Vu la procédure suivante :
Le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de Crespin, Quiévrechain, Saint-Aybert et Thivencelle a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la région Nord-Pas-de-Calais à lui verser la somme de 884 198,09 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable, en réparation des conséquences dommageables résultant pour lui des dégradations occasionnées par des occupants sans titre aux bâtiments du lycée d'enseignement professionnel Jean-Baptiste Carpeaux situés à Crespin (Nord).
Par un jugement n° 1403872 du 17 février 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 17DA00681 du 13 février 2020, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement et condamné la région Hauts-de-France, venue aux droits de la région Nord-Pas-de-Calais, à verser au SIVOM de Crespin, Quiévrechain, Saint-Aybert et Thivencelle la somme de 538 042,71 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2014 avec capitalisation à compter du 12 avril 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Par un pourvoi, enregistré le 9 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la région Hauts-de-France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter entièrement l'appel du SIVOM de Crespin, Quiévrechain, Saint-Aybert et Thivencelle ;
3°) de mettre à la charge du SIVOM de Crespin, Quiévrechain, Saint-Aybert et Thivencelle une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christian Fournier, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la région Hauts-de-France et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société SIVOM de Crespin, Quiévrechain, Saint-Aybert et Thivencelle ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de Crespin, Quiévrechain, Saint-Aybert et Thivencelle, qui était propriétaire des bâtiments du lycée d'enseignement professionnel Jean-Baptiste Carpeaux, situés à Crespin, a mis ces bâtiments, après l'entrée en vigueur de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, à la disposition de la région Nord-Pas-de-Calais. A compter de la rentrée scolaire de septembre 2012, ces locaux n'ont plus été utilisés par la région puis ont été rétrocédés par la région au SIVOM à la suite de l'arrêté du 17 juin 2013 par lequel le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a prononcé la désaffectation des biens immobiliers du lycée. Durant la période d'inutilisation ayant précédé cette désaffectation, ces bâtiments ont subi de nombreuses dégradations commises par des personnes occupant illégalement les lieux. Le SIVOM a recherché la responsabilité de la région Nord-Pas-de-Calais à raison des conséquences dommageables de ces dégradations. Par un jugement du 17 février 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la région Nord-Pas-de-Calais, devenue la région Hauts-de-France, à lui verser la somme de 884 198,09 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices résultant pour lui de ces dégradations. La région des Hauts-de-France se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 février 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement et l'a condamnée à verser au SIVOM la somme de 538 042,71 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2014 et capitalisation des intérêts échus le 12 avril 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter après les conclusions du rapporteur public à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.
3. Il ressort des pièces de la procédure d'appel qu'avant la tenue de l'audience de la cour, le rapporteur public a porté à la connaissance des parties le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer dans les termes suivants : " Satisfaction totale ou partielle - Sens des conclusions et moyen ou cause retenus : Annulation du jugement. Condamnation de la Région Hauts-de-France ". Une telle mention, qui ne permettait pas de connaître la position du rapporteur public sur le montant de l'indemnisation qu'il proposait de mettre à la charge de la région Hauts-de-France, au bénéfice du syndicat intercommunal à vocation multiple de Crespin, Quiévrechain, Saint-Aybert et Thivencelle, ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative. Il suit de là qu'alors même que l'avocat de la région Hauts-de-France, présent à l'audience, ne s'est plaint de l'imprécision de cette mention ni dans les observations orales qu'il a présentées à la suite des conclusions du rapporteur public ni dans une note en délibéré, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, l'exigence posée par l'article R. 711-3 du code de justice administrative étant prescrite à peine d'irrégularité de la procédure.
4. Il résulte de ce qui précède que la région Hauts-de-France est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la région Hauts-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cette article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la région Hauts-de-France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 13 février 2020 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la région Hauts-de-France et au syndicat intercommunal à vocation multiple de Crespin, Quiévrechain, Saint-Aybert et Thivencelle.