Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 473593, Mme B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 7 avril 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à son statut de réfugiée sur le fondement de l'article L. 511 8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de la maintenir dans ce statut et cette qualité. Par une décision n° 22025037 du 22 décembre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 25 avril et 24 juillet 2023 et le 11 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'OFPRA le versement d'une somme de 3 500 euros à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, son avocat, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
2° Sous le n° 473594, Mme C... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 7 avril 2022 par laquelle le directeur général de l'OFPRA a mis fin à son statut de réfugiée sur le fondement de l'article L. 511-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de la maintenir dans ce statut et cette qualité. Par une décision n° 22025035 du 22 décembre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 25 avril et 24 juillet 2023 et le 11 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'OFPRA le versement d'une somme de 3 500 euros à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, son avocat, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs aux réfugiés ;
- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme B... A... et de Mme C... A..., et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.
2. D'une part, en vertu de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, devenu l'article L. 511-7, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) met fin au statut de réfugié, sans remettre en cause la qualité de réfugié, lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de l'intéressé constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ou lorsque l'intéressé a été condamné en dernier ressort en France, soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou une apologie publique d'un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et que sa présence en France constitue une menace grave pour la société.
3. D'autre part, il résulte de l'article L. 511-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'OFPRA cesse de reconnaître la qualité de réfugié et met fin par voie de conséquence au statut de réfugié d'une personne dans les cas énumérés à cet article, notamment lorsque, conformément au 5 de la section C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, les circonstances à la suite desquelles cette personne a été reconnue réfugiée ont cessé d'exister, de sorte qu'elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mmes B... et C... A..., ressortissantes kosovares, ont obtenu le statut de réfugié en 2009, alors qu'elles étaient mineures, en application du principe de l'unité de la famille, ce statut ayant été octroyé à leurs parents. Par des décisions du 26 juin et du 21 octobre 2019 devenues définitives, l'OFPRA a retiré le statut de réfugié à leurs parents en application des dispositions mentionnées au point 2. Par deux décisions du 7 avril 2022, l'OFPRA a mis fin à leur statut de réfugiées sur le fondement des dispositions et stipulations mentionnées au point 3. Les requérantes se pourvoient en cassation contre les décisions du 22 décembre 2022 par lesquelles la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leurs recours contre ces décisions
5. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 131-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La grande formation de la cour comprend la formation de jugement saisie du recours, complétée par le vice-président ou le plus ancien des vice-présidents ou un président de section ou de chambre, deux assesseurs choisis parmi les personnalités mentionnées au 2° de l'article L. 732-1 et deux assesseurs choisis parmi les personnalités mentionnées au 3° du même article. / (...) Elle est présidée par le président de la cour et, en cas d'empêchement, par le vice-président ou le plus ancien des vice-présidents. / Les membres qui complètent ainsi la formation de jugement saisie du recours sont désignés selon un tableau établi annuellement (...) ".
6. La seule circonstance qu'un membre de la formation de jugement saisie initialement du recours soit absent lorsque la grande formation de la Cour se prononce sur ce recours n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la composition de celle-ci. Par suite, le moyen tiré de ce que la Cour nationale du droit d'asile a pris sa décision en siégeant dans une formation irrégulière doit être écarté.
7. En second lieu, les principes généraux du droit applicables aux réfugiés, résultant notamment des stipulations de la Convention de Genève, imposent, en vue d'assurer pleinement au réfugié la protection prévue par cette convention, que la même qualité soit reconnue à la personne de même nationalité qui était unie par le mariage à un réfugié à la date à laquelle celui-ci a demandé son admission au statut, ainsi qu'aux enfants mineurs de ce réfugié.
8. Le retrait du statut de réfugié, en application de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devenu L. 511-7 du même code, aux parents d'une personne s'étant vu reconnaître le statut de réfugié au titre de l'unité de famille constitue un changement des circonstances ayant justifié la reconnaissance de cette qualité à cette personne au sens des dispositions et des stipulations citées au point 3. Il appartient, dès lors, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis, le cas échéant, à la Cour nationale du droit d'asile, d'apprécier, compte tenu de ce changement et au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si l'intéressé, doit continuer à bénéficier de la protection qui lui avait été accordée.
9. Pour rejeter les requêtes de Mmes B... et C... A..., la Cour a pu, sans erreur de droit, estimer, d'une part, que le retrait du statut de réfugié à leurs parents, en application des dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, constituait un changement des circonstances ayant justifié la reconnaissance de cette qualité à leur bénéfice et, d'autre part, que ni les pièces du dossier ni les déclarations des requérantes ne permettaient de tenir pour fondées les craintes personnelles et actuelles qu'elles invoquaient en cas de retour au Kosovo ou en Serbie.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation des décisions qu'elles attaquent.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'OFPRA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de Mme B... et de Mme C... A... sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme C... A..., à Mme B... A... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mai 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 28 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Eche
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard