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24/12/2019 | FRANCE | N°414371

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 24 décembre 2019, 414371


Vu la procédure suivante :

La société Banctec Business Outsourcing a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 décembre 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 1ère section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a refusé à Me C..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société SAFIG, l'autorisation de licencier M. D... A.... Par un jugement n° 1403405 du 15 juin 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02558 du 20 juillet 2017, la cour administrative

d'appel de Versailles a, sur appel de la société Banctec Business Outsourcin...

Vu la procédure suivante :

La société Banctec Business Outsourcing a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 décembre 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 1ère section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a refusé à Me C..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société SAFIG, l'autorisation de licencier M. D... A.... Par un jugement n° 1403405 du 15 juin 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02558 du 20 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société Banctec Business Outsourcing, annulé ce jugement et la décision de l'inspectrice du travail du 2 décembre 2013.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 septembre et 12 décembre 2017 et le 2 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SAFIG, Me C..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société SAFIG, et Me B..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la même société, demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Banctec Business Outsourcing ;

3°) de mettre à la charge la société Banctec Business Outsourcing la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société SAFIG, de Me B... et de Me C... et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Banctec Business Outsourcing.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 19 août 2013, le tribunal de commerce de Bobigny a arrêté un plan de cession partiel de la société SAFIG, placée en redressement judiciaire, à la société Banctec Business Outsourcing et autorisé le licenciement pour motif économique des salariés occupant les postes figurant sur la liste des postes de travail non repris. Me C..., administrateur judiciaire de la société SAFIG, a formé le 2 octobre 2013 une demande d'autorisation de licenciement de M. D... A..., salarié protégé. Par un jugement du 8 octobre 2013, le tribunal de commerce de Bobigny a converti la procédure de redressement judiciaire de la société SAFIG en procédure de liquidation judiciaire et a désigné Me B... en qualité de liquidateur judiciaire de cette société. Par une décision du 2 décembre 2013, l'inspectrice du travail de la 1ère section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande d'autorisation de licenciement de M. A..., au motif que la suppression de son poste n'était pas établie. Par un jugement du 15 juin 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Banctec Business Outsourcing tendant à l'annulation de cette décision. La cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société Banctec Business Outsourcing, annulé ce jugement et la décision du 2 décembre 2013 de l'inspectrice du travail, par un arrêt du 20 juillet 2017, contre lequel la société SAFIG, Me C..., en qualité d'administrateur judiciaire de la société SAFIG, et Me B..., en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, se pourvoient en cassation.

2. L'article L. 631-17 du code de commerce, relatif à la possibilité de procéder à des licenciements économiques lorsqu'une entreprise est placée en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, dispose que : " Lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder à ces licenciements (...) ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'une entreprise est placée en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, l'administrateur judiciaire ne peut procéder à des licenciements pour motif économique que s'ils présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable et après autorisation, non nominative, du juge-commissaire désigné par le tribunal de commerce. Il découle des termes mêmes de l'article L. 631-17 du code de commerce que l'autorisation délivrée par le juge-commissaire de procéder à des licenciements qui présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation ne peut être prise que durant cette période. Dans ces conditions, l'administration ne peut légalement autoriser le licenciement d'un salarié protégé demandé sur le fondement d'une autorisation délivrée par le juge-commissaire si la période d'observation a expiré à la date à laquelle il est saisi de cette demande.

3. Si le salarié dont le licenciement est envisagé bénéficie du statut protecteur, l'administrateur doit, au surplus, obtenir préalablement l'autorisation nominative de l'inspecteur du travail qui vérifie, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que ce licenciement n'est pas en lien avec le mandat du salarié, que la suppression du poste en cause est réelle et a été autorisée par le juge-commissaire, que l'employeur s'est acquitté de son obligation de reclassement et, enfin, qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à ce que l'autorisation soit accordée. En revanche, il résulte des dispositions du code de commerce citées ci-dessus que le législateur a entendu que, pendant la période d'observation, la réalité des difficultés économiques de l'entreprise et la nécessité des suppressions de postes soient examinées par le juge de la procédure collective dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. Dès lors qu'un licenciement a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire, ces éléments du motif de licenciement ne peuvent être contestés qu'en exerçant les voies de recours ouvertes contre cette ordonnance et ne peuvent être discutés devant l'administration.

4. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, notamment au début du point 3, qu'en jugeant qu'il n'appartenait pas à l'autorité administrative, saisie de la demande d'autorisation de licenciement de M. A..., salarié protégé, de contrôler la réalité de la suppression de son poste, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas les parties perdantes, la somme que demande à ce titre la société Banctec Business Outsourcing. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette société la somme demandée au même titre par les requérants.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 20 juillet 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société SAFIG, Me C... et Me B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de la société Banctec Business Outsourcing présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société SAFIG, à Me C..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société SAFIG, à Me B..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SAFIG et à la société Banctec Business Outsourcing.

Copie en sera adressée à M. D... A... et à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 414371
Date de la décision : 24/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 déc. 2019, n° 414371
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Fuchs
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:414371.20191224
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