Vu les procédures suivantes :
La société MG Patrimoine, la société Bellou Optique et la société Aux fleurs d'Argentan ont demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 août 2016 par lequel le président de la communauté urbaine d'Alençon (Orne) a rejeté la demande de la société MG Patrimoine tendant à la délivrance d'un permis de construire modificatif relatif à l'extension d'un ensemble commercial à Condé-sur-Sarthe. Par un arrêt n° 16NT03471 du 23 mars 2018, la cour administrative a rejeté leur requête.
1° Sous le numéro 420857, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mai et 22 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MG Patrimoine, la société Bellou Optique et la société Aux fleurs d'Argentan demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête ;
3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine d'Alençon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 420905, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 22 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MG Patrimoine, la société Bellou Optique et la société Aux fleurs d'Argentan demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce même arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la communauté urbaine d'Alençon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SARL Didier, Pinet, avocat de la société MG Patrimoine, de la société Bellou Optique et de la société Aux fleurs d'Argentan, à la SCP Ortscheidt, avocat de la communauté urbaine d'Alençon ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 15 décembre 2014, la société Prest'Im a déposé une demande de permis de construire pour l'édification, au sein d'un ensemble commercial déjà existant d'une superficie de 1057 m², d'un bâtiment sur les parcelles cadastrées AH 0077, AH 0184 et AH 0186 situées au 69 rue d'Alençon à Condé-sur-Sarthe, consistant en une extension de la surface de vente de 788,26 m2 et comprenant quatre cellules commerciales, dont l'une d'une surface de 415 m2. La commission départementale d'aménagement commercial de l'Orne ne s'est pas opposée à ce projet. Le président de la communauté urbaine d'Alençon a délivré le permis de construire sollicité le 17 juin 2015, puis un permis de construire modificatif le 4 novembre 2015 pour permettre l'installation d'un transformateur électrique. Par un arrêté du 13 novembre 2015, ce permis de construire a été transféré à la société MG Patrimoine. Le 1er février 2016, cette société a déposé une demande de permis de construire modificatif, notamment afin de permettre la division de la cellule commerciale d'une surface de 415 m2, initialement destinée à un commerce de fournitures de bureau, en trois cellules commerciales devant accueillir des commerces d'optique et d'équipement de la personne ainsi qu'un fleuriste. Le 20 mai 2016, la commission départementale d'aménagement commercial de l'Orne, saisie de cette demande, a rendu un avis défavorable à ces modifications. Par un arrêté du 23 août 2016, le président de la communauté urbaine d'Alençon a refusé de délivrer le permis de construire modificatif sollicité le 1er février 2016. La société MG Patrimoine ainsi que les sociétés Bellou Optique et Aux fleurs d'Argentan, preneuses à bail de deux des cellules commerciales du projet ayant fait l'objet du refus de permis de construire modificatif, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 23 mars 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 23 août 2016 refusant de délivrer le permis de construire modificatif sollicité.
2. Les pourvois n° 420857 et 420905 présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
3. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la même loi et modifiée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel, au sens de l'article L. 752-15 du même code, mais n'a pas d'effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 du présent code nécessite une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale auprès de la commission départementale. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire ". Enfin, aux termes de l'article L. 600-10 du même code, créé par la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4 ".
4. Il résulte de ces dispositions que les cours administratives d'appel ne sont, par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu'il vaut autorisation de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Il en va de même lorsqu'est contesté par la voie de l'excès de pouvoir le refus de délivrer un tel permis. Il résulte en outre des termes mêmes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme qu'un permis, même délivré pour un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu de l'article L. 752-1 du code de commerce, ne peut jamais tenir lieu d'une telle autorisation lorsque le projet faisant l'objet de la demande de permis de construire n'a pas été, au préalable, soumis pour avis à une commission départementale d'aménagement commercial et, le cas échéant, à la Commission nationale d'aménagement commercial.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour administrative d'appel était compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur la requête des sociétés MG Patrimoine, Bellou Optique et Aux fleurs d'Argentan dirigée contre l'arrêté du 23 août 2016 par lequel le président de la communauté urbaine d'Alençon (Orne) avait rejeté la demande de la société MG Patrimoine tendant à la délivrance d'un permis de construire modificatif relatif à l'extension d'un ensemble commercial à Condé-sur-Sarthe, dès lors que le projet avait été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial de l'Orne. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la cour n'avait pas, pour retenir ainsi sa compétence, à rechercher au préalable si le projet à l'origine de la demande de permis modificatif emportait des modifications substantielles du projet qui avait antérieurement obtenu une autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêt attaqué, en ce qu'il se prononce sur la compétence de la cour pour connaître de la requête, serait entaché d'irrégularité, d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit.
6. Les sociétés requérantes ne sont pas davantage fondées à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en omettant de rechercher si les modifications apportées au projet initial qui avait obtenu une autorisation d'exploitation commerciale étaient substantielles avant de rejeter leur requête comme irrecevable au motif qu'elle n'avait pas été précédée de la saisine de la Commission nationale d'aménagement commercial.
7. Enfin, la cour n'ayant pas examiné si le projet litigieux emportait de modifications substantielles du projet qui avait fait l'objet d'une autorisation d'exploitation commerciale, les moyens tirés de ce qu'elle aurait inexactement qualifié les faits de l'espèce et dénaturé les pièces du dossier en se prononçant sur ce point sont inopérants.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés MG Patrimoine, Bellou Optique et Aux Fleurs d'Argentan ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'elles attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, par suite, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la communauté urbaine d'Alençon.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés MG Patrimoine, Bellou Optique et Aux Fleurs d'Argentan la somme de 1 000 euros chacune à verser à la communauté urbaine d'Alençon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi des sociétés MG Patrimoine, Bellou Optique et aux Fleurs d'Argentan est rejeté.
Article 2 : Les sociétés MG Patrimoine, Bellou Optique et Aux Fleurs d'Argentan verseront chacune à la communauté urbaine d'Alençon une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société MG Patrimoine, à la société Bellou Optique, à la société Aux fleurs d'Argentan et à la communauté urbaine d'Alençon.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.