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25/07/2024 | FRANCE | N°475613

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 25 juillet 2024, 475613


Vu la procédure suivante :



Mme D... B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Vienne a confirmé, sur son recours administratif préalable, la décision du 30 septembre 2020 par laquelle la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne a mis à sa charge un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 13 067,44 euros pour la période d'octobre 2018 à septembre 2020 et, d'autre part, d'enjoindre au président du c

onseil départemental de la Haute-Vienne de lui restituer les sommes indûm...

Vu la procédure suivante :

Mme D... B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Vienne a confirmé, sur son recours administratif préalable, la décision du 30 septembre 2020 par laquelle la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne a mis à sa charge un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 13 067,44 euros pour la période d'octobre 2018 à septembre 2020 et, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental de la Haute-Vienne de lui restituer les sommes indûment retenues au titre du recouvrement de cet indu et de la rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active sur la période litigieuse. Par un jugement n° 2100446 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juillet et 3 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Haute-Vienne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nejma Benmalek, auditrice,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament, Robillot, avocat du département de La Haute-Vienne et à la SCP Zribi, Texier, avocat de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle, la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne a, par une décision du 30 septembre 2020, mis à la charge de Mme B... A... épouse C... un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 13 067,44 euros pour la période d'octobre 2018 à septembre 2020. Mme C... a contesté cette décision, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, devant le tribunal administratif de Limoges. Le département de la Haute-Vienne se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Vienne a confirmé, sur le recours administratif préalable de Mme C..., la décision du 30 septembre 2020 de la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne mettant à sa charge un indu de revenu de solidarité active, déchargé cette dernière de l'obligation de payer la somme correspondant à cet indu et enjoint au département de la Haute-Vienne de la rétablir dans ses droits à cette allocation pour la période d'octobre 2018 à septembre 2020.

2. Aux termes de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles : " (...) Les organismes chargés de son versement réalisent les contrôles relatifs au revenu de solidarité active selon les règles, procédures et moyens d'investigation applicables aux prestations de sécurité sociale. (...) ". Selon le premier alinéa de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale : " Les directeurs des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. (...) Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire ". Les conditions d'agrément des agents des caisses d'allocations familiales exerçant une mission de contrôle sont définies par un arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 23 avril 2017, qui renvoie aux dispositions de l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les conditions d'assermentation.

3. Il résulte de ces dispositions que tant l'absence d'agrément que l'absence d'assermentation des agents de droit privé désignés par les caisses d'allocations familiales pour conduire des contrôles sur les déclarations des bénéficiaires du revenu de solidarité active sont de nature à affecter la validité des constatations des procès-verbaux qu'ils établissent à l'issue de ces contrôles et à faire ainsi obstacle à ce qu'elles constituent le fondement d'une décision déterminant pour l'avenir les droits de la personne contrôlée ou remettant en cause des paiements déjà effectués à son profit en ordonnant la récupération d'un indu.

4. Par suite, lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision qui, à la suite d'un contrôle de l'organisme chargé du versement du revenu de solidarité active, a pour objet soit de mettre fin au droit de l'allocataire soit d'ordonner la récupération d'un indu de prestation et que le requérant soulève un moyen tiré du défaut d'agrément ou d'assermentation de l'agent chargé du contrôle, il appartient au juge, si cette qualité ne ressort pas des éléments produits en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente, seule en mesure d'établir l'agrément et l'assermentation des agents qu'elle désigne pour effectuer les contrôles, la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

5. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif que Mme C... a soulevé un moyen tiré du défaut d'agrément et d'assermentation de l'agent qui a conduit les contrôles de situation pour la première fois dans son mémoire en réplique produit le 28 avril 2023, en réponse aux mémoires produits respectivement le 15 et le 17 décembre 2023 par la caisse d'allocations familiales et le département de la Haute-Vienne. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en jugeant, pour accueillir ce moyen, qu'il ne résultait pas de l'instruction que cet agent aurait prêté serment et aurait été agréé en qualité d'agent de contrôle par une décision du directeur général de la caisse nationale des allocations familiales, sans avoir préalablement invité l'administration à compléter ses productions sur ce point, le tribunal administratif a méconnu son office. Le département de la Haute-Vienne est donc fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme que demande le département de la Haute-Vienne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Haute Vienne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 4 mai 2023 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Limoges.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de la Haute-Vienne et à Mme D... B... A... épouse C....

Délibéré à l'issue de la séance du 11 juillet 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Nejma Benmalek, auditrice-rapporteure.

Rendu le 25 juillet 2024.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Nejma Benmalek

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 475613
Date de la décision : 25/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2024, n° 475613
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nejma Benmalek
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:475613.20240725
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