Vu la procédure suivante :
Par décision du 30 juin 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. A... dirigées contre l'arrêt du 13 octobre 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant seulement que cet arrêt a jugé que les rectifications litigieuses concernant les sommes versées par la SARL Lumières de Corse sur son compte bancaire devaient être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique déclare s'en remettre, sur les mérites des conclusions admises, à la sagesse du Conseil d'Etat, et dans l'éventualité d'un règlement de l'affaire au fond, sollicite une substitution de base légale pour fonder l'imposition en litige.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2013 et 2014, au cours duquel l'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire. Par deux propositions de rectifications du 11 juillet 2016, l'administration lui a notifié, selon la procédure de rectification contradictoire pour l'année 2006 et selon la procédure d'évaluation d'office pour les années 2007, 2008 et 2009, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant de la réintégration, dans ses revenus, de fonds détournés dans le cadre d'activité illicites exercées entre 2006 et 2009. M. A... a demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge de l'ensemble de ces cotisations supplémentaires. Il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 octobre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel contre le jugement du 5 juillet 2020 du tribunal administratif de Marseille qui l'a déchargé uniquement de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 et a rejeté le surplus de sa demande. Par une décision du 30 juin 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. A... dirigées contre l'arrêt du 13 octobre 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant seulement que cet arrêt a jugé que les rectifications litigieuses concernant les sommes versées par la SARL Lumières de Corse sur son compte bancaire devaient être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
2. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus./ (...) ". Aux termes de l'article 109 du même code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ".
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que par les rectifications litigieuses, les revenus de M. A... au titre des années 2006 à 2008 ont été rehaussés par la réintégration de sommes versées sur son compte bancaires par la SARL Lumières de Corse, constitutives de détournements de fonds au détriment de cette société dont il était gérant. Il résulte des dispositions citées au point 2 que de telles sommes ont le caractère de revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 109 du code général des impôts, et ne peuvent par conséquent être imposées dans celle des bénéfices non commerciaux sur le fondement de son article 92. En ne relevant pas que l'administration fiscale, qui a imposé ces sommes dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, s'est méprise sur la catégorie dans laquelle elles doivent être imposées, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. M. A... est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, en tant qu'il se prononce sur la catégorie d'imposition de ces sommes.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans la mesure de la cassation prononcée.
5. Il résulte de ce qui est dit au point 3 qu'en imposant dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les sommes en litige, alors qu'elles doivent l'être dans celle des revenus de capitaux mobiliers, l'administration s'est méprise sur leur catégorie d'imposition.
6. Toutefois, l'administration est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée par elle, dès lors que cette substitution peut être faite sans méconnaître les règles de la procédure d'imposition. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat, en cas de règlement au fond, de substituer, pour l'imposition des sommes en litige, au fondement erroné de l'article 92 du code général des impôts, celui de son article 109. Il y a lieu de faire droit à cette demande de substitution, qui ne prive le contribuable d'aucune des garanties qu'il tire des règles de la procédure d'imposition et qui est de nature à justifier le bien-fondé de l'imposition contestée.
7. M. A... n'est, par suite, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 5 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions réclamées au titre des sommes versées sur son compte bancaire par la SARL Lumières de Corse.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 13 octobre 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il se prononce sur la catégorie d'imposition des sommes versées par la SARL Lumières de Corse sur le compte bancaire de M. A....
Article 2 : Les conclusions de l'appel de M. A... relatives à l'imposition de ces mêmes sommes sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 novembre 2023 où siégeaient : M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat, présidant ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 13 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Philippe Ranquet
La rapporteure :
Signé : Mme Nicole da Costa
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova