Vu les procédures suivantes :
Par une décision n° 426936, 427032 du 27 novembre 2020, le Conseil d'État, statuant au contentieux sur les pourvois de Mme E... et autres et de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine, a annulé l'arrêt n° 16NT02649 du 9 novembre 2018, rectifié par un arrêt du 10 mai 2019, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes et sur appel incident de Mme E... et autres, réduit les montants des indemnités qui leur avaient été accordées, en réformant le jugement n° 1204312 du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes avait, d'une part, condamné le CHU à réparer les préjudices subis par Mme I... E..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, M. C... E..., Mme F... E..., M. O... E..., Mme A... P..., M. B... E..., Mme N... E..., M. G... E..., M. J... E..., Mme L... Q..., M. K... E..., M. D... E..., M. H... E... et M. M... P..., à la suite de la prise en charge de Mme I... E... dans cet établissement, et avait, d'autre part, fait droit aux conclusions présentées par le département d'Ille-et-Vilaine en condamnant le CHU de Rennes à lui rembourser la somme de 153 499,72 euros au titre de prestations versée à Mme E.... Par cette décision, le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes qui a statué à nouveau par son arrêt n° 20NT03706, 20NT03710 du 15 octobre 2021.
1° Sous le n° 449137, par une requête en tierce opposition, enregistrée le 27 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département d'Ille-et-Vilaine demande au Conseil d'Etat de déclarer non avenue sa décision n° 426936, 427032 du 27 novembre 2020 en tant qu'elle annule l'arrêt du 9 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes rejetant les conclusions du CHU de Rennes dirigées contre le jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes en tant que l'article 10 de ce jugement condamne l'établissement à lui verser la somme de 153 499,72 euros au titre des prestations versée à Mme E....
2° Sous le n° 459508, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2021 et 15 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département d'Ille-et-Vilaine demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 20NT03706, 20NT03710 du 15 octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d'appel, ressaisie du litige, annule le jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes en tant que ce jugement condamne le CHU de Rennes à l'indemniser et rejette ses conclusions indemnitaires dirigées contre cet établissement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions du CHU de Rennes tendant à l'annulation, dans cette mesure, du jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Rennes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du département d'Ille-et-Vilaine, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du CHU de Rennes.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° 426936, 427032 du 27 novembre 2020, le Conseil d'État, statuant au contentieux sur les pourvois de Mme E... et autres et de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine, a annulé l'arrêt du 9 novembre 2018, tel que rectifié par un arrêt du 10 mai 2019, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a statué sur les requêtes d'appel dirigées par Mme E... et autres et par la CPAM d'Ille-et-Vilaine contre le jugement du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné le CHU de Rennes, d'une part, à indemniser les préjudices ayant résulté pour Mme E... et ses proches et pour la CPAM d'Ille-et-Vilaine des conditions de la prise en charge de Mme E... dans cet établissement, d'autre part, à rembourser au département d'Ille-et-Vilaine le montant des prestations servies par celui-ci à Mme E... en raison des mêmes faits. Sous le n° 449137, le département d'Ille-et-Vilaine forme une requête en tierce opposition contre cette décision. Sous le n° 459508, le département d'Ille-et-Vilaine se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 octobre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, ressaisie du litige par l'effet de la décision du 27 novembre 2020, a annulé le jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes en tant que ce jugement a condamné le CHU de Rennes à l'indemniser du montant des prestations versées à Mme E... et a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre cet établissement. La requête en tierce opposition et le pourvoi du département d'Ille-et-Vilaine présentent à juger des questions liées. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur la requête en tierce opposition du département d'Ille-et-Vilaine :
2. En vertu des dispositions de l'article R. 832-1 du code de justice administrative, toute personne qui n'a été ni appelée, ni représentée dans l'instance peut former tierce opposition à une décision du Conseil d'Etat rendue en matière contentieuse. Cette voie de rétractation est ouverte à ceux qui se prévalent d'un droit auquel la décision entreprise aurait préjudicié.
En ce qui concerne la recevabilité de la tierce opposition :
3. D'une part, le département d'Ille-et-Vilaine, dont l'indemnisation prononcée par l'article 10 du jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes serait devenue définitive si la décision du Conseil d'Etat n'avait pas annulé l'intégralité du dispositif de l'arrêt du 9 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes, en ce compris l'article par lequel il rejetait le surplus des conclusions d'appel des parties contre ce jugement, se prévaut d'un droit auquel cette décision a préjudicié.
4. D'autre part, il résulte de l'instruction que le département d'Ille-et-Vilaine, qui n'était représenté à l'instance devant le Conseil d'Etat, ni par Mme E... et autres ni par la CPAM d'Ille-et-Vilaine, n'y a pas été régulièrement appelé.
5. Dans ces conditions, sa tierce-opposition est recevable.
En ce qui concerne le bien-fondé de la tierce-opposition :
6. Il résulte de l'instruction que, par son article 10, le jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes a condamné le CHU de Rennes à verser au département d'Ille-et-Vilaine une somme de 153 499,72 euros, avec intérêts de droit à compter du 17 mars 2016, au titre de prestations servies par le département à Mme E... à la suite de sa prise en charge par le CHU de Rennes. Il est constant que cet article 10 ne faisait grief ni à Mme E... et autres ni à la CPAM d'Ille-et-Vilaine. Par l'article 9 de l'arrêt du 9 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes, qui n'a pas annulé l'article 10 du jugement, a rejeté le surplus des conclusions d'appel de Mme E... et autres et de la CPAM d'Ille-et-Vilaine. Par une ordonnance du 16 décembre 2019, le président de la 5ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a donné acte au CHU de Rennes du désistement de son pourvoi formé contre cet arrêt sous le n° 426940. Par suite, le Conseil d'Etat, qui n'était plus saisi que des pourvois formés contre cet arrêt par Mme E... et autres, sous le n° 426936, et par la CPAM d'Ille-et-Vilaine, sous le n° 427032, ne pouvait prononcer l'annulation de l'arrêt du 9 novembre 2018 sans faire la réserve de l'indemnisation du département d'Ille-et-Vilaine prononcée par l'article 10 du jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes.
7. Il y a lieu, dès lors, d'accueillir la requête dans cette mesure et de déclarer non avenue la décision du Conseil d'Etat du 27 novembre 2020 en tant qu'elle annule l'arrêt du 9 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes, qui a rejeté les conclusions formées par le CHU de Rennes contre le jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes, sans réserver, par son dispositif, l'article 10 de ce jugement.
Sur le pourvoi du département d'Ille-et-Vilaine :
8. La cour administrative d'appel de Nantes, ayant, par l'arrêt attaqué du 15 octobre 2021, statué sur renvoi du Conseil d'Etat, il résulte de la déclaration de nullité prononcée au point 7 de la présente décision, qu'elle n'était pas saisie, après ce renvoi, de l'article 10 du jugement du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes avait condamné le CHU de Rennes à indemniser le département d'Ille-et-Vilaine. Il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, d'annuler l'arrêt attaqué en tant que, par son article 2, il a annulé l'article 10 de ce jugement. Il s'ensuit que l'article 10 du jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes présente un caractère définitif. Aucune question ne restant à juger, il n'y a lieu ni de statuer au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ni de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 449137 :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Rennes la somme de 3 000 euros à verser au département d'Ille-et-Vilaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La tierce opposition formée par le département d'Ille-et-Vilaine sous le n° 449137 est admise.
Article 2 : La décision n° 426936, 427032 du 27 novembre 2020 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, est déclarée non avenue en tant qu'elle annule l'arrêt du 9 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes qui a rejeté les conclusions formées par le CHU de Rennes contre le jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes, sans réserver, par son dispositif, l'article 10 de ce jugement qui condamne cet établissement à verser une somme au département d'Ille-et-Vilaine.
Article 3 : L'arrêt du 15 octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant, d'une part, qu'il annule le jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes en ce que, par son article 10, ce jugement condamne le CHU de Rennes à indemniser le département d'Ille-et-Vilaine et en tant, d'autre part, qu'il rejette les conclusions indemnitaires dirigées par le département contre cet établissement.
Article 4 : Le CHU de Rennes versera la somme de 3 000 euros au département d'Ille-et-Vilaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présence décision sera notifiée au conseil départemental d'Ille-et-Vilaine, au centre hospitalier universitaire de Rennes, à Mme I... E..., première défenderesse désignée, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 novembre 2023 où siégeaient : M. Jean Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 27 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire