Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 7 et 18 septembre et le 8 décembre 2015, M. A...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 9, 10, 11 et 12 du décret n° 2015-808 du 2 juillet 2015 relatif au plan d'actions pour les mobilités actives et au stationnement en tant que, respectivement, ils abrogent avec effet immédiat le 3° de l'article R. 415-5 du code de la route, aggravent la sanction pénale prévue par l'article R. 417-6, autorisent à l'article R. 417-10, II, 1° le stationnement des cycles sur les trottoirs et instaurent une nouvelle interdiction de stationnement à l'article R. 417-11 I, 8°, c.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Collet, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.
1. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier par le ministre de l'intérieur que le moyen tiré de ce que certaines dispositions du décret attaqué ne seraient conformes ni au projet du gouvernement ni au texte adopté par le Conseil d'Etat à l'issue de l'examen de ce projet par sa section de travaux publics manque en fait ;
2. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 9 du décret attaqué abroge le 3° de l'article R. 415-15 du code de la route qui ouvrait à l'autorité investie du pouvoir de police la faculté de réserver, aux intersections, " une voie que les conducteurs de cycles et de cyclomoteurs sont tenus d'emprunter pour contourner l'intersection par la droite. " ; que cette abrogation n'impose pas aux autorités compétentes de supprimer les voies qui avaient été aménagées aux intersections en application des dispositions en cause mais a pour seul effet de rendre facultative l'utilisation de ces voies par les conducteurs de cycles et cyclomoteurs ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que, compte tenu des réaménagements nécessaires, le pouvoir réglementaire devait différer la date d'effet de l'abrogation et prévoir des mesures transitoires doit être écarté ;
3. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 417-6 du code de la route dans sa rédaction issue de l'article 10 du décret attaqué : " Tout arrêt ou stationnement gratuit contraire à une disposition réglementaire autre que celles prévues au présent chapitre est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles sont étrangères à la réglementation du stationnement payant ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de l'article 63 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, qui dépénalise, à compter du 1er janvier 2018, le stationnement payant, est inopérant et ne peut qu'être écarté ; qu'il suit également de là que l'article 10 du décret attaqué n'est pas intervenu dans une matière qui aurait été déléguée aux autorités locales par les dispositions de l'article 63 de la loi du 27 janvier 2014 ;
4. Considérant, en quatrième lieu, que M. B...soutient que les modifications apportées au code de la route par les articles 11 et 12 du décret attaqué, en ce qu'elles ont pour conséquence que l'arrêt ou le stationnement d'un cycle sur le trottoir cesse de constituer l'infraction de stationnement gênant réprimée par le II de l'article R. 417-10 du code de la route, sont entachées d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ; que, toutefois, demeure applicable le I de l'article R. 417-10 aux termes duquel : " Tout véhicule à l'arrêt ou en stationnement doit être placé de manière à gêner le moins possible la circulation " ; que, par ailleurs, l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel le maire " peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : (...) 2° Réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux ", permet au maire de réglementer et, au besoin, d'interdire, eu égard aux nécessités de la circulation et aux circonstances locales, l'arrêt et le stationnement des cycles sur les trottoirs ; qu'en abrogeant à l'article R. 417-10 les dispositions selon lesquelles cet arrêt et ce stationnement étaient constitutifs de l'infraction de stationnement gênant, l'auteur du décret n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; que, compte tenu tant de l'objet des modifications en cause que de l'ampleur de leurs conséquences prévisibles, il n'a pas commis d'erreur de droit en n'en différant pas l'entrée en vigueur afin de donner aux autorités locales le temps d'user de leur pouvoir de police en vue de réglementer l'arrêt et le stationnement des cycles sur les trottoirs ;
5. Considérant, en dernier lieu, que l'article 12 du décret attaqué modifie le I de l'article R. 417-11 du code de la route afin de prévoir notamment qu'" est considéré comme très gênant pour la circulation publique l'arrêt ou le stationnement : (...) 8° D'un véhicule motorisé à l'exception des cycles à pédalage assisté : (...) c) sur une distance de cinq mètres en amont des passages piétons dans le sens de la circulation, en dehors des emplacements matérialisés à cet effet, à l'exception des motocyclettes, tricycles et cyclomoteurs " ; que cette mesure, dont la légalité doit être appréciée en tenant compte du 7° du I du même article R. 417-11 qui énonce qu'est très gênant pour la circulation publique l'arrêt ou le stationnement d'un véhicule à proximité des signaux lumineux de circulation ou des panneaux de signalisation lorsque son gabarit est susceptible de masquer cette signalisation à la vue des usagers de la voie, et du II du même article qui prévoit que tout arrêt ou stationnement très gênant pour la circulation publique est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, a pour objet d'améliorer la sécurité des piétons en favorisant une meilleure visibilité au niveau des passages piétons ;
6. Considérant, d'une part, qu'en excluant de l'interdiction de stationnement édictée par ces dispositions les " emplacements matérialisés à cet effet ", les auteurs du décret attaqué ont entendu laisser aux autorités compétentes localement la possibilité d'autoriser le stationnement à moins de cinq mètres en amont d'un passage piéton lorsque la configuration des lieux le permet ; que le moyen tiré de ce que le décret ne serait pas intelligible sur ce point doit être écarté ; qu'il en résulte que les véhicules stationnés sur les emplacements en cause et ceux stationnés à moins de cinq mètres en amont d'un passage piéton en dehors de tout emplacement autorisé sont dans une situation différente au regard de l'objet des dispositions en cause ; que, dès lors, contrairement à ce que M. B...soutient, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le principe d'égalité en les traitant différemment pour la définition de cette infraction ;
7. Considérant, d'autre part et ainsi qu'il vient d'être dit, que les autorités compétentes localement ont le pouvoir, lorsque la configuration des lieux le permet sans compromettre la sécurité routière, d'autoriser le stationnement des véhicules à moins de cinq mètres en amont d'un passage piéton ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret serait entaché d'erreur de droit en ce qu'il interdit tout stationnement des véhicules à moins de cinq mètres en amont d'un passage piéton, y compris lorsque celui-ci est équipé de feux tricolores, n'est pas fondé ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.