Vu la procédure suivante :
La société Fromagère d'Orbec a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen de suspendre l'exécution de la décision du 24 septembre 2021 par laquelle l'inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations du Calvados (DDPP) lui a enjoint de mettre en conformité, avec les prescriptions du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012, l'étiquetage des fromages qu'elle commercialise et qui ne bénéficient pas de l'AOC " Camembert de Normandie " et la décision du 9 décembre 2021 portant rejet de son recours hiérarchique. Par une ordonnance n° 2200197 du 18 février 2022, le juge des référés de ce tribunal, statuant sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de ces deux décisions.
Par un pourvoi, enregistré le 4 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992 ;
- le règlement (CE) n°1107/96 de la Commission du 12 juin 1996 ;
- le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 ;
- le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 1209/2013 de la Commission européenne du 25 novembre 2013 ;
- le code de la propriété intellectuelle ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 83-778 du 31 août 1983 ;
- le décret n° 86-1361 du 29 décembre 1986 ;
- le décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 ;
- le décret n° 2008-984 du 18 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Fromagère d'Orbec et au cabinet François Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 novembre 2023, présentée par la société Fromagère d'Orbec ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Fromagère d'Orbec est spécialisée dans la fabrication de camemberts qu'elle commercialise sous diverses marques, dont certaines ne bénéficient pas de l'appellation d'origine protégée (AOP) " Camembert de Normandie ". L'entreprise a fait l'objet le 11 mars 2021 d'un contrôle de la direction départementale de la protection des populations du Calvados (DDPP), qui a été suivi de l'envoi d'un courrier de pré-injonction le 31 mai 2021. Puis, la société Fromagère d'Orbec a reçu notification d'une décision du 24 septembre 2021 par laquelle l'inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la DDPP lui a enjoint de mettre en conformité avec les prescriptions de l'article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012, dans un délai de six mois, l'étiquetage de ses fromages qui ne bénéficient pas de l'AOP " Camembert de Normandie ". La société a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen de suspendre l'exécution, d'une part, de la décision du 24 septembre 2021, d'autre part, de la décision du 9 décembre 2021 portant rejet du recours hiérarchique qu'elle avait formé contre celle du 24 septembre 2021. Par une ordonnance du 18 février 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de ces deux décisions. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
Sur l'intervention de l'INAO :
3. L'Institut national de l'origine et de la qualité justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'ordonnance attaquée. Ainsi, son intervention est recevable.
Sur le pourvoi :
En ce qui concerne les moyens relatifs à l'appréciation de la condition d'urgence :
4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
5. D'une part, l'avis aux opérateurs économiques du 9 juillet 2020 de la DGCCRF les invitant à se mettre en conformité avec les dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n°1151/2012 du 21 novembre 2012 n'a pas édicté une interdiction générale et absolue dispensant d'un examen au cas par cas des emballages concernés. Par suite, contrairement à ce soutient le ministre, le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en retenant que cet avis du 9 juillet 2020 ne permettait pas à la société de prévoir l'application qui en serait faite pour chacun de ses emballages par les services de la DDPP du Calvados. D'autre part, le juge des référés n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit en se fondant, pour retenir l'existence d'un préjudice économique difficilement réversible, sur la circonstance que les effets de l'injonction étaient susceptibles d'affecter durablement la structure du marché, compte tenu du risque avéré de perte définitive d'un avantage concurrentiel sur les marchés européens et hors Union européenne, et n'a pas dénaturé les pièces du dossier soumis à son examen en estimant qu'en se bornant à invoquer la possibilité d'un recours en manquement des autorités communautaires, l'administration n'établissait pas l'existence d'une urgence à ce que la mesure d'injonction demeure exécutoire en dépit des conséquences économiques qui en résultent pour la requérante.
En ce qui concerne les moyens relatifs à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, l'appellation d'origine est une dénomination qui définit un produit " comme étant a) originaire d'un lieu déterminé, d'une région, ou, dans des cas exceptionnels, d'un pays ; b) dont la qualité ou les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains ; et c) dont toutes les étapes de production ont lieu dans l'aire géographique délimitée ". Aux termes de l'article 13 du même règlement : " 1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre : / a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée à l'égard des produits non couverts par l'enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; / b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que " genre ", " type ", " méthode ", " façon ", " imitation ", ou d'une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; / c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit ; / d) toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. / Lorsqu'une appellation d'origine protégée ou une indication géographique protégée contient en elle-même le nom d'un produit considéré comme générique, l'utilisation de ce nom générique n'est pas considérée comme contraire au premier alinéa, point a) ou b). / 2. Les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées ne peuvent pas devenir génériques. / 3. Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l'utilisation illégale visée au paragraphe 1 d'appellations d'origine protégées ou d'indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire (...) ". Aux termes du 6) de l'article 3 du même règlement, les mentions génériques sont définies comme les dénominations de produits qui, bien que se rapportant au lieu, à la région ou au pays de production ou de commercialisation initiale, sont devenues la dénomination commune d'un produit dans l'Union. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 643-2 du code rural et de la pêche maritime : " L'utilisation d'indication d'origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit, de détourner ou d'affaiblir la notoriété d'une dénomination reconnue comme appellation d'origine ou enregistrée comme indication géographique ou comme spécialité traditionnelle garantie, ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l'utilisation abusive d'une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d'origine, aux indications géographiques et aux spécialités traditionnelles garanties ".
7. La dénomination " camembert de Normandie " constitue, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, une appellation d'origine protégée au sens du titre II du règlement (UE) n° 1151/2012. Elle bénéficie, par suite, de la protection résultant des dispositions citées au point 6. Si tout fromage répondant aux prescriptions du décret du 27 avril 2007 concernant le produit dénommé " camembert " peut, conformément au dernier alinéa du paragraphe 1 de l'article 13 de ce même règlement, utiliser la dénomination " camembert ", dont il est constant qu'elle présente un caractère générique, il résulte de ces dispositions qu'il ne peut le faire que dans des conditions qui ne sont pas de nature à porter atteinte à la protection attachée à la dénomination " camembert de Normandie ". En particulier, il ne saurait être fait mention, en association avec le terme générique " camembert ", de l'origine " Normandie ", laquelle ne constitue pas un terme générique, d'une manière telle que cette association de termes, en reprenant l'essentiel de la dénomination protégée, conduise le consommateur à avoir directement à l'esprit, à la lecture de cette mention, le fromage bénéficiant de l'appellation d'origine.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Caen que le procès-verbal annexé au courrier d'injonction mentionné au point 2 identifie comme non conformités aux dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n°1151/2012 du 21 novembre 2012, premièrement, la présence sur les étiquettes de la mention " fabriqué en Normandie " pour les fromages " Lanquetot " destinés à la restauration et à l'exportation, " Cravate ", " le Bien fait " et " Constellation ", deuxièmement, la présence de mentions " au lait normand " ou " au lait (...) (origine : Normandie) " pour les fromages " Lanquetot " destiné à la vente au détail, " Le Fameux Normand ", " Gerbe d'Or " et " Best moments ", troisièmement, la présence d'un graphisme reproduisant le blason de la Normandie pour les trois fromages de la marque " Lanquetot " et celui de la marque " Constellation ", quatrièmement, enfin, l'usage de la mention " le Fameux Normand " pour le fromage du même nom.
9. Le juge des référés a estimé que, compte tenu des caractéristiques formelles des mentions et du graphisme mis en cause, ainsi que de leur signification, le moyen tiré de ce que leur utilisation n'est pas contraire aux dispositions de l'article 13 du règlement n° 1151/2012 sanctionnant l'usurpation, l'imitation ou l'évocation d'une AOP était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 24 septembre 2021, d'une part, de même que, d'autre part, le moyen tiré de ce que celle-ci méconnaît les dispositions du dernier alinéa du 1 de ce même article 13 selon lesquelles, lorsqu'une AOP contient en elle-même le nom d'un produit considéré comme générique, l'utilisation de ce nom générique n'est pas considérée comme contraire au premier alinéa, points a) ou b) du même article.
10. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les mentions " au lait normand " ou " au lait (...) (origine : Normandie) ", sur l'étiquette des fromages " Le Fameux Normand ", " Gerbe d'Or " et " Best moments ", figurent au dos de l'emballage, en petits caractères, sans être mis en exergue, et n'associent la Normandie qu'à l'origine du lait entrant dans la composition du fromage et non au terme camembert. Le juge des référés du tribunal administratif de Caen n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis en estimant, s'agissant de ces mentions, que les moyens précités étaient de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 24 septembre 2021.
11. En revanche, s'agissant des autres mentions et des graphismes regardés comme non conformes aux dispositions de l'article 13 du règlement n°1151/2012 par la décision du 24 septembre 2021, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par leur agencement et leurs modalités concrètes d'apposition, sur la face avant de l'emballage et associant directement la référence à la Normandie, que ce soit par les termes employés ou la reproduction du blason caractéristique de la Normandie, au terme camembert lui-même, notamment à sa fabrication, ces mentions et graphismes sont de nature à conduire le consommateur à avoir directement à l'esprit le fromage bénéficiant de l'appellation d'origine. Par suite, en estimant que tel n'était pas le cas et en regardant les moyens précités comme étant de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 24 septembre 2021, le juge des référés a, s'agissant de ces mentions et graphismes, dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
12. En deuxième lieu, toutefois, aux termes du paragraphe 2 de l'article 14 du règlement (UE) précité : " Sans préjudice de l'article 6, paragraphe 4, une marque dont l'utilisation enfreint l'article 13, paragraphe 1, et qui a été déposée, enregistrée, ou acquise par l'usage dans les cas où cela est prévu par la législation concernée, de bonne foi sur le territoire de l'Union, avant la date du dépôt auprès de la Commission de la demande de protection relative à l'appellation d'origine ou à l'indication géographique, peut continuer à être utilisée et renouvelée pour ce produit nonobstant l'enregistrement d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique, pour autant qu'aucun motif de nullité ou de déchéance, au titre du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ou de la directive 2008/95/CE, ne pèse sur la marque. En pareil cas, l'utilisation tant de l'appellation d'origine protégée ou de l'indication géographique protégée que des marques concernées est autorisée ".
13. C'est sans dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis que le juge des référés a relevé que le graphisme du camembert " Lanquetot " dont l'écusson reproduit le blason de la Normandie, d'une part, et la dénomination " Le Fameux Normand ", d'autre part, sont des éléments constitutifs demeurés inchangés, malgré des évolutions marginales de certains graphismes, de la représentation de marques déposées antérieurement à la demande d'enregistrement de l'AOP " Camembert de Normandie ", dès lors qu'il ressort de ces pièces que ces marques ont été enregistrées, respectivement, en 1993 et 1987, et que la demande d'enregistrement de l'AOP a été effectuée le 21 janvier 1994. Dès lors qu'il n'était pas soutenu devant lui que ces marques seraient frappées d'un motif de nullité ou de déchéance, c'est sans erreur de droit que le juge des référés du tribunal administratif de Caen en a déduit que le moyen tiré de ce que la décision du 24 septembre 2021 méconnaît la protection des marques antérieures, prévue à l'article 14 du règlement n° 1151/2012, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cette décision en tant qu'elle enjoint de supprimer l'utilisation du graphisme du camembert " Lanquetot " et la dénomination " Le Fameux Normand ".
14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il conteste, sauf en tant qu'elle porte, d'une part, sur les mentions de l'origine du lait figurant sur les étiquettes des produits " Le Fameux Normand ", " Gerbe d'Or " et " Best moments " et, d'autre part, sur l'usage de la dénomination le " Fameux Normand " et de l'écusson évoquant le blason de la Normandie utilisé par la marque " Lanquetot ".
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, sur la demande de suspension présentée par la société Fromagère d'Orbec en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
16. Les moyens soulevés par la requérante tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte litigieux, de la méconnaissance des principes de séparation des pouvoirs, d'indépendance et d'impartialité garantis par les articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du vice de procédure dont cet acte serait entaché en raison de la partialité de son auteure, de l'atteinte au principe de sécurité juridique du fait de ce que le maintien de l'utilisation de la mention " fabriqué en Normandie " était une condition de l'existence de l'AOC " Camembert de Normandie " et qu'elle est devenue un usage, de l'édiction d'une interdiction générale et absolue en méconnaissance de l'article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012, de la méconnaissance du régime dérogatoire fixé au deuxième alinéa du paragraphe 1 de cet article 13 et de la rupture d'égalité entre fabricants de camembert ne sont pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées.
17. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que le surplus de la demande de suspension présentée par la société Fromagère d'Orbec, devant le juge des référés du tribunal administratif de Caen doit être rejeté.
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante, pour l'essentiel, dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'Institut national de l'origine et de la qualité est admise.
Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Caen du 18 février 2022 est annulée en tant qu'elle a prononcé la suspension de l'exécution des décisions des 24 septembre 2021 et 9 décembre 2021 sauf en ce qu'elles portent sur les mentions de l'origine du lait telles figurant sur les étiquettes des produits " Le Fameux Normand ", " Gerbe d'Or " et " Best moments ", d'une part, et sur l'usage de la dénomination le " Fameux Normand " et de l'écusson évoquant le blason de la Normandie utilisé par la marque " Lanquetot ", d'autre part.
Article 3 : Les conclusions de la société Fromagère d'Orbec tendant à la suspension de l'exécution des décisions des 24 septembre 2021 et 9 décembre 2021 en tant qu'elles portent sur d'autres éléments que les mentions de l'origine du lait figurant sur les étiquettes des produits " Le Fameux Normand ", " Gerbe d'Or " et " Best moments ", d'une part, et l'usage de la dénomination le " Fameux Normand " et de l'écusson évoquant le blason de la Normandie utilisé par la marque " Lanquetot ", d'autre part, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la société Fromagère d'Orbec et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Nicole da Costa, conseillers d'Etat et Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 4 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Juliana Nahra
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin