Vu la procédure suivante :
Par trois requêtes, l'association Vent du Haut-Forez, la commune de Chalmazel-Jeansagnière, la commune de la Chamba, la commune de La Côte-en-Couzan et la commune de Saint-Didier-sur-Rochefort ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les trois décisions du 3 mai 2016 par lesquelles le préfet de la Loire a accordé trois permis de construire à la SAS Monts du Forez Energie pour la construction d'un poste de livraison, d'un local technique et d'un mât de mesure, au lieu-dit le Col de la Loge sur le territoire de la commune de La Chamba, pour la construction d'une éolienne, au lieu-dit Sagne Crose sur le territoire de la commune de La Côte-en-Couzan, et enfin pour la construction de quatre éoliennes, au lieu-dit le Grand Caire sur le territoire de la commune de Saint-Jean-la-Vêtre. Par un jugement n° 1604978, 1604980, 1604981 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 19LY02810 du 3 juin 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par l'association Vent du Haut-Forez et autres contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet et 27 octobre 2021 et 13 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association Vent du Haut-Forez et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la SAS Monts du Forez Energie la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Vent du Haut-Forez et autres et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la SAS Monts du Forez Energie ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 21 avril 2023 présentée par la société SAS Monts du Forez Energie ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 24 avril 2023, présentée par l'Association Vent du Haut-Forez et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par trois arrêtés du 3 mai 2016, le préfet de la Loire a accordé à la société SAS Monts du Forez Energie trois permis de construire pour la construction d'un poste de livraison, d'un local technique et d'un mât de mesure, au lieu-dit le Col de la Loge sur le territoire de la commune de La Chamba (Loire), pour la construction d'une éolienne, au lieu-dit Sagne Crose sur le territoire de la commune de La Côte-en-Couzan (Loire), et pour la construction de quatre éoliennes, au lieu-dit le Grand Caire sur le territoire de la commune de Saint-Jean-la-Vêtre (Loire). Par un arrêt du 3 juin 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon et rejeté la demande de l'association Vent du Haut Forez et autres tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 3 mai 2016.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
3. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux sites avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un site de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient au juge d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27 cité ci-dessus.
4. Pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet de la Loire aurait entaché la décision par laquelle il a accordé le permis de construire litigieux d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme citées ci-dessus, la cour administrative d'appel de Lyon a procédé à l'examen du caractère du site, zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique à proximité du site des Hautes Chaumes du Forez. Elle a toutefois retenu ensuite, pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché son appréciation, sur le respect par les permis de construire litigieux de l'article R. 111-27, d'erreur manifeste, d'une part, que le projet prévoit une implantation des ouvrages dans l'alignement de la crête du Grand Caire, selon un espacement régulier, créant ainsi une ligne de fuite propre à en atténuer l'impact visuel sur les paysages environnants, d'autre part, que les reliefs boisés et dômes environnants participent à éviter des ruptures d'échelle, de sorte qu'il n'en résulterait pas d'effet d'écrasement. Eu égard à l'implantation des éoliennes projetées et à la dégradation de la qualité du paysage remarquable du site en résultant en dépit des éléments mis en avant pour justifier l'atténuation de leur impact visuel, elle ne pouvait, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui étaient soumises, estimer que la décision du préfet de la Loire était exempte d'erreur manifeste d'appréciation.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ". Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la cour administrative d'appel ne pouvait, sans dénaturer les pièces du dossier, écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme par les arrêtés attaqués.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'association Vent du Haut-Forez et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société SAS Monts Forez Energie la somme de 2 000 euros à verser à l'association Vent du Haut-Forez et autres, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'association Vent du Haut-Forez et autres, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat et la société SAS Monts du Forez Energies verseront une somme de 2 000 euros à l'association Vent du Haut-Forez et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association Vent du Haut-Forez, à la société SAS Monts du Forez Energies et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 avril 2023 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 24 mai 2023.
Le président :
Signé : M. Cyril Roger-Lacan
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas