Vu la procédure suivante :
M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Caen de leur accorder le bénéfice du crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement complémentaire prévu par le E du II de l'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 au titre de l'impôt établi sur leurs revenus de l'année 2019. Par un jugement n° 2100629 du 2 juin 2022, ce tribunal a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 22NT02543 du 26 mai 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. et Mme A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 juillet 2023, 26 octobre 2023 et 29 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. et Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. C... A..., notaire, exerce en qualité d'associé au sein de la société civile professionnelle (SCP) A... et Paquet-Heurtevent depuis le 19 février 2014. Il a perçu des revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux jusqu'au 31 décembre 2018 et a bénéficié d'un crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement d'un montant de 82 664 euros. La société ayant opté pour l'imposition à l'impôt sur les sociétés à compter du 1er janvier 2019, M. A... a déclaré, au titre de l'imposition des revenus de l'année 2019, sa rémunération de dirigeant dans la catégorie des traitements et salaires. M. et Mme A... ont formé une réclamation le 7 octobre 2020 afin de bénéficier, au titre de l'imposition des revenus de 2019, d'un complément de ce crédit d'impôt d'un montant de 23 463 euros en se prévalant notamment des bénéfices non commerciaux que M. A... aurait déclarés au titre de l'année 2019 si la société n'avait pas opté pour l'impôt sur les sociétés. Leur demande a été rejetée le 22 janvier 2021. M. et Mme A... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 23 mai 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre le jugement du 13 octobre 2021 du tribunal administratif de Caen ayant rejeté leur demande tendant à ce que leur soit accordé le bénéfice du crédit d'impôt modernisation du recouvrement complémentaire au titre de l'impôt établi sur leurs revenus de l'année 2019.
2. Aux termes du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 : " 1. Le montant net imposable des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux à retenir au numérateur du rapport prévu au B du présent II pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A est déterminé, pour chaque membre du foyer fiscal et pour chacune de ces catégories de revenus, dans les conditions prévues à l'article 204 G du code général des impôts, à l'exception du 6° du 2 et du 4 du même article 204 G. / 2. Le montant défini au 1 du présent E, le cas échéant après application des abattements prévus aux articles 44 sexies à 44 septdecies du code général des impôts, est retenu dans la limite du plus faible des deux montants suivants : 1° Le bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements prévus aux mêmes articles 44 sexies à 44 septdecies ; 2° Le plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements prévus audits articles 44 sexies à 44 septdecies. (...) / 3. En cas d'application du 2° du 2 du présent E, le contribuable peut obtenir un crédit d'impôt complémentaire dans les conditions suivantes : / 1° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est supérieur ou égal au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable bénéficie d'un crédit d'impôt complémentaire, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2019, égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ; / 2° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, mais supérieur au plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017 retenus en application du 2° du 2, le contribuable bénéficie, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu au titre de 2019, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la différence entre : / a) Le crédit d'impôt calculé en retenant au numérateur du rapport prévu au B du présent II le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E ; / b) Et le crédit d'impôt déjà obtenu en application du 2 du présent E ; / 3° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable peut bénéficier, par voie de réclamation, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ou du 2° du présent 3, s'il justifie que la hausse de son bénéfice déclaré en 2018 par rapport aux trois années précédentes et à l'année 2019 résulte uniquement d'un surcroît d'activité en 2018 (...) ".
3. Il résulte des dispositions citées au point 2 ci-dessus, éclairées par leurs travaux préparatoires, que, pour tenir compte de la possibilité qu'ont les travailleurs indépendants de procéder à des arbitrages sur les recettes et les charges servant à la détermination de leur bénéfice et ainsi maximiser leur bénéfice en 2018, le caractère non exceptionnel du bénéfice de 2018 est apprécié sur une période pluriannuelle. Ainsi, si un contribuable imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles ou des bénéfices non commerciaux réalise, au titre de l'année 2018 et pour une même catégorie de revenus, un bénéfice supérieur au plus élevé des montants de ses bénéfices de 2015, 2016 ou 2017, le crédit d'impôt de modernisation du recouvrement dont il peut bénéficier est calculé sur la base du bénéfice le plus élevé de ces trois années, la différence étant réputée constituer un revenu exceptionnel. Si son bénéfice au titre de 2019 est plus élevé que celui de 2018, le bénéfice de 2018 est réputé ne plus être exceptionnel de sorte qu'il est octroyé de plein droit au contribuable un crédit d'impôt complémentaire effaçant l'intégralité de l'impôt qu'il a acquitté au titre de 2018 sur ce bénéfice. Si son bénéfice de 2019 est inférieur à son bénéfice de 2018 mais supérieur au plus élevé des bénéfices réalisés en 2015, 2016 et 2017, il lui est également octroyé de plein droit un crédit d'impôt complémentaire, limité à la différence entre celui correspondant au bénéfice le plus élevé des trois années de référence et celui correspondant au bénéfice réalisé en 2019. Il peut en outre, dans tous les cas où le bénéfice imposable dans une catégorie de revenus donnée est, en 2019, inférieur à celui de 2018, y compris lorsqu'il est nul, former auprès de l'administration fiscale une réclamation tendant au bénéfice d'un complément de crédit d'impôt permettant d'éliminer la totalité de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2018 à raison de cette catégorie de revenus, sous réserve qu'il établisse que la part du bénéfice de cette année excédant celui des quatre années de référence correspond à un surcroît d'activité de 2018 et non, notamment, à un report ou une anticipation de bénéfices afférents à une activité réalisée en 2017 ou 2019.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel qu'au soutien de leur demande tendant à ce que leur soit accordé le bénéfice du crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement complémentaire, M. et Mme A... soutenaient devant la cour que, dans l'hypothèse où les dispositions des 1° et 2° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 devraient être interprétées en ce sens qu'un contribuable ne saurait se prévaloir, pour le calcul du crédit d'impôt complémentaire prévu par ces dispositions, de la reconstitution d'un montant fictif de bénéfices imposables au titre de l'année 2019 à partir des revenus déclarés au titre de la même année dans une autre catégorie d'imposition, notamment celle des traitements et salaires, ils pourraient en bénéficier sur le fondement du 3° du 3 du E du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 dès lors que le bénéfice non commercial réalisé par M. A... en 2019 était inférieur à celui qu'il avait réalisé en 2018 à raison d'un surcroît d'activité. En omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité.
5. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. et Mme A... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 26 mai 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 mai 2024 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.
Rendu le 24 juin 2024.
Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
Le secrétaire :
Signé : M. Aurélien Engasser