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25/07/2024 | FRANCE | N°471151

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 25 juillet 2024, 471151


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 février et 27 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée à associé unique Eloce demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er de l'arrêté du 23 novembre 2022 modifiant quatre arrêtés relatifs à diverses formations réglementées du ministère chargé de l'agriculture ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 eu

ros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièc...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 février et 27 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée à associé unique Eloce demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er de l'arrêté du 23 novembre 2022 modifiant quatre arrêtés relatifs à diverses formations réglementées du ministère chargé de l'agriculture ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code du travail ;

- l'arrêté du 13 février 2023 modifiant l'arrêté du 5 octobre 2011 relatif au cahier des charges de la formation spécifique en matière d'hygiène alimentaire adaptée à l'activité des établissements de restauration commerciale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nejma Benmalek, auditrice,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 juillet 2024, présentée par la société Eloce ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 233-4 du code rural et de la pêche maritime : " Le fonctionnement des établissements de production, de transformation, de préparation, de vente et de distribution de produits alimentaires peut être subordonné à la présence dans les effectifs de ces établissements d'une personne pouvant justifier d'une formation spécifique en matière d'hygiène alimentaire adaptée à l'activité de l'établissement concerné. (...) / Un décret précise la liste des établissements concernés par l'obligation mentionnée au premier alinéa et précise les conditions que doivent respecter les organismes délivrant cette formation. / Le contenu et la durée de la formation mentionnée au premier alinéa sont définis par arrêté du ministre chargé de l'alimentation ". En vertu de l'article D. 233-1 de ce code, sont tenus à cette obligation les établissements de restauration commerciale relevant des secteurs d'activité de la restauration traditionnelle, des cafétérias et autres libres-services et de la restauration de type rapide. Et aux termes de l'article D. 233-12 du même code : " La formation prévue à l'article L. 233-4 peut être délivrée par tout organisme de formation déclaré auprès du préfet de région, conformément à l'article L. 6351-1 du code du travail. Un cahier des charges défini par arrêté du ministre chargé de l'alimentation détermine les conditions auxquelles est soumis l'organisme de formation ainsi que le contenu et la durée de cette formation ".

2. La société Eloce demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er de l'arrêté du 23 novembre 2022 modifiant quatre arrêtés relatifs à diverses formations réglementées du ministère chargé de l'agriculture, par lequel le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a ajouté, à l'article 2 de l'arrêté du 5 octobre 2011 relatif au cahier des charges de la formation spécifique en matière d'hygiène alimentaire adaptée à l'activité des établissements de restauration commerciale, un alinéa prévoyant que : " Seule une formation en présence des personnes concernées est autorisée. La mise en œuvre d'une formation à distance n'est pas autorisée ".

Sur l'exception de non-lieu :

3. Si le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire fait valoir que l'alinéa en litige a été abrogé par un arrêté du 13 février 2023, devenu définitif, il n'en résulte pas, contrairement à ce qu'il soutient, que la requête aurait, postérieurement à son introduction, perdu son objet, dès lors que cet alinéa a produit des effets entre l'entrée en vigueur de l'arrêté du 23 novembre 2022 et celle de l'arrêté du 13 février 2023.

Sur la légalité de l'article 1er de l'arrêté attaqué :

S'agissant de la légalité externe :

4. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article L. 233-4 du code rural et de la pêche maritime cité au point 1 que le législateur a confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions que doivent respecter les organismes délivrant la formation spécifique en matière d'hygiène alimentaire adaptée à l'activité des établissements de production, de transformation, de préparation, de vente et de distribution de produits alimentaires astreints à la présence dans leurs effectifs d'une personne justifiant de cette formation. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions en litige seraient entachées d'incompétence au motif que la fixation de ces conditions relèverait, en vertu de l'article 34 de la Constitution, du domaine de la loi, ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

5. En second lieu, il résulte de l'article D. 233-12 du code rural et de la pêche maritime, pris pour l'application de l'article L. 233-4 de ce code et également cité au point 1, qu'il incombe au ministre chargé de l'alimentation de déterminer, par un cahier des charges, les conditions auxquelles est soumis l'organisme de formation délivrant la formation imposée par la loi, ainsi que son contenu et sa durée. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire était donc compétent pour modifier le cahier des charges en soumettant les organismes de formation à l'obligation que cette formation soit mise en œuvre en présence des personnes concernées.

Sur la légalité interne :

6. En premier lieu, si l'article D. 233-12 du code rural et de la pêche maritime prévoit que la formation prévue à l'article L. 233-4 de ce code peut être délivrée par tout organisme de formation déclaré auprès du préfet de région " conformément à l'article L. 6351-1 du code du travail ", article qui soumet à déclaration l'activité de " toute personne qui réalise des actions prévues à l'article L. 6313-1 ", c'est-à-dire des actions entrant dans le champ d'application des dispositions du code du travail relatives à la formation professionnelle, et si le deuxième alinéa de l'article L. 6313-2 du code du travail définissant l'action de formation professionnelle précise qu'une telle action " peut être réalisée en tout ou partie à distance ", il ne résulte nullement de ces différentes dispositions, relatives aux obligations de déclaration des organismes de formation et au champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle, que la formation prévue à l'article L. 233-4 du code rural et de la pêche maritime devrait nécessairement pouvoir être réalisée à distance.

7. En deuxième lieu, les dispositions en litige s'appliquant à l'ensemble des organismes dispensant la formation spécifique en matière d'hygiène alimentaire adaptée à l'activité des établissements de restauration commerciale, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'elles méconnaissent le principe d'égalité.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces dispositions, qui sont justifiées par un motif d'intérêt général, porteraient à la liberté d'entreprendre ou à la liberté du commerce et de l'industrie une atteinte disproportionnée.

9. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué porterait atteinte au principe de libre prestation de services prévu par l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et méconnaîtrait l'article 16 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. En cinquième lieu, n'est pas non plus assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé le moyen tiré de ce que ces dispositions auraient appelé, pour ne pas porter atteinte au principe de sécurité juridique et aux dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-6 du code des relations entre le public et l'administration, une entrée en vigueur différée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eloce n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Eloce est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée à associé unique Eloce et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 juillet 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Nejma Benmalek, auditrice-rapporteure.

Rendu le 25 juillet 2024.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Nejma Benmalek

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 471151
Date de la décision : 25/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2024, n° 471151
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nejma Benmalek
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471151.20240725
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