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04/10/2023 | FRANCE | N°454659

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 04 octobre 2023, 454659


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Deveryware demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2021-70-2 du 22 juin 2021 par laquelle la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a retiré la délibération n° 2021-70 du 11 mai 2021, mis en demeure la société Deveryware de se conformer à ses obligations déclaratives prévues à l'article 18-3 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 dans un délai de deux mois à comp

ter de sa notification, et décidé que cette mise en demeure serait rendue publique s...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Deveryware demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2021-70-2 du 22 juin 2021 par laquelle la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a retiré la délibération n° 2021-70 du 11 mai 2021, mis en demeure la société Deveryware de se conformer à ses obligations déclaratives prévues à l'article 18-3 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 dans un délai de deux mois à compter de sa notification, et décidé que cette mise en demeure serait rendue publique sur son site internet ;

2°) de mettre à la charge de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;

- le décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Jérôme Ortscheidt, avocat de la société Deveryware ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 18-1 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : " Un répertoire numérique assure l'information des citoyens sur les relations entre les représentants d'intérêts et les pouvoirs publics. / Ce répertoire est rendu public par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. (...) / Ce répertoire fait état, pour chaque représentant d'intérêts, des informations communiquées en application de l'article 18-3 de la présente loi. (...) ". Aux termes de l'article 18-2 de la même loi : " Sont des représentants d'intérêts, au sens de la présente section, les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les organismes mentionnés au chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de commerce et au titre II du code de l'artisanat, dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d'influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d'une loi ou d'un acte réglementaire en entrant en communication avec " un certain nombre de personnes exerçant des fonctions publiques. L'article 1er du décret du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts prévoit que les dispositions précitées de l'article 18-2 sont " également applicables à toute personne mentionnée au premier alinéa de l'article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 susvisée, dont un dirigeant, un employé ou un membre entre en communication, à son initiative, au moins dix fois au cours des douze derniers mois avec des personnes désignées aux 1° à 7° du même article en vue d'influer sur une ou plusieurs décisions publiques, notamment une ou plusieurs mesures législatives ou réglementaires ". L'article 18-3 de la même loi dispose que " Tout représentant d'intérêts communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, par l'intermédiaire d'un téléservice les informations suivantes : 1° Son identité, lorsqu'il s'agit d'une personne physique, ou celle de ses dirigeants et des personnes physiques chargées des activités de représentation d'intérêts en son sein, lorsqu'il s'agit d'une personne morale ; / 2° Le champ de ses activités de représentation d'intérêts ; /3° Les actions relevant du champ de la représentation d'intérêts menées auprès des personnes mentionnées aux 1° à 7° de l'article 18-2, en précisant le montant des dépenses liées à ces actions durant l'année précédente ; / 4° Le nombre de personnes qu'il emploie dans l'accomplissement de sa mission de représentation d'intérêts et, le cas échéant, son chiffre d'affaires de l'année précédente ; / 5° Les organisations professionnelles ou syndicales ou les associations en lien avec les intérêts représentés auxquelles il appartient. / Toute personne exerçant, pour le compte de tiers, une activité de représentation d'intérêts au sens du même article 18-2 communique en outre à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique l'identité de ces tiers. / Un décret en Conseil d'Etat, pris après un avis public de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, précise : a) Le rythme et les modalités des communications prévues au présent article ainsi que les conditions de publication des informations correspondantes ; / b) Les modalités de présentation des activités du représentant d'intérêts. ". Aux termes de l'article 2 du décret du 9 mai 2017 : " Tout représentant d'intérêts communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'une des conditions fixées à l'article 1er est remplie, les informations figurant aux 1°, 2° et 5° ainsi qu'au septième alinéa de l'article 18-3 de la loi du 11 octobre 2013 susvisée (...) ".

2. Aux termes de l'article 18-6 de la même loi : " La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s'assure du respect des articles 18-3 et 18-5 par les représentants d'intérêts. (...) ". L'article 18-7 dispose que " Lorsque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constate, de sa propre initiative ou à la suite d'un signalement, un manquement aux règles prévues aux articles 18-3 et 18-5, elle : 1° Adresse au représentant d'intérêts concerné une mise en demeure, qu'elle peut rendre publique, de respecter les obligations auxquelles il est assujetti, après l'avoir mis en état de présenter ses observations ; (...) ". L'article 8 du même décret dispose que " La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique notifie au représentant d'intérêts le ou les manquements aux obligations lui incombant. Ce dernier peut adresser ses observations dans un délai d'un mois. / A l'issue de ce délai, la Haute Autorité peut, conformément au 1° de l'article 18-7 de la loi du 11 octobre 2013 susvisée, adresser une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au représentant d'intérêts concerné. / Cette mise en demeure est susceptible de recours dans un délai de deux mois à compter de sa réception ". Enfin, aux termes de l'article 18-9 de la loi du 11 octobre 2013 : " Le fait, pour un représentant d'intérêts, de ne pas communiquer, de sa propre initiative ou à la demande de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, les informations qu'il est tenu de communiquer à cette dernière en application de l'article 18-3 est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende ".

3. La société Deveryware demande l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 22 juin 2021 par laquelle la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), a mis en demeure la société Deveryware, en application des dispositions précitées, de se conformer à son obligation de déclaration prévue à l'article 18-3 de la loi du 11 octobre 2013 dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa délibération, et décidé de publier cette mise en demeure sur son site internet.

Sur la légalité externe de la délibération attaquée :

4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; 2° Infligent une sanction ; 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; (...) ".

5. Les dispositions de l'article 18-7 de la loi du 11 octobre 2013, rappelées au point 2, qui confèrent à la HATVP le pouvoir de procéder à une mise en demeure assortie de publicité, impliquent, alors même qu'une telle décision n'entre dans aucune des catégories de décisions administratives qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, qu'elle identifie le manquement aux obligations mentionnées aux articles 18-3 ou 18-5 auquel elle invite le représentant d'intérêt à se conformer à l'avenir. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort de ses motifs que la décision attaquée du 22 juin 2021 comporte l'ensemble de ces éléments.

Sur la légalité interne de la délibération attaquée :

6. En premier lieu, si la société requérante soutient que la HATVP a entaché sa décision d'illégalité en ne recherchant pas si les démarches de son président visant à entrer en communication avec des responsables publics portaient sur des décisions publiques dans l'objectif d'exercer une influence sur celles-ci, il ressort des motifs de la décision attaquée que la Haute Autorité a considéré que les dix démarches visant à entrer en communication avec des responsables publics retenues avaient pour " objet de mettre en avant le savoir-faire de cette société en vue d'intégrer sa technologie de géolocalisation dans le cadre des évolutions de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), alors que le ministère de la justice avait annoncé le lancement prochain d'un appel d'offres ", ce qu'elle a considéré comme " visant à influer sur la décision publique " au sens de l'article 18-2 de la loi susvisée du 11 octobre 2013. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la HATVP n'a pas recherché si les démarches de son président visant à entrer en communication avec des responsables publics portaient sur des décisions publiques dans l'objectif d'exercer une influence sur celles-ci.

7. Les dispositions de l'article 1er du décret du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêt citées au point 1 prévoient que toute personne mentionnée au premier alinéa de l'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 dont un dirigeant, un employé ou un membre entre en communication, à son initiative, au moins dix fois au cours des douze derniers mois avec des personnes désignées aux 1° à 7° du même article en vue d'influer sur une ou plusieurs décisions publiques, notamment une ou plusieurs mesures législatives ou réglementaires, est soumise aux dispositions de l'article 18-2 de la loi. En retenant une période de référence de douze mois pour mesurer la fréquence des démarches des personnes concernées visant à influencer une ou plusieurs décisions publiques, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer à la HATVP de prendre en compte les " douze derniers mois " qui précèdent sa décision ou le début de la procédure contradictoire qui la précède, mais une période continue de douze mois précédant sa décision. Par suite, la HATVP a pu légalement retenir que le président de la société requérante est entré en communication avec des représentants publics au moins dix fois sur une période continue de douze mois entre le 11 janvier 2018 et le 10 janvier 2019, sans rechercher le nombre de ces démarches intervenues au cours des douze derniers mois précédant sa décision.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des déclarations des cabinets d'affaires publiques qui accompagnaient la société requérante dans ses rencontres avec les responsables publics, que ces rencontres avaient pour objet d'influer sur les caractéristiques d'un appel d'offre à venir en vue de la passation d'un contrat de la commande publique, et ne constituaient pas des contacts organisés dans le cadre du déroulement de cet appel d'offres. Par suite, la HATVP a fait une exacte application de l'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 précitée en qualifiant la société Deveryware de représentante d'intérêts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération qu'elle attaque.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Deveryware est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Deveryware et à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.

Rendu le 4 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 454659
Date de la décision : 04/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

POUVOIRS PUBLICS ET AUTORITÉS INDÉPENDANTES - AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES - HATVP – RÉPERTOIRE NUMÉRIQUE DES REPRÉSENTANTS D’INTÉRÊT – 1) POUVOIR DE MISE EN DEMEURE – ELÉMENTS DEVANT Y FIGURER – IDENTIFICATION DU MANQUEMENT [RJ1] – 2) NOTION DE REPRÉSENTANT D’INTÉRÊT – A) NOMBRE MINIMAL D’ENTRÉES EN COMMUNICATION – PÉRIODE DE RÉFÉRENCE – PÉRIODE CONTINUE DE DOUZE MOIS PRÉCÉDANT LA DÉCISION DE LA HATVP – B) CONTRÔLE DU JUGE DE L’EXCÈS DE POUVOIR – CONTRÔLE NORMAL.

52-045 1) Les dispositions de l’article 18-7 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 qui confèrent à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) le pouvoir de procéder à une mise en demeure assortie de publicité, impliquent, alors même qu’une telle décision n’entre dans aucune des catégories de décisions administratives qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), qu’elle identifie le manquement aux obligations mentionnées aux articles 18-3 ou 18-5 de cette loi auquel elle invite le représentant d’intérêt à se conformer à l’avenir....2) Les dispositions de l’article 1er du décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 prévoient que toute personne mentionnée au premier alinéa de l'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 dont un dirigeant, un employé ou un membre entre en communication, à son initiative, au moins dix fois au cours des douze derniers mois avec des personnes désignées aux 1° à 7° du même article en vue d'influer sur une ou plusieurs décisions publiques, notamment une ou plusieurs mesures législatives ou réglementaires, est soumise aux dispositions de l’article 18-2 de la loi. En retenant une période de référence de douze mois pour mesurer la fréquence des démarches des personnes concernées visant à influencer une ou plusieurs décisions publiques, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’imposer à la HATVP de prendre en compte les « douze derniers mois » qui précèdent sa décision ou le début de la procédure contradictoire qui la précède, mais une période continue de douze mois précédant sa décision. ...3) Le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur la question de savoir si une personne constitue un représentant d’intérêt au sens de l’article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE NORMAL - QUALIFICATION DE REPRÉSENTANT D'INTÉRÊT AU SENS DE LA LOI N° 2013-907 DU 11 OCTOBRE 2013.

54-07-02-03 Le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur la question de savoir si une personne constitue un représentant d’intérêt au sens de l’article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour les mises en demeures du Conseil supérieur de l’audiovisuel, CE, 10 février 2017, Société Lagardère Active Broadcast, n° 391088, T. pp. 789-790.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 oct. 2023, n° 454659
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SARL JEROME ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:454659.20231004
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