impôt français, de l'ensemble des charges directement liées aux opérations de prêt conclues entre la société et sa succursale chinoise.
25. S'agissant, en premier lieu, de la demande de la société BNP Paribas tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur les bénéfices établie au titre de l'exercice clos en 2007 conformément à sa déclaration, dans laquelle elle n'avait pas procédé à l'imputation d'un crédit d'impôt à raison de l'imposition chinoise des intérêts en litige, il appartient à cette dernière, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'établir le bien-fondé de ses prétentions. La société BNP Paribas n'établit toutefois pas, par les éléments qu'elle produits, qu'elle serait en droit de prétendre, compte tenu du mode de calcul rappelé au point 3, à un crédit d'impôt. En outre, en l'absence de rectification, celle-ci n'est en tout état de cause pas fondée à demander, sur le fondement de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, le bénéfice d'une compensation à raison de la sous-estimation du crédit d'impôt auquel elle serait en droit de prétendre à raison des impositions acquittées dans d'autres pays.
26. S'agissant, en second lieu, de la demande de la société BNP Paribas tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2005 et 2006 à raison de la remise en cause par l'administration de l'imputation des crédits d'impôts conventionnels à laquelle cette société avait procédé, il ne ressort pas des écritures de cette société qu'elle aurait produit des éléments relatifs au montant des charges qu'elle a exposées pour l'acquisition des intérêts en litige. Si celle-ci se prévaut de la tolérance admise par les commentaires administratifs publiés le 1er avril 1976 au bulletin officiel des impôts sous la référence 14 B-1-76, aujourd'hui repris au paragraphe n° 230 des commentaires publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-IS-RICI-30-10-20-10, selon laquelle les banques et établissements financiers peuvent, pour l'application de la règle dite du " butoir ", déterminer les charges financières et de gestion afférentes aux prêts consentis à des emprunteurs non-résidents au moyen de fonds empruntés dans le cadre de leur activité professionnelle à partir de la balance des intérêts débiteurs et créditeurs afférents à un unique secteur d'activité, correspondant à l'ensemble des opérations de prêts qu'ils effectuent hors de France, elle n'a pas davantage produit le résultat d'un tel calcul. De son côté, l'administration fiscale, si elle oppose cette même règle à la société, ne soutient pas que le montant des charges qu'il y a lieu de déduire du revenu brut excéderait ce dernier, de sorte que l'impôt français correspondant serait nul. Il n'apparaît ainsi pas possible, en l'état de l'instruction, de déterminer le montant des charges directement liées à la perception des intérêts reçus par la société BNP Paribas de sa succursale chinoise au cours des exercices en cause et, partant, le montant du crédit d'impôt auquel cette société peut prétendre en application de la règle de calcul rappelée au point 3. Il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner un supplément d'instruction tendant à la production par les parties des éléments nécessaires.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 16 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de l'appel formé par la société BNP Paribas en tant qu'elles sont relatives à sa demande de restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre de son exercice clos en 2007 sont rejetées.
Article 3 : Avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de la société BNP Paribas ainsi que sur ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il sera procédé à un supplément d'instruction tendant à la production des éléments mentionnés au point 26 des motifs de la présente décision.
Article 4 : Ces éléments devront parvenir au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 5 : Le pourvoi incident de la société BNP Paribas est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société anonyme BNP Paribas.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er décembre 2021 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Pierre Collin, président de chambre ; M. G... J..., M. D... I..., M. H... F..., M. B... K..., Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat, M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes et M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 10 décembre 2021.
Le président :
Signé : M. Guillaume Goulard
Le rapporteur :
Signé : M. Jonathan Bosredon
La secrétaire :
Signé : Mme C... E...