Vu la procédure suivante :
La société française des travaux de la Guyane (SFTG) a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 octobre 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a prononcé à son encontre les sanctions administratives prévues aux articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant total de 72 084 euros pour l'emploi de quatre travailleurs étrangers dépourvus de titre les autorisant à exercer une activité salariée en France. Par un jugement n° 1500950 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 17BX00009 du 2 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société française des travaux de la Guyane contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mars et 18 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société française des travaux de la Guyane demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société française des travaux de la Guyane et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a décidé d'appliquer à la société française des travaux de la Guyane une contribution spéciale d'un montant total de 70 400 euros sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi qu'une contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine d'un montant total de 1 684 euros sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'emploi irrégulier de quatre travailleurs étrangers démunis de titre autorisant le séjour et le travail. Par un jugement du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté comme irrecevable la contestation de cette décision par la société française des travaux de la Guyane. Cette société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. Les décisions prises sur le fondement des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des sanctions que l'administration inflige à un administré. Lorsqu'il est saisi de la contestation d'une telle sanction, le juge administratif y statue en qualité de juge de plein contentieux.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les conclusions présentées par la société française des travaux de la Guyane dans la demande qu'elle a formée devant le tribunal administratif de la Guyane tendaient à l'annulation de la décision mentionnée au point 1. Il appartenait dès lors au tribunal administratif d'y statuer comme juge de plein contentieux, quelle qu'ait pu être la présentation que la société requérante avait faite de sa contestation. Par suite, en jugeant que le tribunal administratif avait pu à bon droit opposer à la demande de cette société, pour la rejeter comme irrecevable, une " exception de recours parallèle " au motif que la requérante s'était à tort placée dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, la cour a commis une erreur de droit. La société française des travaux de la Guyane est, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 3 000 euros à verser à la société française des travaux de la Guyane au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société française des travaux de la Guyane, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à la société française des travaux de la Guyane une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société française des travaux de la Guyane et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.