Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du maire de Nice du 25 juillet 2017 accordant à l'entreprise Côte d'Azur Bâtiment un permis de démolir un balcon édifié sur un immeuble situé au 15 rue de la Préfecture et 7 rue Saint Vincent à Nice (Alpes-Maritimes), ainsi que la décision du 26 octobre 2017 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1705725 du 10 août 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20MA03834 du 17 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et, statuant par voie d'évocation, rejeté la demande de première instance.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 janvier et 17 avril 2023 et le 22 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nice et du syndicat des copropriétaires du 15 rue de la Préfecture et 7 rue Saint Vincent la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. B..., à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Nice et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat du syndicat des copropriétaires du 15 rue de la préfecture /7 rue Saint-Vincent.
Considérant ce qui suit :
1 Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 25 juillet 2017, le maire de Nice a délivré à l'entreprise Côte d'Azur Bâtiment, mandataire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 15 rue de la Préfecture et 7 rue Saint-Vincent à Nice, un permis de démolir un balcon dépendant de l'appartement appartenant à M. B..., dont la dépose pour permettre la remise en état de la toiture de l'immeuble avait été autorisée, aux frais du syndicat, et sans préjudice de la contestation portant sur la propriété de ce balcon, par une ordonnance du 17 janvier 2017 du juge des référés du tribunal de grande instance de Nice. Par un arrêté du 31 mai 2018, le maire de Nice a transféré ce permis au syndicat des copropriétaires. Par un jugement du 10 août 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. Par un arrêt du 17 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 10 août 2020 pour irrégularité et, statuant par voie d'évocation, a rejeté la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif. M. B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Le I de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, permet d'établir, sur tout ou partie d'un site patrimonial remarquable créé en application du titre III du livre VI du code du patrimoine, un plan de sauvegarde et de mise en valeur qui, sur le périmètre qu'il recouvre, tient lieu de plan local d'urbanisme. Selon le III du même article : " (...) Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut (...) comporter l'indication des immeubles ou parties intérieures ou extérieures d'immeubles : (...) dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales (...) ". Le deuxième alinéa du II de l'article 112 de la loi du 7 juillet 2016 prévoit que les " secteurs sauvegardés " créés, comme celui de Nice, avant la publication de cette loi " deviennent de plein droit des sites patrimoniaux remarquables, au sens de l'article L. 631-1 du code du patrimoine, et sont soumis au titre III du livre VI du même code. Le plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé applicable à la date de publication de la présente loi est applicable après cette date dans le périmètre du site patrimonial remarquable ".
3. Aux termes de l'article US.0 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) de Nice relatif aux occupations du sol protégées : " On distingue dans l'ensemble du Secteur Sauvegardé les immeubles "protégés" et les immeubles "à conserver" (...) O.2 Les immeubles protégés au titre des monuments historiques ainsi que ceux à conserver doivent être maintenus et, en tant que de besoin, restaurés ou améliorés. / Ces mesures s'étendent aux éléments d'architecture et de décoration extérieurs et intérieurs tels que : escaliers, rampes, balcons, limons, encorbellements, lambris, vantaux de porte, cheminées, motifs sculptés, peintures, gypseries et tous éléments appartenant à ces immeubles par nature ou par destination, à l'exception des éléments ou parties de construction repérés par la lettre E ou M sur le plan du PSMV et dans le règlement. " Une annexe à ce plan fixe la " liste exhaustive des immeubles et parties d'immeubles faisant l'objet d'écrêtements et de modifications dans le secteur sauvegardé ".
4. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'immeuble situé 15 rue de la Préfecture et 7 rue Saint-Vincent est situé dans le périmètre du PSMV de la commune de Nice approuvé par décret du 17 décembre 1993, qu'il est identifié par ce plan parmi les immeubles " à conserver " et qu'aucun élément ou partie de construction de cet immeuble n'est repéré par la lettre " E " ou la lettre " M " dans le document annexe intitulé " Liste exhaustive des écrêtements et modifications dans le secteur sauvegardé ". Il suit de là qu'en application des dispositions citées au point précédent, aucun élément ou partie de construction de cet immeuble ne peut être supprimé. Par suite, en jugeant que le balcon dont la démolition a été autorisée par l'arrêté litigieux, de même d'ailleurs que l'ensemble de l'appartement de M. B..., élevé en attique à une époque postérieure à la construction de l'immeuble, n'étaient pas au nombre des éléments dont l'article US.0 du PSMV impose le maintien au motif qu'ils déparaient la toiture de l'immeuble, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
5. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 15 rue de la Préfecture et 7 rue Saint-Vincent à Nice et de la commune de Nice le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros chacun à ce titre.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 17 novembre 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Le syndicat des copropriétaires du 15 rue de la Préfecture et 7 rue Saint Vincent et la commune de Nice verseront à M. B... une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le syndicat des copropriétaires du 15 rue de la Préfecture et 7 rue Saint Vincent et par la commune de Nice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au syndicat des copropriétaires du 15 rue de la Préfecture et 7 rue Saint Vincent et à la commune de Nice.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 25 juin 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire