Vu la procédure suivante :
Le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes a porté plainte contre M. A... B... devant la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Par une décision du 2 septembre 2013, la chambre disciplinaire a prononcé, à l'encontre de M. B..., la sanction de l'interdiction d'exercer sa profession pendant une durée de deux mois, dont un mois avec sursis.
Par une décision du 13 avril 2015, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a rejeté l'appel formé par M. B... contre cette décision.
Par une décision du 07 octobre 2016, le Conseil d'Etat, sur le pourvoi de M. B..., a annulé cet arrêt.
Par une décision du 22 juin 2017, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a annulé la décision de la chambre disciplinaire de première instance et rejeté les conclusions présentées par M. B... tendant à ce que le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes soit condamné lui verser des dommages et intérêts pour citation abusive ainsi que ses conclusions tendant à ce qu'une amende pour recours abusif soit infligée au conseil départemental.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 15 novembre 2017 et le 2 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision en tant qu'elle rejette le surplus des conclusions de son appel ;
2°) réglant l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de faire droit au surplus de ses conclusions d'appel :
3°) de mettre à la charge du conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. B... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes a porté plainte contre M. B..., chirurgien-dentiste, devant la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse de l'ordre des chirurgiens-dentistes, à raison de faits commis en sa qualité de président d'une association gérant un centre de soins dentaires. Par une décision du 2 septembre 2013, la chambre disciplinaire de première instance a prononcé, à l'encontre de M. B..., la sanction de l'interdiction d'exercer sa profession pendant une durée de deux mois, dont un mois avec sursis. Par une décision en date du 13 avril 2015, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a rejeté l'appel formé par M. B... contre cette décision. Toutefois, par une décision du 07 octobre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé sa décision. Par une décision 22 juin 2017, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a annulé la décision du 2 septembre 2013 de la chambre disciplinaire de première instance, rejeté la plainte formée par le conseil départemental et rejeté les autres conclusions présentées par M. B.... M. B... se pourvoit en cassation contre cette décision en tant qu'elle rejette ses conclusions tendant à ce que le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes soit condamné à lui verser des dommages et intérêts en indemnisation des préjudices, économique et moral, nés pour lui de la plainte abusive dont il estime avoir fait l'objet et en tant qu'elle rejete ses conclusions tendant à ce qu'une amende pour recours abusif soit infligée à ce même conseil départemental.
Sur le rejet des conclusions tendant à ce qu'une amende pour recours abusif soit infligée au conseil départemental :
2. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. B... tendant à ce que le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables. Ce motif qui ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait doit être substitué au motif retenu par la chambre disciplinaire nationale pour rejeter ces conclusions. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens présentés à ce titre, les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle a rejeté les conclusions tendant à ce qu'une amende pour recours abusif soit infligée et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur le rejet des conclusions tendant à ce que le conseil départemental soit condamné à verser des dommages et intérêts pour citation abusive :
3. Des conclusions à fin de dommages et intérêts pour citation abusive amènent nécessairement le juge à apprécier les mérites de l'action dont il est soutenu qu'elle a été abusivement engagée. Par suite, le juge compétent pour statuer sur cette action est seul compétent pour statuer sur ces conclusions indemnitaires qui ne peuvent être présentées qu'à titre reconventionnel dans l'instance ouverte par l'action principale, dont elles ne sont pas détachables. Il suit de là qu'en jugeant qu'elle n'était pas compétente pour statuer sur les conclusions indemnitaires présentées devant elle à ce titre par M. B... dès lors que la procédure disciplinaire engagée à son encontre par le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes ne revêtait pas un caractère abusif, la chambre disciplinaire nationale a entaché sa décision d'erreur de droit. Sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens, M. B... est, par suite, fondé à en demander l'annulation en tant qu'elle rejette ses conclusions tendant à ce que le conseil départemental soit condamné à lui verser des dommages et intérêts pour citation abusive.
4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
5. Il résulte de l'instruction que le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes a porté plainte contre M. B... à raison d'une campagne de démarchage téléphonique qu'il avait engagée au profit du centre de santé dentaire dont il assurait la responsabilité. Si la chambre nationale a jugé, par une décision devenue irrévocable, que M. B... n'avait, en réalité, méconnu, à cette occasion, aucune de ses obligations déontologiques, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser un abus du droit d'engager des poursuites disciplinaires. Si M. B... soutient également que cette plainte serait en lien avec des actions conduites par un syndicat de chirurgiens-dentistes et par différentes instances de l'ordre des chirurgiens-dentistes contre les centres de santé dentaires, de telles circonstances ne sont, en tout état de cause, pas établies au cas d'espèce. Enfin, la circonstance que la conciliation organisée, préalablement à la plainte, par le conseil départemental aurait été irrégulièrement conduite n'est pas davantage de nature à caractériser un abus du droit d'engager des poursuites disciplinaires. Par suite, les conclusions présentées par M. B... tendant à ce que ce conseil départemental soit condamné à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive doivent être rejetées.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. B... la somme que demande le conseil départemental au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 22 juin 2017 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions présentées par M. B... tendant à ce que le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes soit condamné à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant la chambre disciplinaire nationale tendant à ce que le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes soit condamné à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par le conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au Conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des chirurgiens-dentistes.
Copie en sera adressé pour information au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.